Les lundis de l’Histoire: La cité perdue des Bel-Abbésiens

Les civilisations disparues ont laissé d’importantes traces dans notre pays, notamment dans l’antiquité ou des ruines de cités perdues attestent joliment les merveilles archéologiques illustrant la puissance passée de leurs bâtisseurs. Pourtant, Beaucoup de ces ruines romaines restent peu connues du grand public aujourd’hui.

L’histoire nous enseigne que ces « cités perdues » ont surtout vécu un déclin fatal, en majorité une guerre ou une catastrophe et voilà pourquoi nous les avons oublié. Notons bien que l’adjectif « perdue » même s’il peut faire rêver et conduire les gens à s’intéresser beaucoup plus à l’histoire et l’Archéologie désigne ici dans notre texte des lieux qui n’existent plus en tant que cités, que leur localisation soit connue ou inconnue. C’est pourquoi, les historiens généralement divisent ces cités perdues en trois catégories.

La première catégorie qui nous intéresse pas du tout, est celle des cités perdues dont la localisation a été totalement perdue, mais leur mémoire a été maintenue grâce à des mythes et des légendes comme Atlantide, Troie et Iram et autres.

La deuxième catégorie est celle des cités qui ont été toujours connues, mais elles ne sont plus habitées. Les exemples ne manquent pas. Persépolis, brûlée par Alexandre le Grand. Petra, l’ancienne capitale des Nabatéens du fameux Oued Moussa, en Jordanie (Route de la soie). Tikal des Mayas, Zeugma en Turquie et d’autres en Chine. Et n’oublions surtout pas nos merveilles : Lambèse, Djemila (l’antique Cuicul), Timgad … Elles furent pillées par les Vandales au Ve siècle. Depuis ce temps ces cités ont été oubliées.

La Troisième catégorie est celle qui nous intéresse le plus. C’est celle des cités dont la disparition a été si complète et totale qu’aucune connaissance de la cité ne subsistait jusqu’à leur « redécouverte » et parfois leur excavation par l’archéologie.

Le cas le plus illustrant que j’ai constaté dans mes recherches sur la région de la Mekerra et incontestablement celui de l’histoire escamotée de Sidi-Ali-Benyoub. La ville natale de notre caricaturiste et bédéiste SLIM- MM. Pourtant, cette ville est si proche de nous à peine trente cinq kilomètres de Sidi-Bel-Abbès. Des voyageurs et chroniqueurs, ont décrit les ruines de cette cité antique. Mac Carthy, croyait qu’ils étaient ceux de Gilva. Les historiens et les Archéologues les plus renommés se sont trompés en localisant cette cité antique. Ce qui est certain, c’est quelle se situait sur l’Oued Mekerra, au Sud-ouest de la future place forte de la région. En se référant, à toutes les études archéologiques sur ce site au XIXème siècle. On peut affirmer qu’aucun monument n’était resté debout. On ne trouvait que des fondations de murs de 0,80 d’épaisseur, enfermant de grands rectangles. Toutefois, il y’avait bel et bien des pierres avec des inscriptions latines, des traces de fondations de maisons ainsi que plusieurs objets décrits dans les rapports d’archéologues. Même si elle paraît avoir eu dans les temps antiques une importance secondaire. Les Romains, quand ils prirent possession de cette contrée, y fondèrent un camp militaire fortifié. Bien des voyageurs avaient signalé l’existence de ces ruines et y avaient reconnu les restes d’une cité romaine.

Malencontreusement, et jusqu’à présent, on ignore le « vrai » nom antique de cette cité ! Tellement que sa trace a été complètement oubliée. En effet, si dans l’imagination populaire, les cités perdues furent des lieux d’habitation prospères et bien peuplés. Cela n’a pas empêché l’imaginaire populaire local durant la colonisation d’attacher la présence certaine des romains dans la région avec plusieurs récits populaires qui d’une certaine façon sont une opinion d’un ensemble de gens plutôt que celle d’une Histoire au sens propre. On peut facilement comprendre que les colons Européens étaient obsédés par la présence romaine en Algérie. Disons que, cela réconfortait leurs idées colonialistes de l’époque. Mais pourtant, cela n’a pas empêché les 24 premiers colons d’utiliser les pierres taillées dans la construction du village coloniale de Chanzy en 1854 et Mellinet en 1859.

