« Vous avez accompli votre devoir puisque vous avez sacrifié l’être le plus cher pour vous. Ne me pleurez pas et soyez fiers de moi.» C’est ainsi que s’exprimait le Combattant Ahmed ZAHANA, la veille de son exécution, dans une lettre à consonance prémonitoire, adressée à sa famille.
Au soir du 16 mai 1956, une fourgonnette banalisée avait livré à la prison Barberousse, des caissons scellés contenant la guillotine démontée.Nul ne savait pour qui elle était destinée. Mais on se doutait qu’elle s’est installée à Barberousse et qu’elle allait fonctionner pour longtemps.
Zabana sera le premier moudjahid guillotiné à la prison Barberousse, le 19 juin 1956 à 30 ans. Aujourd’hui cela fait 56 ans. Sa décapitation, pieds et mains liés connut des moments inédits, voire du miracle. Ce n’est qu’à la troisième tentative que la tête a été tranchée, mais n’est pas tombée dans le panier. Le sang de Zabana n’a pas giclé, mais s’écoulait lentement, ce qui fut vu comme un autre miracle, après que la tête est restée attachée au tronc.
Pourtant, la jurisprudence en vigueur veut qu’un condamné à mort qui ne meurt pas à la première tentative de la guillotine, soit gracié de la peine de mort et voit sa condamnation transformée en peine à perpétuité. Cela n’a pas été valable pour Zabana.
Ainsi au moment de quitter ses compagnons, rapporte Ali Zamoum, Zabana répète jusqu’au lieu de son exécution : «Je meurs mais l’Algérie vivra ; je meurs mais l’Algérie vivra ; je meurs mais l’Algérie vivra». Il avait demandé à faire sa prière, ce qui lui fut refusé, une autre entorse à l’éthique judiciaire. Sous la protestation de Maître Zertal, l’administration accepta sa demande. Durant sa prière, ses bourreaux s’énervèrent, tentèrent d’interrompre sa prière, n’eût été l’intervention de son défenseur. Maître Benbraham rapporte que le muphti présent pendant l’exécution ne pouvait supporter le regard du condamné.
Connu communément sous le nom de ZABANA, ce Héro « matinal » de la Révolution Algérienne Ahmed ZAHANA naquit en 1926 à El Ksar près de Saint Lucien (Zahana) Il fut l’un des premiers animateurs du déclenchement du 1er Novembre 1954 dans l’Ouest Algérien.
Son militantisme commença très tôt par son adhésion au MTLD dès 1949 à 24ans. Son activisme lui valut une première arrestation et fut condamné une première fois à 3 ans d’interdiction de séjour, en mars 1950.
Dès sa libération, il reprit ses activités et fut à l’origine de l’organisation d’un groupe qui attaque le poste des gardes forestiers d’Oran, la nuit du 1er Novembre 1954.
Il fut désigné par Larbi Ben M’Hidi en qualité de responsable de la Zone de Saint Lucien. Lors de la réunion d’investiture où assista le Chahid Benabdelmalek Ramdane, Zabana hérita des missions principales de structuration et entraînement des groupes, choix des éléments adéquats aptes au commandement des hommes et inspection des positions stratégiques en vue de choisir les endroits susceptibles de constituer des bases pour la Révolution. Ahmed Zabana réussit ainsi à constituer des groupes à saint Lucien, Témouchent, Hammam Bouhadjar, Hassi el Ghalla, Chaabet, et Sig. Il chargea ces groupes de collecter les cotisations pour l’acquisition d’armes et de munitions.
Avec Abdelmalek Ramdane, il dirigea les opérations d’entraînement militaire ainsi que les techniques pour tendre des embuscades, lancer des incursions et fabriquer des bombes.
Ghar Boudjlida (grotte de la chauve-souris) qui se trouve à El Gaada était le P.C (poste de commandement) du secteur de Saint Lucien au début de la révolution algérienne
C’est au cours de la bataille de Ghar Boudjlida, le 08 Novembre 1954 que Ahmed Zabana fut capturé par les troupes françaises après avoir été atteint de deux balles. Il fut prisonnier et conduit d’abord à l’école communale d’El Gaada en attendant de l’acheminer ver l’hôpital. L’instituteur pied noir, Monsieur Casé, montra le blessé et ses compagnons déposés devant la porte du guarage de l’école (fondée en 1905) à ses élèves, en leur disant : « voilà ce qui vous arrivera si vous suivez les rebelles ». Ensuite, Ahmed Zabana fut incarcéré à la prison d’Oran le 3 Mai 1955, Le 19 Mai 1956 , il fut transféré à Serkadji pour y être guillotiné.
« Mieux vaut tard que jamais! » dit-on. Si vous avez traversé la nationale qui mène de Sidi-Bel-Abbès à Oran, ce 19 juin, vous aurez pu voir l’impressionnant regroupement à quelques encablures de Zahana (voir photos), où l’on a enfin décidé d’ériger une stèle à la mémoire du Chahid. Le Secrétaire Général du Ministère des moudjahidines accompagné des autorités locales a procédé à son inauguration devant un parterre de ses concitoyens et compagnons d’armes encore vivant, il a baptisé le tronçon de la nouvelle double voie qui venait d’être achevée de la RN 13 ,en boulevard du martyr Ahmed Zabana, depuis le rond point jusqu’à la sortie de Zahana. 56 ans plus tard, une stèle est enfin dressé au village qui l’a vu naître, combattre et le recueillir après sa mort, puisqu’il y est enterré.
Repose en paix, H’Mida!
La dernière lettre du condamné à mort
Mes chers parents, ma chère mère.
Je vous écris sans savoir si cette lettre sera la dernière et cela, Dieu seul le sait. Si je subis un malheur quel qu’il soit, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu, car la mort pour la cause de Dieu est une vie qui n’a pas de fin et la mort pour la patrie n’est qu’un devoir. Vous avez accompli votre devoir puisque vous avez sacrifié l’être le plus cher pour vous. Ne me pleurez pas et soyez fiers de moi. Enfin, recevez les salutations d’un fils et d’un frère qui vous a toujours aimés et que vous avez toujours aimé. Ce sont peut-être là les plus belles salutations que vous recevrez de ma part, à toi ma mère et à toi mon père ainsi qu’ à Nora, El Houari, Halima, El Habib, Fatma, Kheira, Salah et Dinya et à toi mon cher frère Abdelkader ainsi qu’à tous ceux qui partageront votre peine. Allah est Le Plus-Grand et Il est Seul à être équitable.
- Votre fils et frère qui vous aime de tout son cœur H’mida