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LE FILS DU PAUVRE

ByAL HANIF

Juin 19, 2013

Le 15 mars 1962, la folie meurtrière de l’OAS, à travers son bras armé le commando Delta tue l’espoir d’une réconciliation et rend caduques les accords d’Evian.
Ce jour là? tombent sous les balles des meurtriers des hommes de bonne
volonté, enrôlés dans la construction de l’Algérie libre et dans la plus noble des missions, celle d’éducateur. Ils avaient pour nom Max Marchand, Marcel Basset, Robert Eymard, Salah Ould-Aoudia, Ali Hammoutène et Mouloud Ferraoun. Sur ce dernier, les bêtes fauves se seront acharnés en l’achevant de douze balles.
Son fils témoignera que son beau visage avait été épargné. Maigre consolation! Gabriel Anglade, l’un des membres de l’expédition meurtrière coule des jours heureux sur la Côte d’Azur et se présente sur les listes de l’UMP. L’attentat du petit Clamart et la tentative d’assassinat de De Gaulle
sont déjà loin et son parti fait fête et table ouverte aux « nostalgériques » de l’Algérie française qui n’ont rien appris et rien retenu de l’histoire.
L’histoire est un long sanglot mais elle ne repasse jamais deux fois le même plat. Michèle Tabarot dont le père fut la cheville ouvrière de l’OAS à Oran et l’artisan de ‘la terre brulée’ est secrétaire de l’UMP et mairesse. Depuis, elle s’est reconvertie dans l’escroquerie financière et l’islamophopie.
Dans sa belle biographie de Mouloud Ferraoun, José Lenzini, l’enfant du pays raconte que le chef du commando d’assassins parade sans complexe dans la ville dans laquelle il est premier adjoint. Bouter le sarrasin hors de France est son nouveau combat de despérado. Un parti de la vie politique française majeur lui a donné une nouvelle virginité et les honneurs qui vont avec!
Cinquante après, que reste -t-il dans la tête d’un tueur? Nous pouvons apporter la réponse. Ni regret, ni remords. Et la haine persistante d’une Algérie indépendante que l’on aurait voulu brûler jusqu’à la dernière parcelle. Et que l’on espère voir sombrer. A espérer que d’autres ne s’en chargent pour eux! Et pourtant, l’humanité de la victime, Mouloud, celui qui vient à la
vie,  éclipse celle du bourreau. Ce Gabriel n’est pas ange mais démon, recyclé dans l’extrême droite qui organise la porosité avec le parti de Sarkozy, Copé et Fillon.
 » Le Fils du pauvre » fut le titre du premier roman de Ferraoun. Largement autobiographique, il puise contrairement à Camus dans le terreau de cette Algérie miséreuse et martyrisée par le long joug colonial. Une poignée de colons accapareront toutes les terres fertiles et feront de la relégation un programme!
Dans l’œuvre de Feraoun, l’indigène n’ est plus couleur locale, ni alibi exotique, ni encore cet intrus que l’on abat avec indifférence ‘ à cause du soleil trop aveuglant’.
Né la même année que Camus, Ferraoun reprochera à ce dernier de n’avoir fait figurer dans  » La Peste » que des européens ‘ de n’importe quelle autre sous-préfecture de France’
L’Algérie de Camus et celle de Ferraoun se tournaient le dos car l’un pensait humanité et égalité et l’autre se préparait à choisir sa mère ( la France coloniale) à la justice. Camus écrira sur l’Algérie du littoral, de la mer et du sable fin alors que Ferraoun se fera témoin de l’âpreté de l’existence, du
dénuement du colonisé, du labeur du paysan, de l’intérieur du pays réel et celui des duretés sèches de la Kabylie.
L’humanisme de Camus confronté à l’épreuve de l’Histoire se montrera défaillant et de toc. Il pouvait engendrer de l’amitié mais il était incapable de compréhension même si ses laudateurs s’évertueront à falsifier la vérité et privilégier la légende.
L’enfance de Ferraoun, rendue dans  » Le fils du pauvre » se passe à Touarirt, petit village de Kabylie avec pour décor les figues de barbarie, la pierraille de la masure et celle des murs de protection ; et la saison rythmée par le va et vient des migrants chargés comme des mulets de cadeaux pour faire oublier l’absence. Le petit Mouloud sera élevé dans la tradition des récits des temps
héroïques qui ne laissent pas mourir la mémoire des ancêtres qui résistèrent à tous les envahisseurs. Personne ne lui enlèvera la fierté d’appartenir à un peuple qui se souvenait jadis avoir dominé le Maghreb et fait retentir les accents de sa langue de l’Atlantique au Nil. Dergaz! Yajbed el gaz!
Une bourse d’études propulsera  » Le fils du pauvre » à l’école normale de Bouzereah et une tête bien faite le distinguera très vite parmi ses condisciples.
Mouloud Ferraoun ne s’est jamais vu comme un singe savant,  » un assimilé » qui pouvait, tel un juke box archaïque, repasser par tous les poncifs de l’acculturé. Virtuose de la langue française, il ne se considérera jamais comme
‘français’ en dépit des affirmations officielles de l’époque. Fidèle en amitié, il gardera le contact avec de nombreux amis européens et il choisira le camp du FLN, tout en ne se faisant aucune illusion:
 » Nos ennemis de demain seront pires que ceux d’aujourd’hui » écrira-t-il.
Les assassins ne lui laisseront pas le temps de vérifier ce pressentiment et celui qui rêvait ‘ de pouvoir écrire tout ce que l’on pense’ et qui avait une profonde aversion pour les extrémismes, connaissait la pathétique solitude des visionnaires. Comme le dira si bien Bruno Frappat: «  Sa culture était française et son cœur algérien ». Il aurait tant voulu que des hommes de bonne volonté puissent éviter à deux peuples d’être entraînés vers l’abîme et le sang. On ne peut rembobiner le film et l’Algérie aura été privée d’un cerveau, d’un homme frère de tous les hommes et qui n’avançait pas avec des œillères.
Mouloud Ferraoun aurait eu cent ans et l’oubli est son nouveau tombeau.
Le 15 mars 1962, des ultras fanatisés de l’Algérie française avaient ciblé les participants à une réunion des responsables sociaux pour surgir et tuer l’Espoir!
La foule trahit le peuple!

