C’est une «bombe» qu’a balancée sur son site jeudi soir le quotidien algérien d’information en ligne «Tout sur l’Algérie» (TSA). L’article, avec preuves et documents à l’appui, révèle une facette sombre du fonctionnement de l’Etat d’Algérie.
Il met à nu la manière avec laquelle le fonds d’investissement émirati EIIC a pu obtenir des concessions, des largesses et une assistance administrative pour lancer son projet Dounia Parc à Alger. Aucun investisseur étranger n’a eu droit à de tels privilèges à l’exception d’Orascom Telecom Holding (OTA), le propriétaire majoritaire de OTA (Djezzy), lorsqu’il s’est installé en Algérie. Le scoop donné par TSA révèle en fait comment le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s’est impliqué personnellement pour aider le fonds d’investissement d’Abu Dhabi.
Le 5 mars 2011, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, écrit au ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, Mohamed Benmeradi, et cite pour la première fois dans sa correspondance, le chef de l’Etat en lui rappelant que conformément aux directives du président de la République, le gouvernement a arrêté en mai 2009 les conditions applicables à la réalisation du projet Dounia Parc, notamment la nécessité pour son promoteur, le groupe EIIC, de mobiliser à l’extérieur les crédits requis pour le projet. «Ces conditions, affirme Ahmed Ouyahia dans sa lettre, ont été consignées dans mon envoi n°222 du 28 mai 2009». «Elles ont été, précise l’expéditeur, acceptées par les Emiratis dès juin 2009, donnant lieu à l’élaboration du projet de convention pertinente avec l’Agence nationale du développement de l’investissement (ANDI).»
Mais une année et demie après, EIIC fait dans la surenchère vis-à-vis du gouvernement algérien et refuse les termes de l’accord. C’est en décembre 2010, lorsque l’ANDI les avait invités à signer la convention, que les responsables du fonds d’investissement d’Abu Dhabi expriment leurs nouvelles exigences. Ils ont demandé tout simplement «le droit de mobiliser le financement du projet Dounia Parc à leur convenance, soit en crédits à lever auprès de banques en Algérie, soit en fonds à lever à l’étranger», mentionne le document obtenu par le journal électronique TSA. Surprenant, et contre toute attente, le gouvernement algérien accède à la demande des investisseurs émiratis. Il les autorise, en effet, à lever 100 milliards de dinars (l’équivalent de 1,5 milliard de dollars) auprès des banques algériennes. Selon le Premier ministre, qui cite pour la deuxième fois le premier magistrat du pays, cet accord exceptionnel a été accordé à la demande du président de la République. TSA reprend des extraits de la correspondance d’Ahmed Ouyahia.
Ce dernier écrit : «… Suite à un avis favorable présidentiel, j’ai chargé le ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement de notifier aux responsables du groupe EIIC, qu’à titre d’ultime concession, le gouvernement accepte d’autoriser ce promoteur à mobiliser un maximum de 100 milliards de dinars de crédits auprès des banques locales, le reste du financement devant provenir d’autres sources extérieures, y compris le capital de la société.» La notification, indique la même source qui reproduit les propos du Premier ministre, a été communiquée à EIIC qui l’avait acceptée. Tout sur l’Algérie sort par ailleurs un autre document ; une lettre du ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire qui renseigne sur le traitement particulier accordé et dont ont bénéficié les investisseurs émiratis. Selon Cherif Rahmani, EIIC avait demandé initialement un financement local variant entre 111 milliards de dinars et 222 milliards de dinars. Mais, cerise sur le gâteau, le gouvernement algérien lui offre un bonus en augmentant de près de 400 hectares la surface réservée à la réalisation de Dounia Parc «les Grands-Vents». Initialement, elle était de 630 ha. Après toutes ces concessions, il ne manquait que l’accompagnement et les facilitations administratives. Une instruction ministérielle datée du 24 avril 2012 s’en charge.
Ce document sur lequel se base TSA prévoit la création d’un comité de facilitation et de suivi. Cette structure, chapeautée conjointement par les ministères de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire, et celui de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissent, a pour mission «d’assister la Société des Parcs d’Alger dans les consultations préparatoires avec l’ensemble des organismes et institutions concernés, d’appuyer et de suivre les demandes d’obtention des autorisations – visas, agrément et permis – introduites par la Société des parcs d’Alger, de fournir à cette dernière les renseignements relatifs aux procédures des demandes d’autorisation, visas, agréments et permis, et de coordonner avec toutes les structures concernées par les études.» Contacté hier, le responsable de TSA à Alger, Hamid Guemache, affirme que son journal a pu en fait obtenir trois documents liés à cette affaire. Selon lui, la rédaction, pour le besoin de protéger les sources d’information, s’est suffi de n’en publier que des extraits.