De Tinzaouatine à la côte algéroise il y’a 2600 kilomètres de distance, un pays de bout en bout: dix huit jours de marche sans arrêt, trente deux heures de voiture sans halte, trois heures d’avion en continu. Les oiseaux n’allant pas en enfer, on ne peut par conséquent calculer combien d’heures de vol il faut à cette espece pour traverser un océan de sable, de désolation et de mort.
Tinzaouatine l’algérienne et Tinzaouatine la malienne, c’est à peine cinq kilomètres qui les séparent. À peine une demi-heure à dos de chameau.
De Tinzaouatine à Tinzaouatine il n’y a qu’un pas à franchir, de Tinzaouatine au club des pins c’est tout un monde qu’il faut.
Un autochtone en rage, outré par les tirs à balles réelles, crie fort qu’il n’est ni arabe ni amazigh; qu’il est targui. Il a raison, bien sûr.
Il dénonce une culture qui lui est étrangère en même temps qu’il glorifie une identité qui est la sienne. Il revendique sa citoyenneté algérienne, en même temps qu’il s’attache à ses origines plus proches de son voisin malien que de celle d’un « concitoyen » du nord lointain.
Sur les 10.000 habitants de Tinzaouatine combien sont en alliance avec des algérois, des oranais ou de constantinois, combien partagent leur langue, leurs mœurs, leur existence, leur mode de vie si austère, leur peines quotidiennes, combien parmi les hommes du nord accepteraient de partager leur destin?
Alors, en présence de tous ces liens de sang, de culture, d’histoire et de géographie entre les hommes bleus et fiers des deux bords de la même et unique Tinzaouatine, il y’a une vérité qu’on ne peut occulter qu’à ses dépens, que ne peut éffacer une volonté politique contraire, que ne peut cacher un mur de pierre, ou éloigner des fils de fer barbelé; cette vérité est que les frontières fictives ne sépareront jamais les hommes qui se sentent en harmonie et qui sont interdépendants pour leur survie dans les le coin le plus maudit de la terre.