HIJAB OU CONTRE-RÉVOLUTION

Le sage Pierre Rabhi avait posé une question déroutante: y’a-t-il une vie avant la mort? Déroutante, parce que pour l’esprit commun la réponse est évidente: bien sûr qu’il y’a une vie avant la mort puisque chacun de nous en est la preuve frappante. Mais si Pierre Rabhi avait posait cette question c’est qu’il y’a une autre réponse moins évidente, plus compliquée, qui échappe à l’esprit commun. Cette question implique une autre moins étonnante, posée et débattue depuis toujours, et qui fait l’objet d’une querelle éternelle : Y’a-t-il une vie après la mort? Certains y croient, d’autres non, et leurs croyances opposées déterminent leurs morales et leurs comportements dans la vie terrestre qui est, elle, une certitude.

Dans l’Etat iranien devenu théocratique depuis la révolution de Khomeini, la question ne se pose plus. L’existence d’une vie après la mort est l’adhésion officielle de l’État et cette croyance dogmatique s’impose à tous les Iraniens et les iraniennes sous peine d’hérésie d’accusation d’opposition au pouvoir des mollahs, avec ce que cela implique comme conséquences.

Le port du voile pour les femme devient des lors une obligation légale qui s’impose à toutes les Iraniennes puisque la charia le prescrit, celle-ci étant la source fondamentale de la loi dans la République Islamique. Et, bien sûr, toute infraction à ce qui est devenu une loi pénale, impérative et répressive par essence, est assimilée à une perversion morale et conduit à des poursuites et à des châtiments.

C’est sur la base de cette logique juridiquo-théologique et judiciaire que Mahsa Amini fut poursuivie et menée au poste de la police des mœurs où elle trouva la mort dans des conditions très peu claires et qui ont donné de l’eau aux médias occidentaux qui s’investissent corps et âme pour donner un coup fatal à l’ennemi persan.

La mort de Mahsa Amini l’iranienne, pareille à la mort de Mohamed Bouazizi le tunisien, constitue la torche qui provoque un feu qui est en train d’embrasser l’Iran. 92 morts jusqu’à présent n’ont pas fait peur aux iraniennes et ne les ont pas empêché de continuer à sortir pour défier les forces publiques et la rigueur de la loi en jetant leurs voiles au feu et en se rasant les cheveux.

Ce soulèvement au féminin n’est pas anodin. Il est en train d’ébranler les fondements de l’État théocratique iranien puisqu’il conteste et remet en cause un élément primordial qui fonde son pouvoir depuis 1979 : le statut de la femme.

Vu sous cet angle, ce qui se produit sous nos yeux en Iran n’est pas moins qu’une contre-révolution semblable à celle qui se produit en Arabie Saoudite, avec toutefois cette différence qu’en Iran c’est une révolution de la rue alors qu’en Arabie Saoudite c’est une révolution de palais soumise à la bonne volonté du prince héritier Mohamed Ben Salman. C’est une une contre-révolution très importante dont l’objectif est de substituer à une norme religieuse une autre laïque, à recouvrer une liberté perdue.

Cette contre-révolution réussira-t-elle ou non? Dans le contexte mondiale actuel ou tous les regards et tous les efforts sont focalisés sur la guerre d’Ukraine et ses répercussions internationales, il y’a très peu de chance pour que les femmes prennent le dessus sur les hommes en Iran et qu’elles puissent changer l’ordre établi.

Mais, quelle qu’en soit l’issue, il est désormais prouvé l’attachement viscérale des femmes iraniennes à leur liberté. Aujourd’hui elle le prouvent en refusant qu’on les oblige à PORTER le voile. Elles l’ont prouvé aussi par le passé quand elles ce sont révoltées contre L’INTERDICTION de le porter que leur avait imposé Atatürk au nom d’une modernité qui, à ses yeux, devait passer impérativement par une laïcité qui s’apparentait à de l’athéisme.