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YENNAYER ET HADJ BENKHATOU au quartier El-Graba à Sidi-Bel-Abbes.

ByAL MECHERFI

Jan 8, 2018

Le calendrier est un outil inventé par l’homme pour organiser et repérer les dates en fonction du temps. Notamment ceux de l’agriculture. Il est surtout un objet que tout le monde prétend « connaitre ». Pour Si Hadj BENKHATOU, 77 ans, ancien commerçant du quartier El-Graba à Sidi-Bel-Abbès qui se présente comme un professionnel de filière des fruits et légumes. L’année se divise en quatre parties. Il nous explique que son métier, s’adapte au rythme du travail qu’exige un produit vivant. On l’oublie souvent, mais les produits poussent selon les saisons. Il y a donc, celle des pastèques, des fruits d’hiver et celles de l’été. Mais, il y a aussi la saison du « N’air » qui commence en décembre et finie en février. Son calendrier à lui, est simple et toute explication est inutile. Pourtant, le sujet du calendrier est très complexe.

On sait d’abord, que le calendrier est un système qui divise le temps en jours, mois et années. Un système doit obéir à des règles de construction très strictes, sur lesquelles tout le monde est d’accord. Il doit donc permettre de prévoir un événement. Autrement dit, la date d’une fête comme « YENNAYER ». Bizarrement, l’apparition de cette définition de fête est relativement très récente. Absolument, puisque les peuples les plus anciens n’étaient pas encore aptes à gérer les nombres d’autant plus qu’ils avaient devant leurs yeux le soleil, la lune et les étoiles qui ont toujours représenté des horloges naturelles.

Le mot calendrier est un nom d’origine latine (Calendarium). Et c’est pourquoi les Romains appelaient le premier jour du mois à Rome (Calendae). Yennayer (Yennar ou E’nair), aussi est un vocable qui s’apparente au terme latin (enneyer). Apparemment, les noms des antiques mois ont été arabisés du latin, probablement en Andalousie, donc ianuarius (Roi Latium et dieu de la Paix) devint yanâyer et februarius dieu des morts) devint fabrâyer – martius : mâris – aprilis: abrîl… et ainsi de suite. Bref, plusieurs siècles après, les astronomes de la capitale du monde méditerranéen, se sont rendu compte que César avait fait quelques erreurs et que le calendrier était en décalage avec le cycle des astres. En 1582 le pape Grégoire XIII a décidé de réformer à nouveau le calendrier et a créé le calendrier grégorien. Depuis cette époque le début de l’année est fixé au 1er janvier (Mais, attention la réforme ne s’est pas faite en un jour).Donc, sur ce point, il faut absolument rendre à César ce qui appartient à César !

Les trois phénomènes astronomiques (Jour, mois et année) sont à la base de tous les calendriers connus est qui sont au nombre de quatre types :

1- Calendrier lunaire.Pratiquement tous les calendriers anciens étaient exclusivement lunaires, parce que les phénomènes lunaires sont plus faciles à observer. Celui des anciens Egyptiens et les Chinois, étaient lunaires, mais ils ajoutaient un nombre de jours de temps en temps. La solution qu’avaient trouvée les peuples à l’époque était alors d’ajouter un 13eme mois tous les 30 mois environ pour recaler le calendrier. Toutefois, celui des Musulmans, c’est-à-dire le calendrier hégirien reste le modèle le plus exclusivement lunaire puisque le prophète Mohamed (Q.S.S.L) après son dernier pèlerinage (En avril) avait interdit l’ajout du 13 mois pour mettre fin aux ajustements trop imprécis. Avant le pèlerinage, se pratiquer en automne. Cet événement historique est mentionné dans le Coran ( Sourate E’Tawba-Aya36). Le prophète (Q.S.S.L) pensait que Dieu avait fait les choses parfaites, qu’il avait créé les astres exprès pour notre calendrier et qu’on ne pouvait pas ajouter des mois (qui parfois s’intercalaient avec des mois sacré). Notons que le calendrier musulman a été adopté, sous sa forme actuelle, vers 632 après J.-C. Il définit l’ère musulmane dont l’origine, 1er jour de l’an 1 (Hégire), correspond au vendredi 16 juillet 622 julien. Il manque donc 11 jours pour arriver à nos 365 jours.

