Bel-abbes info : M.Mansouri, peut-on savoir, qu’est-il advenu des sites qui ont servi à la ‘grande vadrouille’ ou devrais-je dire ‘magouille’ atomique qu’on a lu dans la première partie…?
M. Mansouri : Tout d’abord, il convient de souligner que les sites Sahariens choisis par la France ont fait l’objet de théâtre d’explosions nucléaires mais aussi d’autres sites ont été utilisés pour les essais chimiques, biologiques et balistiques… !!
Selon le ministère de la Défense Français (en 1967), les sites d’essais sahariens ont été “démantelés” et “assainis” sur le plan radiologique avant le départ des militaires Français en juillet 1966. Ceci devait comporter les opérations de démontage des installations techniques, du nettoyage et d’obturation des galeries. La note 37/DIR/C.E.N.lOPS du 20 mars 1965 fixait les mesures à prendre avant de quitter le CEMO et prévoyait que certaines installations non démontables seraient abandonnées. Cependant, il n’est fait nulle part, mention du 3ème site d’Adrar-Tiberkine qui a connu la dispersion d’importantes quantités de plutonium. Présentement, les frontières de cet espace ne sont pas connues du fait du mouvement du sable dans cette région du Hoggar. Pour démarquer les zones touchées et estimer avec plus de précision la contamination résiduelle de ce site, la France doit communiquer les informations techniques indispensables pour mener efficacement l’opération de nettoyage. Concernant le retrait et les mesures d’évacuation des sites, il n’a été retrouvé aucune synthèse et aucun compte-rendu faisant allusion à l’état radiologique dans lequel les champs de tir ont été restitués. La dissolution de la 2ème compagnie fut opérée le 30 mars 1964, après la destruction de la base de Hamoudia, le 21 février 1964……..
Par ailleurs, de nombreux ‘visiteurs’ Algériens et étrangers, en particulier des vétérans, qui se sont rendus sur place, en 2007, 2009 et 2010, démentent formellement les thèses officielles françaises à propos du nettoyage de ces sites. C’est ainsi que Bruno Barillot expert des essais nucléaires a déclaré en 2007 lors de la visite du site Reggane: “L’État français persiste à dire que tout a été nettoyé. Maintenant, nous avons la preuve que c’est faux”. Les voitures, les camions et les avions auraient été enterrés. Où?… De son côté, le défunt Mohamed Bendjebbar, président de l’Association des vétérans algériens des essais nucléaires, s’exprime: “À Reggane, en 1961, les Français ont à peine enterré leurs avions et leurs voitures (hautement radioactifs)”… “Au bout de trois mois, avec le vent, les véhicules étaient à découvert. Les populations locales ont récupéré le métal.”…. Daniel Cardin, qui a fait son service militaire dans ces sites nucléaires, témoigne en disant: « On commençait à travailler très tôt le matin à cause de la chaleur,…..on découpait les engins, les avions et la pelleteuse les poussaient dans les trous et les recouvraient de sable…” Finalement, on sait peu de chose sur les populations algériennes et subsahariennes employées comme main-d’œuvre sur les sites, entre 1958 et 1966, et sur leur destin sanitaire. De plus, ils ignoraient totalement les effets des radiations et les contrôles sanitaires étaient inexistants pour eux… ». Donc, ce qui ressort de ce témoignage c’est, qu’en partant, l’armée française a enfoui dans les sables du grand désert des avions, des camions, des engins de terrassement, et tout un ensemble d’autres éléments contaminés par les explosions atmosphériques. Un autre témoignage décrit la même chose, Mr Zengui de Zaglou, à une cinquantaine de kilomètres de Reggane: «Tous les matins, on allait sur les endroits d’explosions des bombes, on était un groupe d’une dizaine de personnes, on ramassait de la ferraille, des câbles et des objets divers qu’on entassait dans un endroit, puis, un engin les enfouissait dans de grands trous creusés dans le sable… »…..
Au minimum, les sites du Sahara Algérien devraient bénéficier, au même titre que les sites polynésiens, du même traitement notamment en matière de système de surveillance, de sécurisation, des plans des lieux d’enfouissement des déchets radioactifs…
BAI: Dans la première partie de l’entretien vous avez parlez du colloque international sur les conséquences des essais nucléaires dans le monde, organisé à Alger les 13 et 14 février 2007, est ce qu’il y a eu des recommandations relatives aux différents sites d’essais nucléaires… ?
