INGRATITUDE

On savait qu’un banquier n’a pas de cœur et on le lui pardonnait aux motifs des impératifs de son commerce, mais on ne savait pas qu’il n’a pas de conscience, et ça on ne le lui pardonne pas, sous aucun prétexte.

En règle générale, on poursuit au pénal, on juge et on condamne ceux qui portent préjudice à l’intérêt public, non ceux qui le servent. Aujourd’hui il y a mégarde. En ce moment même se déroule le procès de l’un des meilleurs enfants de la ville de Sidi Bel Abbes, son dévoué qui, au plus fort de l’épidémie meurtrière, a fait preuve d’un sacrifice et d’un don de soi exceptionnel qui, sous d’autres cieux, lui aurait valu la reconnaissance sans limite de tous. Au lieu de quoi, le Docteur M.Refas est en train de subir les foudres d’une institution qui statue au nom de ce même peuple que le bénévole au grand cœur et à la sensibilité à fleur de peau n’a jamais cessé de servir.

MONSIEUR Refas, toujours aux chevets des malades fort contaminants ou qu’ils soient, est de ceux, très rares, qui ont été courageux et qui faisaient face à la mort quand les autres la fuyaient comme la peste. Il est de ceux, exceptionnels, qui ont substitué l’État quand, au moment crucial, celui-ci avait fait défaut. Il s’était tué pendant des jours et des jours à quémander des fonds pour procurer à l’hôpital d’État des générateurs d’oxygène pour que des malades ne meurent pas étouffés bêtement. Nul ne peut savoir combien de personnes lui doivent la vie, Dieu seul le sait et, Dieu, dans sa très grande justice, saura lui être gré.

Comble de l’ingratitude, on lui reproche d’avoir outragé une banque! Celle-ci, embourbée jusqu’au ridicule dans sa bureaucratie alors qu’il y avait péril en la demeure, alors que l’urgence absolue lui imposait de libérer les fonds qu’elle recevait en dépôt pour que le docteur et ses amis puissent acquérir les générateurs nécessaires, à préféré prendre son temps sous le prétexte fallacieux des règles de prudence qui la régissent. Il y avait là de quoi rendre fou. Mais le docteur Refas n’a pas sombré dans la folie de ses accusateurs et s’est contenté d’informer ses donateurs de cette situation ubuesque pour se dédouaner des responsabilités qu’on pourrait lui reprocher. Tels sont les faits pour lesquels il est poursuivi et pour lesquels on a requis contre lui une année de prison.

Mais il faut rendre grâce à la fidélité, et à la compétence de ses deux amis et avocats, maître Mohamed Kerma et Mohamed Boubakar qui l’ont défendu avec talent et conviction. Et quelle que soit l’issue de ce procès qui n’aurait jamais dû avoir lieu, la grandeur et l’honneur de ce grand homme resteront intacts et la reconnaissance envers lui restera pour toujours une lourde dette qui pèsera sur nous tous.