Le premier calendrier romain était lunaire avec 304 jours et commençait au mois de mars. Il était utilisé dans un but agricole. Mais, à partir du 7e siècle avant J-C. Des jours étaient ensuite ajoutés pour égaler l’année solaire. Il compta alors 355 jours répartis en 12 mois inégaux. Cette période rajoutée devient ensuite les mois de janvier et février. Cependant, en 46 av. J.-C, pour revenir en adéquation avec les saisons, Jules César décida d’adapter le calendrier égyptien au calendrier agricole romain pour créer le célèbre calendrier julien. Avec ce dernier, l’année comptait 365 jours et une année bissextile tous les 4 ans. Toutefois, il présentait une dérive par rapport aux saisons. Il est évident donc que le calendrier « julien » a été introduit en Afrique du Nord (Algérie) avec l’expansion de l’empire romain. Et notons aussi que, le calendrier Berbère est un calendrier agricole avec ses marqueurs qui sont les saisons et les fêtes. Hadj BENKHATOU, nous avait parlé de d’un aspect intéressent connu par l’ancienne génération Bel-Abbesiènne qui est le contraste entre les deux périodes de 40 jours chacune appelées –ES-SEMAYEM – ANSRA – LIYALI (froides et chaudes) pour dire que beaucoup reste à faire sur ce domaine.

Il est vrai que le calendrier berbère est un calendrier agraire. Apparemment, utilisé depuis des lustres par les berbères. Mais, c’est un calendrier assimilé au calendrier Julien avec une origine antérieure selon Jean SERVIER, qui a étudié ce phénomène en Tunisie (Tradition et civilisation berbère,1985).

2- Calendrier solairenotamment le calendrier universel qui est un calendrier julien et grégorien, mais « bizarrement » avec des fêtes lunaires ! Ainsi donc, tous les peuples ont adapté des calendriers à leurs usages, leurs coutumes et leurs besoins, c’est d’ailleurs pour cette raison que tous les pays ne fêtent pas le Nouvel An au même moment.

Le calendrier julien est donc un calendrier solaire de 11 mois de 30 et 31 jours chacun auxquels s’ajoutent un mois de 28 jours, plus ¼ de jour supplémentaire (année bissextile tous les 4 ans), ce qui donne une année de 365 jours ¼. L’année solaire est exactement de 365,2422 jours. Ce léger décalage par rapport à l’année tropique a été supprimé par le pape Grégoire XIII en 1582 qui a fait passer simplement la date du 4 octobre à celle du 15 octobre supprimant ainsi les 11 jours de dérivation qui manquaient au calendrier julien depuis sa réforme augustéenne (11 mn/an soit 1 jour tous les 134 ans). Ce calendrier grégorien s’est répandu en Europe occidentale, dans le monde catholique d’abord, protestant ensuite, demeurant probablement inconnu en Afrique du Nord jusqu’au 19ème siècle.

3- Calendrier luni-solaire (mixte).Pour ajuster le calendrier lunaire et surtout le retour des saisons (nécessaire pour les fêtes du solstice, et surtout l’agriculture …). La dérive est trop importante pour être tolérée. Alors on ajoute un 13e mois lorsque c’est nécessaire. Toutefois, la vraie question sera de savoir quand l’introduire ? Et de quelle durée ? Cette première approche rapide fut adoptée par les romains, c’est-à-dire celle de 11 jours par an. Peut-on dire alors que le calendrier berbère est un calendrier mixte, puisque en ajoutons les 11 jours au début de l’année, on arrive à fêté le Yennayar le 12 de chaque premier mois. Notons que, d’autres peuples préféraient celle d’ajout d’un mois supplémentaire. Mais cette modalité est très difficile, à cause de la grande variabilité de la Lune. C’est sans doute pourquoi, elle a été abandonnée dans plusieurs civilisations sauf peut-être chez les Chinois et les Japonais.