M.Mansouri : Oui, au fait, il y a eu un 2ème colloque en 2010 toujours à Alger, les recommandations qui en ressortent, ont mis l’accent sur les points pour lesquels aucune information n’est disponible tels que: La délimitation des zones contaminées par les quatre essais aériens et quarante expérimentations complémentaires à Hamoudia (Reggane) et à Tan Attaram (In Ekker) et les treize explosions souterraines à Tan Afella (In Ekker)……La destination des anciens laboratoires de Reggane et des blockhaus construits à Hamoudia (Reggane)……L’état des puits et autres installations et équipements qui ont servi aux 35 expériences complémentaires réalisées sur le site de Hamoudia……L’état des lieux des 5 expériences de l’opération “Pollen” qui dispersé du plutonium réalisées sur le site de Tan Attaram (In Ekker)…..Les lieux d’enfouissement des différents déchets nucléaires….La lever du sceau “secret défense” sur toutes les archives se rapportant aux essais et explosions nucléaires français au Sahara Algérien afin qu’elles servent de documents de référence aux chercheurs et experts.
Mais, depuis notre dernière conférence d’Alger en février 2010 ; la publication d’un important rapport « confidentiel défense » en février 2010, sur le programme d’essais nucléaires Français au Sahara a apporté de nouvelles informations.
– Nous avons maintenant, une vision plus claire sur la nature des installations de Reggane-Hammoudia et de la région d’In Eker avec les plans et la cartographie.
– La description des « expériences complémentaires » sur le site d’Hammoudia, permettra d’établir une cartographie des zones contaminées par la dispersion de matières radioactives, plutonium notamment ;
– La description des « expériences Pollen » sur le site du Tan Ataram, à l’ouest d’In Eker permettra de mieux délimiter la zone contaminée en fonction des indications mentionnées dans le rapport (plaques de goudron, direction des projections de matières radioactives…) ;
– Nous apprenons dans ce rapport que les zones de retombées radioactives des 4 essais aériens ‘‘Gerboise’’ ne sont en fait que des zones théoriques délimitées par les prévisions et non des zones établies après des relevés effectuées après tir. Il faudra donc envisager des prélèvements bien plus largement que sur ces zones théoriques pour établir une cartographie plus précise des zones contaminées ;
– Les points « chauds » subsistant des tirs souterrains dans la montagne du Tan Afela peuvent maintenant être identifiés, notamment les zones entourant les entrées des tunnels de tirs ;
– La zone de retombées radioactives consécutives à l’accident Béryl du 1er mai 1962 est identifiée dans le rapport « confidentiel défense ». Il reste à vérifier aujourd’hui par des prélèvements la contamination subsistante ;
– Des témoignages nouveaux de vétérans ayant participé aux essais et quelques passages du rapport permettront de situer quelques lieux où ont été stockés ou carrément enfouis des matériels contaminés (Palmeraie d’Arhil et flanc sud de la montagne du Tan Afela).
BAI: Que dit l’AIEA à ce sujet…. ?
M.Mansouri : Dans ce cadre, l’assemblée générale de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) a demandé, en date du 22 septembre 1995, aux Etats concernés par les essais nucléaires, de « prendre toutes leurs responsabilités pour que les sites où ils avaient exécuté des essais nucléaires soient contrôlés scrupuleusement et que des mesures adéquates soient prises pour qu’il n’y ait pas d’effets nocifs sur la santé, la sécurité et l’environnement ». Si les essais nucléaires se rapportent au passé, leurs conséquences s’étalent sur des siècles et même des millénaires. A ce titre, la France devrait suivre l’exemple de la Grande-Bretagne qui a procédé à la réhabilitation des sites de ses essais effectués en Australie et les îles océaniques. C’est ainsi que la gestion globale des anciens sites d’essais reste à établir en s’appuyant sur le principe “pollueur payeur”. Le rapport préliminaire de l’expertise effectuée par l’AIEA, en 1999 et publié en 2005, atteste l’existence de zones contaminées au niveau des trois sites d’essais. De graves négligences ont été enregistrées dans la gestion des déchets sur les sites d’essais et les informations précises sur la nature, l’activité radiologique, le volume et la localisation des stockages de ces déchets doivent être rendus publiques par le ministère de la Défense Français comme il l’a déjà fait pour la Polynésie Française.
BAI: Puisque vous avez effectué plusieurs visites aux endroits de la tragédie nucléaire tournée par la France coloniale, pouvez vous décrire aux lecteurs de Bai, afin de les mettre dans le bain des atomes, l’état des lieux actuellement…car je ne pense pas qu’ils puissent faire un petit tour là bas pour regarder le coucher de soleil…. ???
