Le hasard (heureux) veut que ce
qui se passe dans notre pays recoupe un anniversaire.
Le 19 mars 1962, tous les Algériens sont devenus des
fellagas.
On y est.
Par charretées entières, les opportunistes, les parasites
basculent et les rats quittent le bateau de Boutef qui prend eaux de toutes
parts.
Demain, ce sera les anciennes figures du pouvoir qui ont
profité abondamment de l’incurie qui règne dans notre pays depuis 40 ans et
encore plus de forbans depuis 1999, qui se proclameront à la tête de la contestation
et tenteront de se placer à la tête du mouvement populaire qui grossit chaque
vendredi que Dieu fait.
Même
les imams qui paradent à Bouira (cf. dépêche jointe
plus bas) se replacent en vue d’une recomposition où les zaouiate et les
confréries, réseaux très liés aux pétromonarchies « qui nous veulent du
bien » voudraient (comme leurs homologues pendant la guerre de
libération)
prendre part à la curée anti Boutef et sauter dans le train en marche
pour se saisir des leviers de commande et en contrôler la destinée.
Un vieux truc usé jusqu’à la corde. Le vide appelle le plein.
Tout ce beau monde s’accroche aux branches de plus en plus
lourdes et menacent de casser…
Evidemment, les masses populaires en mouvement ne l’ignorent
pas. Le tri sera fait sans, espérons-le menacer la paix civile, car ces requis
se battront pied à pied pour conserver leur magot.
Je ne parle pas bien sûr de ceux qui ont déjà quitté le pays
avec des valises en devises, aller rejoindre femmes et enfants vivant ailleurs
depuis longtemps. Et qui ont préparé leur coup dès le début. Un jour, lorsque
les Français se donneront un gouvernement ami (mais il ne faut pas rêver, car
la France accueille comme la Suisse, la Grande Bretagne ou les espaces off
shore – Jersey, Monaco, Lichtenstein, Gibraltar… les fortunes de tous les
nababs qui ont pillés leurs pays pour faciliter le travail des transnationales
et des banksters), on leur demandera d’évaluer le patrimoine immobilier de nos
truands. On en fera de même lorsque les circonstances le permettront avec l’Espagne
et tous les biens immobiliers de la Costa Blanca à la Costa del Sol.
Je parle de ceux qui ont un patrimoine immobilier, des
usines, des terres… acquises à vil prix, en totale opacité et illégalité.
Et ces biens, ils ne peuvent ni les liquider assez vite,
ni les emporter avec eux.
Remarque.
Je n’ai aucune sympathie particulière pour cet homme qui
organisait au début des années 1970 des réunions et des meetings pour
compromettre la politique de son président dont il voulait occuper le fauteuil
en décembre 1978.
Je vous invite néanmoins à le voir non comme un homme
politique, mais comme un malade qui n’a vraisemblablement plus conscience de ce
qui se décide en son nom depuis de nombreuses années. Encore faut-il qu’il ait
conscience même de son existence portée à bout de bras par des forces occultes
qui dirigent le pays derrière son « cadre », l’agitant comme une
sorte de pantin qui a cessé de vivre depuis longtemps, au moins comme un acteur
politique.
Le peuple algérien exige une justice et une réinitialisation
de la gouvernance du pays.
Le peuple algérien, épris de valeurs et de traditions
venues de loin, ne cherche pas à humilier un homme qui a cessé d’être.
Laissons donc le malade âgé de plus de 80 ans reposer en
paix. Nulle violence, nulle vengeance.
Seulement la justice, la vérité, la dignité et le droit.
Les historiens se chargeront quand viendra le moment, de
traduire son passage à la tête du pays devant le tribunal de l’histoire.
Laissons cela « démocrates et aux
marcheurs du samedi soir », politicards à la petite semaine, obsédés par les attaques ad hominem et
règlements de compte personnels à courte porté. Leurs desseins, leurs alliés, leurs
combines sont transparents.
L’étape en cours et à venir est cruciale. Elle est aussi dangereuse.