On sait que ces ruines romaines étaient à l’origine une castramétation militaire en forme rectangulaire au début du IIIème siècle de notre ère. Les romains possédaient à cette époque des troupes auxiliaires en Afrique du Nord. On a trouvé plusieurs bornes miliaires qui attestèrent sa communication routière avec l’ancienne Altava (Ouled-Mimoune) et les différents relais de Tect (Tenira), Ala miliaria (Bénian), Kaputtasaccora (Sig) et autres. Son emplacement fut choisi par les romains à cause de sa proximité en aval de la Mekerra et donc dans l’axe nord -sud. Les sources légendaires d’« Ain-Sekhouna » et d’Ain Kaddour ont sans doute aussi marqué le choix romain. Les énormes potentialités minières en carrières et mines à ciel ouvert et notamment ses belles pierres noires y était aussi pour quelque chose. Ces pierres font actuellement l’ornement des édifices publics de la ville de Sidi-Bel-Abbès ainsi que les monuments funèbres du cimetière chrétien et Israelite. Je profite d’ailleurs, pour demander à mon ami TALHA Djelloul, président de l’association du sauvegarde du patrimoine historique de bien vouloir procéder à l’enregistrement des monuments de la ville qui porte la trace de ces pierres noires. On raconte aussi que Sidi-Ali-Benyoub était réputée par son Hammam bien avant la colonisation. À double titre, vu l’abondance de l’eau à cet endroit, un Hammam muni d’un système d’hypocauste n’est pas à écarter puisque ce système de « salles de bains chauffées» était connu depuis l’antiquité. Mais là c’est une autre histoire.

Alors, fut-elle une ville de Mauritanie Césarienne ? Absolument, selon certains chroniqueurs qui avaient visité les ruines avant la première inspection archéologique établie en 1854. Ils décrivirent les lieux comme une ancienne ville romaine. Peut-être qu’elle le fut plus tard, mais on n’a aucune preuve. Son toponyme « Chanzy » décidé unilatéralement par trois colons en 1903, a été rattrapé par l’histoire, puisque la commune a reprit son nom d’origine de Sidi-Ali Benyoub un territoire délimité et réparti entre les trois douars de Messer, Sidi-Yacoub et Tirenat depuis 1867. Son autre toponyme « Aquilléra » n’est pas latin (romain) mais Espagnol. Attention, les erreurs de localisation du site archéologique commise depuis le XIXème siècle par les archéologues eux-mêmes, les voyageurs et autres chroniqueurs attendent toujours d’être actualisées. Puisque, le Dr T.Shaw, Berbrugger, Alberteni et encore plus P. Salama travaillaient avec moins de moyens. Bastide aussi pensait à tord que Sidi-Ali Ben-Youb était Albulae.

Il est utile de rappeler aux Bel-Abbéssiens que les ruines de cette cité perdue ne se situaient pas exactement à l’endroit du village colonial, mais plutôt à une distante de plus d’un kilomètre et demi en amont. Que les deux autres sources d’eau potable d’Ain Guelmène et Ain-Meca-Erg jaillissaient sur la rive gauche de la Mekerra et non celle de la droite et donc elles étaient plus au moins lointaines des ruines romaines. On raconte qu’aux temps préhistoriques, il y’avait un « lac » juste en bas de l’endroit de la future cité antique. On prétend que des scientifiques avaient découvert des traces d’animaux préhistoriques ! Une autre boulette du temps colonial. Même un géologue et un zoologiste associés n’auraient pas pu inventer mieux. Que dire alors de cette histoire fantaisiste d’objet au sujet d’un «veau d’or » retrouvé dans les ruines en 1853. Un vrai canular. Une farce à dimension jésuite. Ajoutons, à cela, cette autre histoire de source réputée chaude qui ne l’a été que dans un passé légendaire.À 680 mètres d’altitude, l’eau refroidit en arrivant à la surface. Bien évidemment, la source n’était pas aussi « chaude » qu’on le prétendait. Ses ruines thermales ne sont qu’une invention de l’imaginaire colonial.

Pour les premiers colons de la Mekerra ! Si les romains étaient bien là, c’est qu’il y’avait une source thermale et donc forcément, il y’avait un « Bain romain » ! Et enfin, permettez-moi de citer la longue liste de son patrimoine archéologique qui avait disparu mystérieusement. Déposé « ingénument » dans le hall d’un musée propriété exclusive d’un quartier des officiers de la légion étrangère de la rue Prudhon. Puisque l’archéologue lui-même n’était autre qu’un officier de la maison.

En définitive ! On sait très bien que la domination Romaine en Algérie est un sujet historique très controversé. On peut s’étonner que l’un des rares sites antique de la région soit si mal connu et que personne jusqu’ici n’ait essayé d’en esquisser l’histoire. Mais, à défaut d’une histoire réactualisée ! Faut-il pleurer cette cité perdue à jamais ou faut-il peut-être appeler un brave Tarzan pour traquer les indices d’un Stefan Gsell, afin de défendre cette cité perdue des natifs de la jungle dans une aventure qui se laisse bien suivre. On y est presque. Il faudrait absolument continuer à chercher l’ancienne appellation de cette cité « retrouvée » et d’en étudier les limites.

AL-MECHERFI.