M.Mansouri : Pourtant, Mme, dans la région, il y a de très beaux couchers de soleil! Bref..! Vous savez que ce soit à l’époque de ces explosions ou aujourd’hui, le discours de la France sur l’innocuité des retombées de ses explosions aériennes n’a pas changé; elle soutient toujours avoir effectué des ”essais propres”!? Excusez-moi, monsieur, mais ai-je bien entendu, le mot ‘propre’? Oui Mme… ! Par ailleurs, à l’occasion des visites du site d’In Ekker les 16 février 2007 et 29 octobre 2009 et du site d’Hamoudia et des laboratoires du CEA à Reggane-plateau les 16-17 novembre 2007, suite à l’expertise de l’AIEA en 1999, il a été rapporté ce qui suit: “Les essais nucléaires aériens, souterrains et complémentaires réalisés au Sahara ont produit de grandes quantités de déchets ; des véhicules, des avions et d’autres matériels militaires ont été exposés aux tirs, d’énormes quantités d’eaux et de liquides de nettoyage ont été employés pour la décontamination des appareils et des personnels. Tous ces “déchets” ont été enterrés dans des tranchées sous quelques centimètres de sable. Les témoins locaux affirment qu’une grande partie de ces matériels contaminés a été “récupérée” par les populations ignorantes des risques pour leur santé. Alors qu’en 2006, le gouvernement de la Polynésie française a pu obtenir du ministère de la Défense français l’inventaire précis et les lieux de stockage des déchets similaires produits à Mururoa et Fangataufa, rien n’a été communiqué à l’Algérie.
BAI: Comment ça… ???
En 2007, l’ambassade de France à Alger a diffusé à la presse un document affirmant que ces essais nucléaires au Sahara n’avaient provoqué qu’une exposition des populations locales inférieure aux recommandations de la Commission internationale de protection radiologique”… !!???
Reggane-Plateau: une base militaire en plein désert : Les installations de la plateforme n’ont pas été démantelées dans les règles de l’art lors du départ des Français, en 1966. Il reste quelques bâtiments éventrés dont les installations intérieures ont été “récupérées” ou “pillées”. La plupart ont été édifiés avec des plaques amiantées (cancérigènes) qui battent au vent du désert. Par ailleurs, la falaise laisse apparaître les entrées de quatorze galeries souterraines de dimensions impressionnantes. La largeur est telle qu’on pourrait aisément y circuler en véhicule. Quelques entrées de galeries sont déjà obstruées par les sables qui s’accumulent contre la paroi de la falaise, mais plusieurs sont encore accessibles par l’ouverture d’un énorme portail métallique. Celui qui a été visité s’enfonce droit dans la falaise sur environ 200 mètres et se termine par un mur qui a dû être édifié pour boucher les entrées de laboratoires. Sur le côté, une autre galerie plus étroite doit rejoindre les autres tunnels.
Base avancée d’Hamoudia :L’ancienne base avancée d’Hamoudia, destinée au logement des personnels civils et militaires impliqués directement dans les tirs aériens, se situe sur une petite hauteur dominant de quelques mètres la platitude désertique à 40 km de Reggane ville et en lisière du champ de tir qui se trouve à 15 km. Avant de partir en 1966, les Français ont détruit la route qui relie Reggane- Plateau à la base avancée d’Hamoudia ainsi que les bâtiments, la piscine et toutes les infrastructures.