Sans la moindre concession ni compromission, au nom d’un
réalisme ou d’un pragmatisme de technocrates, car alors tout ce soulèvement populaire n’aura
servi à rien, il faudra conduire le changement irréversible qui s’impose avec
le souci constant de préserver les intérêts du pays.
Les forces qui s’y opposeront -et qui s’organisent déjà à
cette fin- pourraient être tentées par des aventures périlleuses.
Ces forces à la fois intérieures et extérieures associées
depuis des décennies dans l’exploitation des richesses du pays n’accepteront
pas facilement que ces richesses soient à nouveau placées sous l’administration
de la nation, pour les intérêts de la nation et des générations futures jusqu’à
ce jour négligées et poussées à s’expatrier.
Tout cela demandera maturité,
intelligence politique, compétences (il y en a parmi les cadres algériens en
poste qui eux aussi ont souffert de la gabegie et de l’incurie).
Cela demandera aussi une
inoxydable intégrité.
Souvenons-nous du sourire de Larbi Ben M’hidi.
Souvenons-nous du sacrifice de
Mohamed Boudiaf.
Djeha, J. 21 mars 2019
PS : Ci-dessous quelques exemples d’un autre phénomène massif, en cours.
« Dire qu’on annule la présidentielle, c’est anticonstitutionnel » dénonce l’ancien Premier ministre algérien Ali Benflis
Franceinfo, mardi 12 mars 2019,
Ali Benflis estime sur franceinfo que la décision d’Abdelaziz Bouteflika de ne pas briguer un cinquième mandat est « une victoire au goût d’inachevé ». Il pointe « les forces extraconstitutionnelles » qui sont à l’œuvre, selon lui.
Dans un message à la nation, relayé lundi 11 mars par l’agence de presse officielle Algérie Presse Service (APS), Abdelaziz Bouteflika a renoncé à un cinquième mandat à la tête de l’Algérie. Le président a également annoncé le report de l’élection présidentielle qui devait se tenir le 18 avril.
« Dire qu’on annule la présidentielle, c’est anticonstitutionnel », a réagi sur franceinfo Ali Benflis, ancien Premier ministre, principal adversaire d’Abdelaziz Bouteflika aux présidentielles de 2004 et 2014.
franceinfo : Quelle a été votre réaction après l’annonce de retrait d’Abdelaziz Bouteflika ?
Ali Benflis : C’est une victoire du peuple algérien, mais en demi-teinte. Une victoire au goût d’inachevé. On veut faire croire au bon pacha et au mauvais vizir. Le pays est géré par la fraude de toute sorte et par la ruse. Nous vivons le paradoxe d’un pays au bord de l’explosion qui espère voir la lumière du jour. D’un côté, des pyromanes prêts à mettre le feu au pays pour assurer la survie d’un régime condamné et de l’autre, un peuple qui a décidé de reprendre son destin en main. Vous avez, d’un côté, l’obstination obsessionnelle d’un régime autoritaire archaïque à se maintenir au pouvoir pour préserver les avantages des clans et de leur clientèle, de l’autre c’est la détermination d’un peuple en marche à s’affranchir de l’autoritarisme. Le divorce entre le pouvoir politique en place et le peuple est définitivement consommé.
Comment voyez-vous la prolongation de 4e mandat et le report de l’élection ?
Il n’a pas le droit de renvoyer l’élection de lui-même. Dire qu’on annule la présidentielle, c’est anticonstitutionnel parce qu’elle ne peut être renvoyée qu’en cas de guerre. Abdelaziz Bouteflika, c’est le patron, le pacha ; ceux qui sont derrière lui sont les forces extraconstitutionnelles, c’est-à-dire ceux qui veulent gouverner le pays en dehors de la Constitution. Ce sont les proches, l’entourage, mais surtout ceux qui ont bénéficié de l’argent sale, des marchés publics. Ce sont des milliards et des milliards.
De grands projets souvent inachevés ou mal faits et dont les bénéficiaires sont toujours quatre ou cinq personnes dans l’entourage du président. Ce sont des chaînes privées à leur disposition et quelques institutions d’Etat entraînées dans le soutien d’un président absent, qu’on ne voit pas. Cela va faire sept ans que le président ne s’est pas adressé à la population.
