En hommage à feu Abdelkader Taibi, l’artiste- peintre, graphiste, décorateur et poète, l’une des figures emblématiques, la Maison de la culture Kateb Yacine a exposé pour la première fois ses 22 œuvres de peinture du 18 au 21/mars/2013 sous l’initiative de son fils, le Dr Taibi Ahmed….L’artiste peintre est né le 28/02/1950 dans un petit village de grande Kabylie du nom de IVLILEN et décéda le 02/02/2010 à Alger suite à une longue maladie
Jusqu’à l’âge de 7 ans, le jeune Abdelkader vivra dans l’ambiance d’une famille nombreuse mais extrêmement heureuse, composée de 9 personnes avec un père qui tout en étant le chef de village, était maçon de profession et joignait « les bouts du mois » comme tailleur de pierre en ses moments libres. Abdelkader Taibi avait une grande admiration pour son père auquel il lui reconnaissait une sagesse hors du commun « qui valait tous les recueils d’humanisme et de jurisprudence » qui en donneraient des leçons de civisme- En 1957 toute la famille Taibi se voyait contrainte de fuir le village IVLILEN, bombardé sans répits par l’aviation coloniale. La famille quittait le village natal de grande Kabylie pour s’installer à Alger- Cette rude période marquait pour longtemps le jeune Taibi Abdelkader. Une difficile séparation des racines natales pour se rendre dans une grande ville où l’invivable était plus atroce que celui qu’ils ont fuit. Pendant très longtemps, ils demeuraient dans l’impossibilité de s’adapter dans ce monde de béton matériel et humain. Un monde qui les avait adopté en leur offrant la difficulté de vivre et de se mouvoir après leur avoir fait quitter la beauté des montagnes verdoyantes par la royauté des oliviers, la limpidité des sources de jouvence, l’odeur toujours enivrante de la terre humide et surtout la simplicité et l’honnêteté de cette population berbère.
Taibi Abdelkader continuera toujours à dire à ses enfants « que les bâtisses modernes de la ville ne valent en rien la simplicité des maisonnettes de montagne en pierres noires ou en tuf ! Les routes bien tracées d’Alger ne représentaient rien devant les sentiers qui inondaient de par leur fraicheur et leur senteur de vie ». Les deux sortes de paysage qu’il venait à amalgamer malgré lui, étaient les éléments qui formèrent la fabrique de couleur et d’arc en ciel qu’il devenait…Cette délocalisation de la famille, les faisait vivre dans la totale précarité où presque 25 personnes de la même famille vivaient dans un appartement de 80 m2 – Abdelkader Taibi fut scolarisé et « c’est précocement qu’il a commencé à produire ses premières esquisses aux couleurs chatoyantes où s’expriment son imaginaire et sa forte personnalité », nous confiera Ahmed. A partir de 15 ans, il se découvrait une passion pour le dessin- Il devenait également un lecteur très assidu qui s’accrochait à tous les livres qui lui tombait entre les
mains et son argent de poche servait à acheter les revues et bandes dessinées de l’époque- Ces livres de dessins animés et roman photos devenaient les éléments déclencheurs de son style. A 17 ans, il optait pour effectuer ses études d’art plastique à E.N.B.A. d’ Alger de 1967 à 1971 et de 1971 à 1974 toujours à l’ENBA pour obtenir le diplôme CAFAS. Compte tenue de ses notations, il fut désigné avec un autre étudiant pour aller faire des études en France .Il surprit son directeur d’Institut en lui proposant une transaction qui consistait de financer l’apport d’un professeur français d’art plastique avec l’argent prévu pour leur formation en France et de la sorte permettre à tous les élèves de bénéficier de l’enseignement de qualité à domicile- L’administration trouva l’idée génial et elle s’exécutait en répondant au judicieux vœux de Taibi Abdelkader.-De 1971 à 1976, il optait pour une nouvelle spécialisation de communication audio-visuelle au sein de la même ENBA. Cette nouvelle orientation professionnelle était destinée à lui assurer les moyens de subsistance en obtenant avec son nouveau diplôme un emploi dans le monde de l’audiovisuel. Une fois marié, il continuait à vivre avec ses 08 enfants dans une seule pièce d’un bâtiment sis dans la grande Alger.