Le champ de tir des quatre « Gerboise » : Au lieu indiqué par le GPS pour Gerboise bleue, on trouve des ferrailles tordues et dispersées, à 900 m du point zéro, un blockhaus de béton avec des ouvertures obstruées. Selon les témoignages, ce blockhaus avait un revêtement de plomb qui a dû être récupéré et réutilisé par les pillards ignorant leurs dangers. Des cuves métalliques de grande dimension se trouvent là, entourées de dizaines de boules de béton, de 20 cm de diamètre et dispersées en plein désordre. Autour du point zéro de Gerboise bleue, le sol couvert de fragments noirs de sable vitrifié (contenant notamment du plutonium) dispersés sur plusieurs hectares, leur contamination a été confirmée par le compteur Geiger Muller. Pour pallier à cette situation, une barrière qui s’étend sur une vingtaine de kilomètres a été construite en 2007 pour sécuriser les champs de tir des Gerboises bleue, verte et rouge qui sont assez proches les unes des autres. Le champ de tir Gerboise blanche qui a été effectué bien plus au sud de Gerboise bleue, à une douzaine de km, n’est pas encore sécurisé. Par ailleurs, au voisinage du point zéro de Gerboise verte, trois lourdes cages métalliques oubliées, enfermant les cadavres d’animaux, qui ont servi aux expériences biologiques, ont été retrouvées au mois de novembre 2007. Dans le dossier de présentation des essais nucléaires et leur suivi au Sahara, diffusé en février 2007 par le ministère de la Défense français, il n’est fait nulle part mention des “tests” biologiques réalisés au CSEM de Reggane sur des animaux, mais seulement des tests de matériels et d’équipements. Pourquoi cette omission démentie par les témoignages et aujourd’hui par la découverte de ces cages ? Le danger potentiel au niveau des champs de tir des quatre “Gerboises” réside dans les fragments alvéolés noirs chargés de particules de plutonium!
Le site du Tan Afella : La violence de l’explosion a projeté en jets puissants la roche fondue contaminée par les matériaux radioactifs de la bombe sur la colline qui se trouve en face du tunnel E2 du tir Béryl. On constate que des couches de “scories” dont la radioactivité a été mesurée entre 77 et 100 Gy/h, se trouvent sur le carreau de l’entrée de la galerie et que la surface de la lave solidifiée est dégradée probablement en raison des événements météorologiques qui se sont produits depuis 50 ans. Le carreau et les environs du tunnel E2 restent encore jonchés de matériaux de chantier et autres objets (câbles électriques, rails, restes de tapis roulants, ferrailles diverses…) abandonnés sur place. On sait que de nombreux objets ont été récupérés pendant des années par les habitants ou les nomades de passage. Le rapport de l’AIEA de 2005 estime que la coulée de lave radioactive mesure entre 200 et 250 m de longueur, pour un volume de 740 m3 et une masse d’environ 10.000 tonnes. Elle présente un danger persistant qui guette les visiteurs éventuels. Le même rapport note qu’une personne qui resterait huit heures à proximité de cette coulée de lave radioactive absorberait une dose effective de 0,5 mSv. Ceci est à peu près cohérent avec les mesures prises lors de la visite du site le 16 février 2007 où il a été calculé qu’un séjour de 12 heures permettrait d’absorber une dose effective de 1 mSv, soit la dose annuelle maximale admissible pour le public selon la Commission Internationale de Protection Radiologique. On constate aussi que la montagne du Tan Afella a été fortement ébranlée et fissurée par treize explosions souterraines. Des rapports officiels montrent les effets mécaniques des explosions sur la structure et la stabilité géologique de cette montagne. Le risque est donc que des cavités de tirs où se trouvent des résidus radioactifs des explosions s’ouvrent un jour à l’extérieur ! Pour rappel, à l’époque, une barrière a été construite aux limites des dégâts occasionnés par l’accident Béryl, malheureusement cette dernière n’a pas pu résister après les tirs souterrains suivants. Avant leur départ, les Français ont construit une autre barrière légère qui avec le temps a disparu. Pour pallier à cette situation, une barrière qui s’étend sur une quarantaine de kilomètres a été construite en 1997 pour sécuriser le site des tirs souterrains notamment des effets de l’accident du Béryl qui sont encore perceptibles et qui présentent un danger potentiel pour tout ce qui bouge.
Le site du Tan Ataram : Ce site a été réservé pour un type d’expériences désigné sous le nom “d’essais froids” qui n’enclenchent pas de réaction en chaîne mais dispersent des particules de matières radioactives sur de vastes étendues. La mission de l’AIEA en 1999 n’a pu réaliser sur ce site que quatre prélèvements assez peu significatifs, vu que cette zone de plusieurs centaines d’hectares est difficilement identifiable en raison des sables qui l’ont recouverte. A titre indicatif, les expériences du même type qui ont été effectuées par les Britanniques, au début des années 1950, sur le site de Maralinga en Australie ont provoqué les mêmes contaminations par le plutonium. A cet effet, l’Angleterre a engagé d’immenses travaux d’assainissement du site et ce, jusqu’au début des années 2000.
