BEL-ABBES INFO

Le premier journal électronique de la wilaya de Sidi Bel-Abbes

LE RÊVE ÉVEILLÉ ( Maison Algérie,suite et suite….)

ByAL HANIF

Déc 20, 2016

Nous gagnerons du temps à admettre d’emblée que nous sommes des rêveurs (peut-être utopiques) mais que n’ignorons pas que l’édification d’un Musée d’état ne pourra légitimement échapper aux usages politiques et idéologiques qui ne manqueraient pas d’en être faits.
Là où il se trouverait, baigné par les appels du Muezzin aux cinq moments sanctifiés, et la Mer Commune, notre « Mare Nostrum »,notre projet de muséalisation inscrit dans ce site,sera espace matériel pour contenir et non chosifier la présence du passé dans le présent.Ce qui est constitutif de l’identité au sens large.

Il serait évidemment difficile d’occulter la résistance des historiographies nationales concurrentes, mais rendre compte d’une mémoire collective plus inclusive, moins fixiste et plus dynamique serait gage de réussite. À l’heure où l’on essaie de figer le génie d’un peuple par des caractéristiques essentialistes d’un autre âge,de l’emprisonner dans une gangue conceptuelle,la célébration du génie des activités humaines ancrées dans un espace, plaidera plus
pour une proximité consubstantielle avec des notions d’attaches, de constances, de pérennité et de cohésion.
De même, nous serions frustrés de ne pas y retrouver ce qui rend compte des changements, bouleversements et accommodations à différentes situations historiques.

Un musée reste le lieu idoine pour la synthèse autour de l’authenticité racinaire et la complexité des mutations impulsées par les flux humains, les échanges dynamiques et la prégnance de l’environnement spirituel, technologique et scientifique. Dans la vie courante, tradition et modernité cherchent leur point d’équilibre.

En Occident même, le débat définitoire est loin d’être tranché.La difficulté à définir une identité nationale et européenne empoisonne et les sorties de l’Union et fait paniquer les politiques de l’Union Européenne. Le déficit d’identification révélé par l’absence des projets tels que celui d’un musée de l’Europe révèle que les programmes de types Erasmus (échanges d’étudiants en espérant brassages et unions matrimoniales pour cimenter l’Europe des élites) restent insuffisant pour embrasser une identité commune.
D’autre part, le projet se heurte à la lutte des égos nationaux et au parti-pris de mandarins très réticents à définir un projet de Musée européen.Décliner des unités muséales parcellarisées, et garder la haute main sur des Instituts permet de conserver un pouvoir symbolique et académique mais également, de représenter la promotion d’une région autour de produits culturels phares:spécialités gastronomiques, architecturales, art urbain, patrimoine
industriel et minier etc….
Gardons vite témoignage de l’habitât traditionnel algérien avant que l’uniformisation et le béton n’envahissent les villes comme à Beyrouth.

Aux pieds de la grande bleue, il y a une invitation insistante à accueillir des pavillons et des expositions permanentes ou temporaires de tous les pays (sauf un et je développerai plus tard) pour souligner cette symbiose, cette unité organique autour de Mare Nostrum, à reconvertir d’urgence en Lac de Paix.Et à conjurer le spectre de « printemps arabes » qui n’étaient ni printemps ni arabes.

J’ai le souvenir des Jeux de Split organisés par la défunte Yougoslavie par la volonté du patriote Tito, qui voulait affirmer à la fois le caractère slave de sa nation mosaïque et son pendant naturel Méditerranéen. Exposer les armes yougoslaves qui ont alimenté les maquis ALN, dès leur existence, serait une démonstration aveuglante du lien entre Histoire et mémoire.Et à surligner les convergences idéologiques qui signalent l’ami de l’ennemi!
L’histoire nous instruit également qu’il y a des exemples à méditer et des erreurs à ne pas commettre. L’Algérie, par exemple a eu mille fois raison de se méfier du projet Union autour de Mare Nostrum dont Sarkozy s’était fait le chantre et à laquelle avaient accouru ventre plat, Moubarrak (l’egyptien), Ghaddafi (le libyen) et avec plus de
circonspection Assad ( le syrien). Le but de la manœuvre n’étant que de faire entrer un passager clandestin dans cette « Union » et d’acter un nouveau mandat sur les pays du sud.

L’histoire s’est vengée tragiquement pour nous exposer la duplicité de ce projet.L’Allemagne de Merkel s’est trouvée confrontée au débat existentiel de la dénazification des musées lorsque la question de l’édification d’un Musée d’État s’était posée lors de la réunification. De même, la RDA a été sommée d’expurger son passé communiste et sécuritaire et de ne plus assumer son histoire en actant une lourde défaite idéologique, une reddition annoncée par la chute du mur de Berlin.
La nostalgie de cette période n’est autorisée que sous surveillance dans le champ de la culture , et avec parcimonie.

L’histoire des pays ne peut plus être présentée sans faire appel aux vertus de l’objectivité,l’interdisciplinarité,ni être pensée et présentée à travers des schèmes rigides et des prismes sans rapport avec la dynamique historique et le développement du monde.Si l’histoire est écrite du point de vue du vainqueur, alors réjouissons nous d’avoir été vainqueurs et abordons la dotation en projets culturels de grande magnitude avec détermination et ouverture pour faire « sauter les menottes de l’esprit » (Edward Said).4

Pour inspiration, nous avons l’héritage andalou,creuset civilisationnel et scientifique et témoignage de l’Islam en Europe et de sa capacité à illustrer le Vivre Ensemble qu’il avait inventé!
L’Alhambra la rouge est devenue bijou patrimonial de l’Espagne et attestation du génie civilisationnel de l’islam.
Chaque président français a eu à cœur de s’associer à une trace permanente dans le champ culturel ( Mitterrand et sa pyramide du Louvres) et surtout la volonté exemplaire d’un décideur politique. À travers la passion de Jacques Chirac pour les Arts Premiers,il léguera à son pays et à sa capitale, le témoignage du Musée des Cultures Autonomes du Quai Branly. Sans oublier le caractère idéologique du projet. Le musée deviendra outil politique du souci de « réconciliation post-colonial » et de promotion de l’égalité entre les cultures.Des experts qui adoptaient la moue devant cet « art primaire » ont été obligés de reconnaître le génie populaire de civilisation qu’une anthropologie coloniale avait défini de sauvages.Un président français inculte insultera les africains à Dakar en accusant « les peuples africains de ne pas être entrés dans l’histoire ».
L’heure est venue de ne plus subir le discours produit par l’autre sur soi. Et de faire preuve d’assertivité, à ne pas confondre avec l’orgueil. Le décalage entre les souhaits affichés et la réalité restera abyssal pour longtemps et nous le savons par principe de réalité.
Mais rêvons et tissons les éléments du rêve.Dans notre pays où tout est impulsé du haut et procède souvent du
désir présidentiel, plaidons pour une demande, un rêve venu du bas,de la société civile qui veut être partie prenante des politiques culturelles et éducatives.Le peuple, vous l’avez compris est le destinataire de « Maison
Algérie » et de la Grande Mosquée dont nous espérons qu’elle soit aussi joyau architectural.

Aujourd’hui hélas les plus belles collections qui nous concernent sont propriétés des musées étrangers. Le musée de Londres a pillé l’Égypte antique, et c’est le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie qui abrite la plus belle collection « Maghreb-Machrek ». Celui des Arts décoratifs, les plus belles pièces de la collection « Islam ».

Rêvons que les musées nous visitent tous et de voir ces pièces un jour chez nous.

AL-HANIF