Comment va réagir la population ?
Le peuple est conscient. Je suis certain que cette situation explosive, qui reste calme et pacifique, ne s’arrêtera pas. Les gens ne sont pas dupes. Ils en ont marre. Voilà un président qui tient le pays en otage pendant 20 ans, qui avait à sa disposition 1 000 milliards de dollars, et rien n’est fait.
Les imams marchent à Bouira
Farid Haddouche, Le Quotidien d’Oran, mardi 19 mars 2019
Les imams se rebiffent contre
l’ordre établi. En effet, les imams de la wilaya ont battu le pavé hier à
Bouira. Ils étaient nombreux à venir manifester leur soutien au peuple, en
organisant une grande marche qui les a menés du siège de la direction des
Affaires religieuses au siège de la wilaya. Durant leur long parcours, les
imams, tout en affichant leur pleine adhésion et soutien au mouvement populaire
légitime, ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: «Les imams
soutiennent le mouvement populaire». Un imam a affirmé que «nous sommes une
partie de ce peuple, nous ne voyons pas comment ne pas être associés à leurs
revendications et leurs réelles aspirations profondes». Une fois leur marche
achevée, les imams se sont dispersés dans le calme.
Par la suite, un autre mouvement de contestation a eu lieu, celui des travailleurs du secteur de la formation professionnelle, notamment des jeunes stagiaires et des personnels des centres. Les protestataires ont scandé des slogans hostiles au système dont ils réclament l’inéluctable départ. «Nous ne voulons de vous que l’application de la Constitution», «Libérez l’Algérie» et «Le peuple vaincra», tels étaient leurs slogans.
Seddik Chihab (RND): Le pays est gouverné par «des forces anticonstitutionnelles»
Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, J. 21 mars 2019
Au RND, il semblerait que
la décantation est en train de prendre de court tous les militants et les
cadres d’un parti, seconde force politique du pays selon les dernières
élections législatives, qui a soutenu des pieds et des mains la candidature du
président Bouteflika à un 5ème mandat.
Et
toutes les candidatures du président sortant depuis 1999.
Et,
moins de 48 heures après un appel du SG du parti Ahmed Ouyahia aux militants
pour faciliter le processus de transition proposé par le chef de l’Etat comme
sortie de crise, le porte-parole du RND Seddik Chihab se fend de déclarations
qui ont fait l’effet d’une bombe au sein du sérail. Pour lui, non seulement le
pays est gouverné par «des forces anticonstitutionnelles», mais que la
candidature du président est «une erreur». «Nous nous sommes trompés» sur cette candidature du
président Bouteflika, a expliqué Seddik Chihab dans un entretien diffusé mardi
soir par El Bilad TV, au cours duquel il a reconnu que «nous avons manqué de
perspicacité». Pour lui, cette candidature pour un 5ème mandat est
«une erreur.
Proposer
la candidature du président Bouteflika dans l’état où il était, est un manque de perspicacité de notre
part», et, «bien évidemment, c’est une aventure». «Nous n’avions pas eu
le courage de dénoncer avec force tout ce qui s’opposait à nous», ajoute-t-il.
«Nous ne sommes pas parmi ceux qui étaient convaincus de cette candidature alors
qu’il était dans cet état», poursuit Seddik Chihab, qui reconnaît que le RND
s’était trompé en soutenant la candidature de Bouteflika pour un 5ème mandat.
«Oui, nous n’avons pas eu le courage nécessaire pour exprimer tout ce que nous
pensions de cette candidature», a-t-il reconnu, avant de souligner, sur le
manque de courage politique du parti pour refuser de cautionner cette
candidature, que «le discours est une chose, les convictions en sont une
autre».