Dans son rapport, du 31 janvier 2011, M.Bruno Barillot déclare que les mesures prises par la France en Polynésie peuvent inspirer des propositions pour les sites d’essais sahariens. Il propose que :
– Sous la base militaire de Reggane-Plateau, les anciennes installations du CEA, en souterrain et en surface restent à assainir et à nettoyer. Des opérations similaires devraient être faites pour éliminer les vestiges de l’ancienne base d’In Amguel qui ne semblent pas comporter de risque radioactif, mais cela reste à vérifier ;
– La stabilité géomécanique de la montagne du Tan Afela doit être examinée. Cette montagne comporte, dans ses structures géologiques internes des quantités importantes de matières nucléaires, issues des explosions souterraines, qu’il importe de sécuriser.
– Des campagnes régulières de prélèvements d’échantillonnages (sols, eaux profondes, végétaux, animaux…) sur les anciens sites d’essais et à courtes, moyennes et longues distances doivent se mettre en place pour assurer un suivi environnemental et biologique, notamment au niveau radiologique ;
– Des négociations franco-algériennes, en toute transparence vis-à-vis des populations, des chercheurs et des médias, doivent permettre de dresser un état des lieux des anciens dépôts de déchets radioactifs. Il serait raisonnable d’envisager un ou deux sites sécurisés de regroupements des déchets radioactifs. Les autorités françaises ont donné des détails sur la gestion des déchets radioactifs en Polynésie, il apparaît normal que la même démarche soit adoptée pour les sites sahariens.
BAI: Donc on peut conclure qu’après 53ans des explosions nucléaires, les effets de la radioactivité sur la santé humaine et l’environnement persistent toujours dans la région. Puisqu’il y a eu des études réalisées sur le terrain, pouvez-vous nous révéler quelques résultats… ?
M.Mansouri : En effet, on peut parler d’un désastre écologique et humain qui 53 ans après, continue de provoquer des souffrances, des malformations et des maladies dont des cancers radio-induits.
Effectivement, des expertises ont été réalisées par l’AIEA et la CRIIRAD (Commission de Recherche Indépendante et d’Information sur la Radioactivité). Le rapport de l’AIEA publié en 2005 “Radiological Conditions at the Former French Nuclear Test Sites in Algeria: Preliminary Assessment and Recommendations” concernant l’expertise réalisée en 1999 sur l’état des trois sites d’essais, évoque la persistance de zones contaminées, tant à Reggane qu’à In Ekker, notamment en plutonium 239-240 (42.000 Bq/kg), en césium 137 ( 2,1 MBq/kg) et en strontium 90 (1,1 MBq/kg) dans certains échantillons de lave. Ledit rapport conclut que l’accès à cette zone doit être strictement interdit et que des mesures sont à prendre pour marquer les transferts de contamination par les vents et la pluie en attente de la décontamination effective du site. Cependant, ce rapport ne comporte aucune référence d’un rapport Français. Sachant que chacune des expériences nucléaires de la France a fait l’objet de nombreux rapports, surtout concernant l’accident de Béryl, consignés tant par les divers services des armées que par le CEA…….Les résultats obtenus par la mission de l’AIEA ont été confirmés, d’une part, en 2008 par une publication intitulée “Residual radionuclide concentrations and estimated radiation doses at the former French nuclear weapons test sites in Algeria” par P.R. Danesi, au niveau du journal Applied Radiation and Isotope et, d’autre part, en 2009 par le rapport d’analyse d’échantillons du site d’In Ekker réalisé par les laboratoires de la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD) basés à Valence en France. Ce rapport comporte les résultats préliminaires des analyses par spectrométrie gamma effectuées par le responsable du laboratoire Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire, au laboratoire de la CRIIRAD, sur des échantillons collectés à In Ekker par le président de la CRIIRAD, Roland Desbordes, les 29 et 30 octobre 2009. Ces mesures préliminaires confirment la contamination de la lave et des cendres par des radionucléides artificiels émetteurs gamma (produits de fission, produits d’activation et transuraniens) en particulier le césium 137 (760.000 Bq /Kg dans la lave), cobalt 60(1.050 Bq /Kg dans la lave) et l’américium 241 (15. 100 Bq /Kg dans la lave). La contamination en plutonium est fortement suspectée, de par la détection de l’américium 241 (descendant du plutonium 241) et de par l’existence sur les spectres gamma d’une raie X caractéristique du plutonium 239. Le césium 137 (25.500 Bq /Kg dans les cendres), cobalt60 (7.2 Bq /Kg dans les cendres) et l’américium 241(950 Bq /Kg dans les cendres). Les résultats de la CRIIRAD ont été communiqués lors du 2éme colloque international sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires, qui a eu lieu à Alger les 22 et 23 février 2010 et qui a recommandé à juste titre de lever le sceau sur le « secret défense ». Après la visite du Président Nicolas Sarkozy en Algérie les 3-5 décembre 2007, un groupe de travail Algéro-Français a été mis en place pour expertiser les sites nucléaires, établir un état des lieux quant à leur dangerosité et un diagnostic pour une décontamination. Cette commission travaille depuis cinq années déjà mais les résultats de ses travaux n’ont pas encore vu le jour.