4- Le Calendrier chronologique :Il est un peu particulier comme celui des les Mayas et Pharaons Egyptiens ainsi que les Aztèques. On constate chez les premiers nommés une année de 18 mois et 20 jours !

Pour conclure, on comprend d’une part que la durée de l’année dépend essentiellement du repère que l’on choisit dans le ciel. Et d’une autre part, on comprend surtout que l’élaboration du calendrier se poursuit depuis l’aube de l’humanité. Autrement dit, avant même le début de l’histoire. Et donc, finalement, l’homme a depuis le début introduit des erreurs (décalages, fausses mesures, faux calculs, les contradictions, manipulations, et multiples affabulations et autres).
Tiens ! Le début de l’ère chrétienne, qui était censé correspondre avec l’année de la naissance du Christ, est erroné. Et ainsi, le Christ est né avant Jésus Christ ! N’est ce pas insolite ? Les historiens disent aujourd’hui, qu’il est né aux alentours de 5 av. J.C !!! Une chose est certaine, « notre » calendrier risque de connaitre un autre changement au long de ce 21eme siècle. L’histoire nous le dira.

Hadj BENKHATOU, savait depuis l’âge de douze ans, (période coloniale) que le début de l’année berbère coïncidait avec le 12 janvier de chaque année. Il est inutile de chercher là où il n’y a rien. Il ne faut pas trop se fier à l’histoire populaire. La mémoire est là pour nous le rappeler. Son père avant lui, pratiquait le même métier juste que le patron était « un guawry » disait-il ! Depuis des lustres, il y’avait la fête familiale d’« E’nair » ou « El-M’khalet », généralement pour les bourses pauvres qui ne pouvaient se permettre le luxe d’acheter des fruits secs importer de Turquie ou Biled Echam. Pour lui, il s’agit bien d’une mémoire collective puisque ce Yennayer, était toujours considéré comme une fête. Un symbole de la fécondité, de longévité, des croyances et des superstitions. Cette tradition culinaire s’étale sur une saison, pour dire qu’elle est fêtée dans un temps long. Notamment avec un repas traditionnel différent du quotidien chaque 12 janvier qui place la nouvelle année qui se profile sous d’heureux auspices. Ce repas est différent selon la région. Et même si sa célébration s’articule autour de plusieurs symboliques.

À Sidi-Bel-Abbès c’est bien évidement le « Cherchem », mais le soir après le dîner, traditionnellement nous explique Hadj BENKHETOU, sa grand mère mettait le plus petit de ses petits enfants dans une large assiette, dans laquelle elle versait au dessus, les fruits secs (les amandes, les noix, les pistaches, cacahuètes, dates, bonbons… et autres), après chaque membre de la famille allait prendre sa part, dans une pochette fixée par des points de couture cousue main. Hadj BENKHETOU, insiste sur le fait, que cette fête est célébrée le plus diversement et qu’il était de coutume que la maman dispatchée symboliquement les fruits secs à travers toute la maison familiale. On le voit bien, Hadj BENKHETOU, sait que YENNAYER est d’abord, une fête qui s’est toujours poursuivie dans la joie et par un moment de convivialité familiale. Et conscient ou non, il sait très bien que cette fête bien de chez nous, fait partie du « système-calendrier ». Elle fait ainsi référence aux représentations de la société algérienne depuis des lustres. Il est évident donc, que l’état s’intéresse à cet ensemble de souvenirs mythifié par la collectivité vivante bel-Abbesiènne dans laquelle le sentiment du passé fait partie intégrante de la mémoire collective des Algériens.

Par AL MECHERFI