Avide d’apprendre davantage et à outrance, tout se qui se rapporte à la littérature aux sciences médicale, il faisait profiter tous ceux qui l’approchaient des résultats de ses recherches et des découvertes que la lecture lui permettait. Son fils nous contera une anecdote sur le bonheur que lui procuraient les livres : « un jour alors qu’il était jeune adolescent, son père lui donnait de l’argent pour acheter du ravitaillement pour la maison, il revenait le soir avec un couffin rempli de livre au lieu des aliments qu’il devait apporter. Son père qui connaissait bien son fils, réagissait positivement avec un grand rire et sans lui faire de reproche ». En parlant de son père à ses enfants, il leur disait : « votre grand père était un grand artiste à sa manière, avec des pierres, il avait l’art de faire de merveilleuses maisonnettes et presque toutes ces maisons construites sur
les collines étaient son œuvre et le soir, il s’adossait à un mur à proximité d’un olivier qui offrait chaleureusement son ombre et les contemplait avec amour car chacune d’entre elles, lui rappelait un temps et son contenu ! » .Mais, un jour le Viel homme très respecté par les voisins en sa qualité de médiateur qu’il était, il accusa d’une foudroyante hypertension qui le cloua au lit avec une hémiplégie. Cette dernière finit par l’emporter après deux longues années d’alitement-
Abdelkader Taibi grandit rebelle et très nationaliste. Il aimait passionnément son pays, au point de refuser lors de ses formations en France, les propositions qui lui ont été faites avec garantie d’emploi, des avantages et logement de famille. Mais il préférait demeurer dans son pays. Il disait « l’étroitesse dans mon pays valait toutes les largesses d’un autre pays » Il dessinait et ne cessait de le faire pour la seule passion de peindre. Selon son fils le Dr Taibi Ahmed, l’artiste a peint des centaines de miniature qu’il offrait, il n’en a gardé que ces 22 œuvres que le fils se chargea d’encadrer pour l’exposer, là où il n’était pas connu.Il n’a jamais cherché à vendre une de ses œuvres, qu’ils considéraient comme « ses enfant » et « un enfant ne se vend pas » disait-il- « Les figures ou motifs qu’il étalait sur toile étaient confrontés à chaque fois à des images nouvelles comme un incessant va-et-vient entre les types d’images liées entre elles par la forme en deçà ou au-delà des sens qu’elles
opposaient, Mais aussi des sujets d’inspiration étaient la nature, l’amour et surtout la liberté qu’il exprimait dans ses œuvres miniaturisées dans son style très original selon les artistes, qui sont une amalgame constitué de cubisme et d’abstrait » m’expliquait Ahmed son fils qui tout en étant Docteur en Agronomie, Maitre de conférence et chercheur en Ornithologie au département d’agronomie de l’Université Aboubekr Belkaid de Tlemcen, devenait progressivement, par la force du sang et dans l’ombre de son projet artistique, la continuité par excellence du père. Et toutes les Images exhumées de la mémoire sous formes de bribes de souvenirs, échos de son enfance, impressions, se métamorphosaient pour l’obliger à devenir des réalités qu’il nous propose jalousement mais fièrement Il avait également la passion de l’écriture et il s’activait à faire beaucoup de chose dont celui d’apprendre à tirer sa révérence un acte de courtoisie peut être, mais aussi, pour Taibi Abdelkader, il n’a pas manqué de le faire, dans son carré de soumission et de révolte silencieuse, que les mots n’ont pas cessé d’expliquer à travers « Ahna Kaci Yamout ».
Le rire de l’artiste se faisait plus ironique contre le sort qui est sa seule façon de libérer les larmes, et ces larmes, qui faisaient défaut n’ont pas cessées de jaillir,”jaillir avec les mots de la fin”. Nous avons compris, son fils et moi, que l’horloge du temps se donnait du plaisir. Taibi Abdelkader a été à la recherche permanente non pas du bonheur absolu, qui n’existe pas, mais de perles de bonheur semées tout au long du chemin, même tortueux, qu’il a longé. Ses beaux textes, étaient le reflet de l’âme qui se promène au
gré de la sensibilité, qu’il nous a fait découvrir. L’Humanisme se dégageait à travers ses toiles et ses mots, « l’on vis au milieu du peuple et non à côté. Nous en ressentons la douleur, l’on en connait la profondeur des cicatrices » disait il avant de tirer sa révérence au monde des vivant et quitter la scène qui avait encore besoin de lui.. « C’est dire que même mort, le souffle de son inspiration et la portée de son talent resteront à jamais gravés dans les mémoires de ceux qui savent reconnaître et apprécier les œuvres de qualité .Maintenant qu’il n’est plus de ce monde, ses œuvres et ses poèmes se chargeront de transmettre, la passion et la joie de vivre pour son pays qui ne mourront jamais »
K.Benkhelouf