BAI: Nous savons maintenant que le prestige de la France comme puissance nucléaire a été bâti sur des cadavres irradiés, des cobayes sacrifiés et des victimes qui portent jusqu’à ce jour, les séquelles de ce drame. Alors, que stipule le droit international sur de tels essais, qui ont volontairement exposé des populations de pays colonisés à des radiations ainsi que d’immenses régions qui sont désormais contaminées durablement…?
M.Mansouri : Ce ne sont pas des essais, mais bien des explosions de bombes nucléaires puissantes ; c’est un acte prémédité de la France coloniale, où étaient utilisés plus de 150 Algériens comme ‘‘Cobayes”. L’État Français, dirigé alors par le général De Gaulle, n’avait, en principe, pas le droit de procéder à ces explosions en 1960, puisque, De Gaulle avait reconnu, lors d’un discours prononcé le 16 septembre 1959, le droit à l’autodétermination du peuple algérien….M.Bruno Barrillot a dit : « Les essais nucléaires Français au Sahara algérien, ont été effectués en marge de la guerre de décolonisation et pour des objectifs nationaux et internationaux. D’une certaine manière, l’Algérie a contribué à permettre à la France de devenir la « puissance mondiale » qu’elle veut être aujourd’hui. Il est donc légitime que l’Algérie puisse exiger de la France toute la transparence sur les essais nucléaires qui ont été réalisés sur son propre territoire national… »…..On note que les quatre explosions aérienness et l’accident de Béryl ont eu des conséquences graves sur l’environnement même à l’échelle continentale et des retombées radiologiques sur la santé des habitants de la région. La diversité des effets des explosions nucléaires, contaminations, irradiations et cancers, ne permet toujours pas de chiffrer les victimes avec précision. La connaissance scientifique et pratique des dangers de la radioactivité, le manque de mesures de protection de la population locale, complètement ignorée, l’expérimentation sur les êtres humains, les effets sur l’environnement, l’abandon des centres d’expérimentation de Reggane et d’In Ekker ainsi que les laboratoires du CEA constituent des transgressions graves aux règles pertinentes du droit humanitaire et qualifiés de crimes de génocide, de crimes de guerre et même de crimes contre l’humanité. La France a utilisé le territoire Algérien pour des expériences atomiques qui n’étaient pas “propres”, dans des sites où vivent les autochtones à qui on n’a pas demandé leur avis. Aujourd’hui, la population qui y vit souffre de multiples maladies du fait de l’irradiation et de la contamination de l’environnement.
BAI: Encore une fois Merci M.Mansouri. Je termine cette deuxième partie par cette Photo (No Comment)..?!
Interview réalisée par Mme H.C
A suivre………….
Bora Bora, Tahiti, Papeete, ….Enfer ou Paradis perdu !
La dernière photo (à commenter) de « traces »….transcontinentales à Papeete de Reggane et In Ikker nous ramène à ces îles qui furent paradisiaques comme Bora Bora et ce restaurant de Papeete « Chez Michel et Eliane » où mourût Joe Dassin en août 1980 ! Tahiti et Mururoâ l’irradiée…..
Selon « Le Parisien Aujourd’Hui en France » du 3 juillet 2013 cite par Le Monde.fr, »…..L »armée française avait reconnu en 2006 que l’un des tirs du 17 juillet 1974 avait provoqué des retombées jusqu’à Tahiti l’île la plus peuplée de Polynésie… »
En janvier 2012 la commission du secret Défense nationale avait rendu un avis favorable à la déclassification de 58 documents portant sur les tirs nucléaires français entre 1966 et 1974 en Polynésie !
En 2004 le Pôle Santé du Tribunal de Paris a ouvert une enquête pour « homicide et atteinte à l’intégrité physique et administration de substance nuisible » suite à une plainte de l’Association française des vétérans des essais nucléaires français .
Donc nous constatons que la reconnaissance-indemnisation(?) est presque opératoire en France métropolitaine ,plus boostée par les familles des irradiés et civils français ayant vécu à Mururoâ et Reggane….
