SILA 2012: “Pas sûr de trouver ce que l’on y cherche” *

Mr Mohamed Senni bonsoir,
Il en est des salons en Algérie comme en enfer, c’est à dire le plus souvent pavés de bonnes intentions !
S’il est vrai qu’en se délocalisant à la SAFEX des Pins maritimes et en quittant les horribles chapiteaux moquettés du « cirque » étouffant où il était enfermé lors de l’édition précédente, le SILA 2012 a certes retrouvé un peu d’oxygénation et plus d’espace pour la mobilité physique et intellectuelle de ses visiteurs, il n’empêche qu’il continue à être un évènement encore insaisissable, mal défini, un peu comme une girafe que l’on saurait reconnaître à vue d’oeil, mais qu’il est très difficile et malaisé de décrire avec les mots!
Aussi, dans ce genre de manifestations, et pour le gogo que je suis, on n’a qu’une seule envie , celle de repartir plus vite qu’on y est arrivé, c’est à dire…en courant !!!
Si la manifestation donne « à voir », on en ressort malheureusement frustré tant il semble que cet espace culturel reste hermétique dans ses buts, indéfini dans ses effets escomptés, et dissimulé dans son mode de fonctionnement et d’ organisation: foire du livre, salon du livre, supermarché du livre, exposition de livres, rendez-vous d’éditeurs, salon pour la rentrée littéraire, mezzanines pour écrivains en vue ou désireux de l’être, ou tout cela à la fois ??? Le visiteur lambda a beaucoup de mal à se situer dans cette imprécision du genre tant cette manifestation donne effectivement l’impression de se dérouler comme dans un espace-gigogne : l’espace commun, ouvert au commun des mortels en mal de découverte, lui donnant l’illusion d’une grande messe et d’une communion populaire dédiée à la « Lecture publique » malgré les prix dissuasifs pratiqués et l’hétérogénéité des offres d’une part, et d’autre part l’espace « stratégique »,plus confiné, plus restreint, réservé « aux initiés », « aux habitués », ceux dont les portables et les twiters ne cessent de crépiter pour leur permettre de se propulser aux quatre coins les plus courus et les plus fermés du salon pour bénéficier des occasions qui font les larrons! Ce qui abouti nécessairement comme vous l’avez constaté, à une fatale désertion des lieux de prestation des auteurs et écrivains ( la chaise vide, quoi!)malgré une circulation et un brouhaha intense dans tous les stands, et qui font au moins le bonheur de la statistique officielle.
Oui, cette manifestation tant attendue et pourtant si redoutée, donne l’impression d’une pochette surprise où l’on sait ce que l’on veut y voir, et où l’on n’est pas sûr de trouver ce que l’on y cherche, faute d’une politique claire du livre, d’une stratégie pour faciliter la lecture publique, d’une définition affichée des objectifs du salon qui, à force de vouloir trop (em)brasser large, finit par mal étreindre, parce qu’il se veut national, donc prétendant à être exhaustif, et fatalement gargantuesque, gigantesque, inefficace !!! Malgré cela, lorsque vous vous décidez à mettre la main à la poche pour acquérir un ouvrage convoité (Maïssa Bey,comme par exemple) sur lequel vous aurez « flashé », il vous sera répondu qu’il est tout bonnement épuisé, au bout de trois jours d’ouverture seulement du salon : succès littéraire, ou rupture d’un stock …insuffisant ? Allez savoir !
Y aura-t-il un bilan, un vrai, à la fin de cette manifestation qui s’achève pour en tirer les enseignements pour les futures éditions que nous espérons décentralisées, et permettre à tous un égal accès aux livres ? Quoique cet argument ne semble pas tenir la route si je puis dire, puisque nous avons vu des gens très motivés venir du fin fond de l’Algérie pour admirer et se bousculer avec force sachets remplis de dinars pour s’offrir de belles limousines et de moins belles voitures au salon de l’automobile qui succédera dans peu à celui du livre qui vient de s’achever !!!! Mais là, ce ne sont pas les mêmes livres…sterling.
Merci tout de même pour votre compte-rendu objectif et sans complaisance de cette énième édition du SILA.
Merci encore Mr Mohamed Senni pour le petit clin d’oeil au sujet du poète mystique Djellal Eddine Rûmi, dont j’ai retrouvé ces quelques vers et que je souhaiterais dédier à certains lecteurs qui se sont beaucoup épanchés ces derniers temps au sujet de « leur » ville natale ,et plus généralement sur ce thème dans la presse électronique. Puissent-ils ,peut-être, contribuer à apaiser leur spleen !

» Je viens de cette âme,
qui est à l’origine de toutes les âmes,
je suis de cette ville,
qui est la ville de ceux qui sont sans ville,
le chemin de cette ville n’a pas de fin,
va, perds tout ce que tu as,
c’est cela qui est le tout ».

(« Les quatrains » de Rûmi, sur l’expérience mystique)

Avec mes amicales salutations.

* Commentaire laissé le 29 septembre 2012 à 20 h 44 min sous l’article intitulé : SILA, ÉDITION 2012 : INDIGENCE, DÉSHÉRENCE ET FUITE EN AVANT.