Le jour de sa réouverture, célébrée pompeusement, ceux qui sont venus découvrir le nouveau visage de ce poumon vert de la ville n’étaient vraiment pas en mesure de déceler les imperfections cachées par un épais vernis.
Ce projet d’aménagement, qui se voulait ambitieux, devait constituer un point de départ pour réhabiliter l’ensemble des espaces verts de la ville de Sidi Bel Abbès. L’allée principale était assez clean, les branches mortes et les troncs renversés avaient cédé la place à des touffes de gazon fraîchement posées, même les jets d’eau ont été ramenés à la vie. Mais, juste le temps d’une cérémonie. La foule bigarrée, conviée pour la circonstance, a eu même droit à une visite guidée au nouveau mini-zoo de leur cité, où herbivores et carnassiers avaient tenu la vedette.
Que reste-t-il aujourd’hui de cette flore «réaménagée» et hissée au rang de «grande» réalisation de l’ex-chef de l’exécutif ? Une image désolante, avec son lot de briques enchevêtrées, un fouillis de tuyaux, de canalisations éventrées, de racines exhumées et de bassins d’eau saumâtre.
En dehors du circuit tracé le jour de sa réouverture par les officiels pour donner l’impression d’un travail bien accompli, le jardin s’est transformé, dans les parties situées loin des regards, en véritable déchetterie. «Les travaux d’aménagement ont été bâclés. A certains endroits, ces travaux constituent même un danger pour les flâneurs et autres amateurs de course à pied», reconnaît un élu de l’APC, propriétaire des lieux. Le maître d’ouvrage du projet d’aménagement, à savoir la direction de l’environnement, est, depuis plusieurs mois, mis à l’index.
Lorsque les travaux ont été entamés sous la coupe du bureau d’études Eco-Vert, des voix se sont pourtant élevées pour dénoncer une opération de marketing politique aux conséquences désastreuses. Peu nombreux, leurs voix ont été vite étouffées par un unanimisme rampant. La «société civile», qui, à l’époque, avait fiévreusement applaudi ces travaux, se doit désormais d’amorcer son examen de conscience et engager une réflexion sérieuse et responsable sur le devenir de cette structure. Mal entretenu, payant au départ, puis ouvert à tout vent, le jardin public, enlacé par un grillage en fer forgé, est aujourd’hui presque à l’abandon.
Créé en 1859, il abrite plusieurs structures, dont une piscine, un bassin d’initiation à la natation, des aires de jeux et de détente, ainsi qu’un théâtre de verdure. Jadis, jardin potager, il tient, en vérité, sa réputation de la richesse et de la diversité de son patrimoine floristique, mis à mal par les récents travaux de «réhabilitation». Aménagé par la commune, dès les premiers temps de la construction de la ville, il fait toujours la fierté de ses habitants.
Abdelkrim Mammeri