Quand aux polynésiens des îles lointaines des media,des yeux et des coeurs où l’eau d’Evian est très rare pour les insulaires,nous devinons leur condition de français des Dom Tom !
Le problème reste patent et l’affaire pendante entre l’Algérie et la France.Notre gouvernement pas très porté sur la santé de sa population sera-t-il secoué par une prise de conscience de ses chambres basse et haute pour une réelle mise en oeuvre du projet de prise en charge des irradiés des deux wilayas d’Adrar et de Tamanrasset.
La France ne bougera pas le petit doigt dans cette affaire de secret Défense ni ne déclassifiera ses archives du Touat comme elle l’a fait avec Mururoâ ! Nous n’avons pas acheté ses RAFALES et avons préferé Rabonosoexport de Moscou !
Mes salutations à Si Karim10 !
Lire Rosoboronexport !
Mes excuses au lectorat !
Salutations respectueuses mon cher frère Mémoria. Toujours un plaisir de vous lire.
Bien évidemment ! Du fait que son propre territoire n’était pas en danger, la France est la puissance nucléaire qui a le plus refusé à ratifier les traités internationaux interdisant les essais nucléaires.
Outre dans tout le Sahara algérien, les retombées radioactives ont été enregistrées jusqu’à plus de 3 000 km du site (Ouagadougou, Bamako, Abidjan, Dakar, Khartoum…….et peut être bien à Bora Bora !!!.).
Les Accords d’Evian ayant prévu que la France devait abandonner ses expériences au Sahara, l’Etat français a dû se mettre à la recherche d’un autre site.
C’est alors que l’idée du « pacifique » éclate dans le milieu politique français. Comme d’ailleurs en 1864, exactement 18 algériens de la région de sidi bel abbes et une vingtaines d’autres originaires d’El-Bayad et Ain -Sefra ont été déportés en nouvelle Calédonie. Dans ce domaine de « crimes coloniaux » beaucoup de travail historique reste à faire.
En effet en 1999, l’Algérie a demandé à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de conduire une mission d’évaluation de la situation radiologique sur les sites où furent menés, dans le courant des années 1960, les essais nucléaires français. Au printemps 2000, pour compléter les informations recueillies lors de cette mission, la France a transmis à l’AIEA un document sur les éléments relatifs à la localisation des expériences, aux techniques utilisées, à la situation radiologique des sites en 1966 et 1967.
En 2005, sur la base de l’ensemble de ces données, le rapport établi par l’AIEA a conclu, le niveau de la radioactivité artificielle résiduelle. Les conclusions de ce rapport recommandent aux autorités algériennes d’interdire l’accès aux zones des quatre essais précités et de les assainir si les activités économiques de la région venaient à évoluer.
Pour rappel et selon les sources imprimées il faut noter que l’étude qui a mené au rapport de l’AIEA intitulé a été conduite par une équipe de cinq experts (français, néo-zélandais, slovènes et américains, accompagnés par un expert de l’AIEA). Ils ont été assistés par sept experts du Commissariat algérien à l’énergie atomique.
Merci donc à Mr Mansouri et Mme CH.
POVRES LOUIS DE FUNES , BOURVIL , …….. ILS DOIVENT SE RETOURNER DANS LEUR TOMBE . QUELLE FAçON DE PARLER ? N’IMPORTE QUOI ………….
Devant toute sa tragédie humaine et environnementale, c’est tout ce que vous avez trouvé à dire…?? ‘Ya Bared El Galb’..!!! Pensez plutôt aux pôvres victimes irradiées qui ‘se retournent dans leurs tombes’ , aux 150 prisonniers Cobayes récupérés des prisons de la ‘Mekkerra’, aux populations et aux cancéreux qui souffrent en silence dans l’anonymat, jusqu’à ce jour,et qui n’ont même pas été pris en charge….aux enfants qui sont atteints de malformations multiples…!! A l’environnement qui a été contaminé à tout jamais…..!!! Oui, c’est la bombe atomique du pays de Louis de Funes et son compatriote qui en est la cause….grâce au compromis d’Evian…..!!!
Un peu plus de respect et de considération pour les Irradiés de la France Coloniale….!!!! Merci..!