Plus grave, il estime que «l’Alliance présidentielle est responsable, mais en partie, de la crise actuelle», car, «nous n’avions pas été perspicaces, nous n’avions pas eu le courage pour dire comment présenter la candidature du président, avec tout notre respect pour sa personne, son militantisme, ses sacrifices, sa stature». Et, très vite, il se reprend pour affirmer qu’ «il y avait un climat, une atmosphère et un entourage qui nous ont poussés dans cette direction». «Tout ce qui est décidé vient du président», a-t-il affirmé par ailleurs, avant de souligner que «pour savoir qui décide réellement, faites venir quelqu’un de la présidence qui sait». «Le RND n’est pas au courant de ces détails. Nous sommes un parti discipliné, et nous avons des engagements pris avec le président de la République pour le soutenir, mais encore une fois, nous ne connaissons pas ces détails», affirme encore le porte-parole du RND. En outre, il a souligné au cours du même entretien que le pays a été dirigé ces dernières années par des «forces non constitutionnelles». «Il y a des forces qui sont gênées par les partis. Il s’agit de forces non structurées», a-t-il dit, avant d’affirmer que ce sont «des forces non constitutionnelles, non organisées, et qui sont partout». «L’Algérie, a-t-il précisé, a été dirigée par ces forces durant au moins ces cinq, six ou sept dernières années».
Bouchareb annonce un virage à 180 degrés: Le FLN soutient le mouvement populaire
Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, J. 21 mars 2019
«Les militants du FLN
soutiennent le mouvement populaire», a déclaré, en substance, Mouad Bouchareb,
le chef de l’instance dirigeante de l’ex-parti unique, au sortir d’une réunion
houleuse avec les mouhafedhs qui s’est tenue, hier, à Alger. Contre toute
attente, celui qui avait raillé la première marche du 22 février dernier se
rallie aujourd’hui au hirak après avoir été acculé par la base militante qui
s’est démarquée, depuis le début de la contestation populaire, d’un cinquième
mandat validé par la direction centrale du FLN. Le 9 février dernier, le parti
avait réuni plusieurs milliers de militants à la Coupole du Complexe olympique
Mohamed-Boudiaf à Alger afin de scander son soutien à la candidature du
président Bouteflika à un nouveau mandat.
Face aux exigences des Algériens
de voir le sigle FLN relégué au musée, et devant la défection publique de plus
de 70 mouhafedhs du parti, le coordinateur Bouchareb n’avait plus une grande
marge de manœuvre, emboîtant ainsi le pas à son rival du RND.
Dimanche
dernier, quelque 70 mouhafedhs sur les 120 que compte le parti ont assisté à
une réunion au siège de la mouhafadha de Lakhdaria à Bouira, apportant leur
soutien au mouvement populaire et se démarquant des déclarations de Bouchareb.
Ils
ont indiqué dans un communiqué qu’ils saluaient le mouvement populaire et
soutiennent toutes ses revendications légitimes et refusent toute décision ou
note émanant de ce qui est appelé l’instance dirigeante du parti qu’ils ont qualifiée d’«illégitime».
Les mouhafedhs ont déclaré également qu’ils refusaient tout dialogue avec cette
instance et ils ont demandé aux membres du comité central du parti la tenue
dans les plus brefs délais d’une réunion extraordinaire afin d’élire une
direction légitime pour le parti.
Ces
frondeurs étaient présents à la réunion d’hier d’où la grande tension qui a
entouré cette rencontre. Ils ont par ailleurs salué les éléments de l’armée
nationale populaire qui veillent à protéger le pays et les citoyens, et aussi
les services de sécurité tous corps confondus, pour les efforts et
professionnalisme dans l’encadrement des manifestations. Mouad Bouchareb, quant
à lui, a indiqué, hier, que «l’occasion est venue pour reconstruire le parti»,
avouant l’existence de «harkis au sein du parti», sans pour autant citer des
noms, avant d’ajouter que «depuis la mort de Boumediene, nous n’avons pas
réussi à trouver du consensus». Evoquant Bouteflika, il a expliqué que ce
dernier a «compris les revendications de la rue».
Avec le ralliement du FLN et celui relatif du RND, le bloc des partis dits de la majorité présidentielle s’effrite et ne reste comme voix partisane au cinquième mandat que le MPA de Benyounes et le TAJ de Ghoul qui devront certainement annoncer un changement de cap dans les prochaines heures.