4 thoughts on “LE FILS DU PAUVRE”
  1. L’oubli dans lequel on cantonne Mouloud Ferraoun est indigne.
    Cet auteur qui n’avait de haine pour personne reconnaissait le génie litéraire de Camus, son algérianité mais lui reprochait de ne pas être clair avec lui-mëme au moment du choix décisif.
    Détenteur du prix nobel de litérature, il ne mettra pas cette tribune à profit alors que Sartre et jeanson pour être dans le camp de la liberté se rangeront derrière le FLN , aideront ses réseaux et deviendront porteurs de valises.
    Camus, le journaliste a fait quelques tribunes sur la misère endémique en kabylie mais je persiste et signe en disant que l’autochtone est évacué de son oeuvre litéraire.
    Camus le critique du totalitarisme soviétique sera plein d’euphémisme sur la torture et ne signera aucun texte et refusera de s’associer à des pétitions.
    Son image sera définitivement brouillée avec la phrase:
     » Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère. »
    Mouloud de Tizi, fils légitime de l’Algérie ne se trompera pas de combat.
    Maurice Audin, le communiste non plus!

    1. salam grand frere:ce que vous avez èvoquè au sujet de ce grand ècrivain ,est un tèmoignage d’un « en quelque sorte » rèvoltè qui veut qu’on rend un grand homage à Mouloud digne d’un ècrivain qui a ècrit ce qui a vècu durant toute sa vie;entre « l’ètranger » et « fouroulou » je choisirais le dernier!

  2. merci grand frère de nous avoir rappelè ce grand ècrivain en la personne de « FOUROULOU » que j’ai eu l’occasion de lire plusieurs,c’est un chef d’oeuvre purement algerien! Mouloud Feraoun a bien choisi le titre de sa biographie! homage à lui!

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