Ne mélangez pas mme et moderez vos paroles les irradiers n’ont rien à voir avec ce que j’ai dit je les respecte et compatis à leurs douleurs vous commencez votre interview avec la grande vadrouille magouille ça n’a rien à voir avec le sujet si vous vous connaissez pas dans le journalisme ce n’est pas de ma faute parlez d’autres choses c’est plus facile pour vous et si vous etes une mythomane soignez vous et soignez d’autres …….. qui eux aussi disent n’importe quoi . et ne voient que la meme personne . je me demande ? je crois que je perds mon temps avec vous ?
Kasstek Kassa, Ya Si Boualem! Luis d Funnès w Borvil kanou ydahkou. Wanta Ma dahak Ma Tbaki. Ghir Galou bayda Dgoul anta Kahla. Galou Kahla dgoul anta Bayda. Lillahi Fi Khalkihi Chou-oune!
Salam Memoria,tout d’abord comment vas-tu ? ça fait un bras que je n’ai pas lu tes commentaires? À moins que t’es occupés par des psychopathes? travail oblige. Autres choses il ne faut surtout pas oublier la région dont tu évoques dans ton commentaire est interdite à toutes visites à des km à la ronde tout est irradié et je pense que t’es au courant n’est-ce pas amitié.
Bonne journée très continentale…,
De surprise en surprise avec des gerboises panachées qui n’en finissent pas d’exploser dans nos mémoires comme le bang d’un anévrisme…, le scoop ici reste en fait cette révélation d’un scientifique algérien très documenté sur cette terrible vérité bien plus factuelle,actuelle qu’historique,….bien plus urgente,menaçante,rampante,aérienne,souterraine,hydraulique que journalistique,médiatique,juridique et qui frise l’instantané: La France a fait exploser plusieurs bombes atomiques sur le territoire algérien,même après les Accords d’Evian jusqu’en 1966 du temps de Boumediène…Ce ne sont plus des essais tels que formulés par les autorités françaises à Reggane et In Ikker .Quant à Hammaguir….nous espérons ne pas avoir d’autres surprises !
La contamination doit être de masse dans ces régions pas si enclavées que ça ! Néanmoins,les DDS d’Adrar et de Tamanrasset doivent avoir un minimum de données épidémiologiques et signalé le phénomène !
Je suis personnellement allé plusieurs fois à Reggane village au début 1980 dans un cadre professionnel.Les rues ensablées sont pleines de matériels militaires français à l’état de ferraille sous le sable.Je me rappelle avoir déterré un casque français et voulu le prendre avec moi à Adrar comme souvenir;heureusement que je me suis ravisé .Suis-je épargné pour autant moi qui croyait que l’eau d’Evian était salvatrice ?
Ces deux parties de l’interview de ….Mme Le Cygne à Mr Mansouri Ammar exposent de façon manifeste et appellent de façon implicite l’urgence de traiter de la problématique du déterminisme historique de la réconciliation algéro-française(Quotidien d’Oran du 5-7-2010) et …. »Une autre lecture de l’association Algérie-France;celle des Accords d’Evian »(El Watan du 19-4-2011). La pertinence de cette interview n’est plus à démontrer.Le suivi et la pérennité de la tragédie interpellent même les instances onusiennes pour « réanimer » les clauses des dispositions du 19 mars 1962 et assurer leur application par les deux parties contractantes !!!
Salutations à Mr Mansouri A et Mme H.C avec un bonus pour une autre partie…et ses surprises !
C.orrectif :.. »Une autre lecture des Accords d’Evian » dans El Watan du 30-11-2010.
Mes excuses aux lecteurs!!!
Hé bien; Mr Mémoria, vous l’avez échappé belle….Da3wet El Khir..(sourire)…..!!! Heureusement que vous n’avez pas été tenté de prendre ce casque, sinon vous auriez été bien arrosé…!!! Non pas par de l’eau d’Evian que vous semblez tant affectionner, mais par des ‘minus atomus mortus’ (c’est de moi)…!!!
Quant à la réconciliation, elle doit d’abord passer par certains passages à niveau. Présenter ses excuses au peuple Algérien, déballer tout ce qu’elle a dans le ventre et dans les boîtes d’archives, reconnaître, indemniser et prendre en charge les victimes de la magouille atomique…..et bien d’autres petites et grandes choses…! Tiens j’ai failli oublier le dossier des Supplétifs de l’armée française et leurs enfants (type BHL, pingouins et requins-tigres), les « H » pour les intimes, si chers à certains manchots, oursons en peluche, mouche artificielle et sous-marins de la Mekkera…..bien évidemment, leur reconnaissance par la France…!!!! J’espère que je n’ai oublié personne…….! Quant au compromis d’Evian et son statut de sleeping partner…….?????