Dans un précédent billet, j’avais évoqué cursivement, le passé corsaire de nos contrées, qui de 1500 à 1830 et sous le nom de régences ( Alger, Tunis et Tripoli) furent le foyer d’une industrie florissante, la piraterie.
Ils ne furent pas les seuls à mettre Dieu de leur côté, et à revendiquer se battre pour Sa Gloire pour se livrer à des pratiques consistant à arraisonner des vaisseaux, à tirer rançon des captifs riches et à réduire en esclavage les autres. Pour ces derniers, le sort peu enviable d’être consigné aux galères ou à la domesticité était pratique courante. Marginalement, certains seront affranchis et intégrés dans le corps des janissaires dans lequel ils se distingueront.
Cervantes, qui accouchera de « Don Quichotte » , monument du patrimoine littéraire universel, illustre le sort de ces captifs prisés, dont les riches familles ou la notoriété pouvait garantir de fortes rançons.
Il fut délivré contre espèces sonnantes et trébuchantes, et son séjour dans l’algérois qui fut loin d’être paradisiaque, est fort peu connu.
Il se trouvera beaucoup d’historiens pour argumenter qu’il ne s’agissait point de piraterie mais de djihad maritime et que les turcs s’étaient portés au secours de la foi musulmane pour contrecarrer les projets de Charles Quint.
Longtemps, ces régences , devenues puissances maritimes par le génie de leurs charpentiers de marine,la science de la course et de flibuste, la propulsion des voiles supplée par celle des galériens lorsque le vent n’était plus porteur, se sont contentés de proposer un modèle économique non viable sur le long terme. Ou du moins viable aussi longtemps que le rapport de forces demeurait en l’état.
À la décharge des ces Maures boutés hors d’Espagne par la Reconquista et poussés vers nos rivages, les puissances chrétiennes les avaient exclus du négoce ordinaire par l’imposition de conditions inacceptables qui les mettaient en infériorité avec les français, les espagnols, les portugais et les britanniques.
Les routes maritimes étaient largement interdites aux « barbaresques » par le jeu de surtaxes et de réglementations difficiles à respecter. Tout ce contexte allait leur permettre de construire un sentiment identitaire assez fort qui se fondait dans le creuset de l’Islam et qui interdisait de réduire en esclavage tout adorateur du Dieu Unique, Allah sabhanou.
L’indépendance de l’Amérique, anciennement fédération de treize colonies, un 4 juillet 1776 allait déboucher sur le premier traité entre la Régence et les États Unis. À l’origine, le rapport de forces penchait en faveur de la Régence car les navires américains ne jouissaient plus de la protection des
bâtiments britanniques armés. Il est même rapporté que la duplicité du consul britannique à Alger, le poussait à nommer les navires marchands qui ne bénéficient plus de la protection de la couronne, en représailles à la déclaration d’Indépendance.
La jeune nation américaine, pour ne plus voir ses vaisseaux être la proie des corsaires, signera un traité de paix avec la Régence d’Alger, en 1783 , suivi de celui de Tripoli deux ans plus tard.
Le traité garantissait au Dey d’Alger un tribut annuel de 60 000 dollars soit plus de 60 milliards au taux actuel, ce qui représentait 20 pour cent du revenu global des colonies émancipées. L’exigence du Dey d’Alger de la livraison d’un navire, armé de 40 canons en lieu et place du tribut , changera les termes du traité de paix et poussera les leaders américains à penser et à programmer la
naissance et l’édification d’une force marine armée capable de protéger sa flotte commerciale.
L’arraisonnement , de deux bâtiments, Le « Maria of Boston » et le « Dauphin of Philadelphia » permettront de chauffer l’opinion publique américaine et de présenter les turcos comme une menace prête à fondre sur le sol américain pour assujettir les 13 colonies. Le corsaire devenait le croquemitaine qui hantait la psyché des habitants du nouveau Monde, et la Régence l’archétype de l’État voyou cher à la vulgate Bushienne..
Cette première opération d’intoxication aura été l’élément fondateur pour acter la naissance de L’US Navy et pousser l’état récalcitrant du Delaware à ratifier la Constitution américaine.
En ce sens, oui, la culture pirate de nos rivages compte parmi les Pères fondateurs des USA.
… Mais qu’il est est loin le temps où Jefferson, président américain et ancien ambassadeur à Paris, adressait des suppliques au Dey d’Alger. Une missive, à consulter dans les archives le montre écrivant:
» Nous nous sommes permis de leur demander à quel titre, ils faisaient la guerre à une nation qui ne leur avait fait aucune offense ». La réponse du Dey, reprendra la notion de djihad maritime et d’y voir une manière de « combattre les infidèles en tout lieu et, que tout musulman qui meurt au combat va au paradis ».. Le reste de l’histoire, nous le connaissons et peut-être mal!
EL HANIF