Amaya-espagnole, Malgorzata-polonaise, Héléna-coréenne.
Frère Hubert a quitté Aïn Sefra deux jours avant moi. A partir de maintenant je poursuis mon voyage seule. Je pars en car très tôt le matin pour Sidi Bel Abbès où mon arrivée est prévue vers 15h. Je dois prendre un taxi pour me rendre à la communauté. La ville conserve les traces de la colonisation française. Quant aux sœurs, elles ont vécu « les années noires » des années 1990 et s’en souviennent. C’est ici qu’ont commencé les premiers attentats. Les terroristes venaient chez elles, c’était très dur. Mais ce qui leur a permis de tenir et de ne pas craquer, ce sont tous les voisins et amis musulmans qui venaient les soutenir, au risque de représailles et même leur présenter leurs condoléances chaque fois qu’il y avait des meurtres de ressortissants Français. C’est la beauté de ces témoignages qui leur a donné le courage de rester.
J’arrive le Vendredi Saint. Les nouvelles circulent vite, tout le monde veut voir « la petite nouvelle ». Le soir nous participons à la procession organisée par les jeunes chrétiens subsahariens de la faculté de Sidi Bel Abbès. Comme cela ne peut se faire au grand jour, même pas dans le jardin des sœurs, nous avons tourné plusieurs fois dans la petite chapelle en marquant chaque station, guidés par ces jeunes. Cet acte de foi posé dans ces conditions prend une dimension d’une profondeur insoupçonnable. Avec les prêtres spiritains venus célébrer, nous partageons la galette spécialement préparée par une amie musulmane. Elle la prépare depuis des années et la préparera jusqu’à sa mort, dit-elle. « Je suis musulmane mais je suis proche de vous ». Des ingénieurs italiens travaillant aux chemins de fer sont venus assister à la messe. Ils en profitent pour inviter dans leur camp, à partager le repas du dimanche pascal, les sœurs, les prêtres et moi-même.
La veillée pascale sera aussi très belle, préparée par les étudiants et un jeune prêtre spiritain, congolais. Un couple d’algériens, amis des sœurs et convertis, y assistent également.
Nous avons allumé un tout petit feu dans la cour, le temps d’illuminer les cierges puis, très discrètement nous sommes rentrés dans la chapelle. Nous nous sommes ensuite réunis avec les prêtres et quelques amis autour d’un bon gâteau offert par nos amis italiens. Le dimanche, nous avons célébré Pâques dans la joie.
Tout cela peut paraître banal mais en pays musulman ça ne l’est pas. Le vivre m’a ramenée à l’expérience de François d’Assise et à sa rencontre avec le Sultan. A son retour, il semble plus attentif à des aspects typiquement chrétiens. Il est poussé à prêcher beaucoup plus sur le Mystère de l’Incarnation refusé par l’Islam. Il va en faire mémoire à Greccio. François ne se contente plus de la parole, il écrit pour mieux répandre ses convictions. Il fera un développement sur l’Eucharistie. (Adm 1)
Les sœurs ne manquent pas d’activités. Leur mission est austère mais belle et utile. Sur place, elles animent deux ateliers de travail manuel réputés. Elles reçoivent aussi les femmes en difficulté et s’efforcent de réunir les aides nécessaires. Beaucoup d’hommes aussi viennent frapper à leur porte pour chercher « refuge ». « Ma sœur, j’ai besoin de me ‘confesser’ » dit un homme en ma présence. Il fallait qu’il parle. La sœur l’a écouté. Quand il est reparti, c’était un autre homme.
Suite (2) Un reportage de Suzanne Giuseppi Testut de sa récente mission en Algérie.. c’est à lire et relire !
Merci BEAUCOUP SUZANNE
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