La première école Franco-arabe pour jeunes filles musulmanes fut fondée à Alger en 1845 par Eugénie Luce (1804-1882) sous les auspices, il est vrai du Gouvernement générale de l’Algérie qui avait comme objectif colonialiste de fournir aux jeunes filles une éducation de style européen. La société Algérienne était en position délicate suite à l’humiliante défaite. Mais là, il s’agit d’une période Historique plus avancée. C’est le moment du réveil national. Les enjeux se passaient bien évidemment au quartier El-GRABA de SIDI-BEL-ABBES.
C’est une Histoire ou plutôt un fait « express » Du maintenant ou jamais ! L’année 1948 était une année marquée par la victoire de René JUSTRABO. Le tout nouveau Maire de la ville (1948-1953) voulait du changement et vite. Pour rattraper le retard dans le domaine de l’instruction des indigènes, la municipalité communiste a rapidement loué un ancien bain maure (Hammam) apparemment délabré et déjà en ruines. Et sans attendre, il fallait nommer une institutrice ! Bien évidemment une enseignante de métier mais surtout pas une normalienne. Plutôt une passionnée, je dirais une « missionnaire de l’éducation ». Son exploit par solidarité se poursuivra même après l’indépendance.
L’oiseau rare fut donc trouvé en la personne de Madame NICOLAS ! Madame Eléonore Bonhommet épouse Nicolas décédée en 2005, en acceptant avec joie le poste proposé, elle Venait tout juste de recouvrer le sens d’une vie ! Elle, qui avait toujours rêvée de s’occuper des délaissées et des défavorisées « indigènes Algériens ». Elle fut désigner institutrice et puis en quelques mois obtient le poste de directrice du lieu destiné à être une école. En tout cas, il ne ressemblait guère à une école ! De toute façon elle n’aura pas besoin de logement de fonction puisque son mari était aussi un instituteur à l’école Marceau. Une solution provisoire sera vite trouvée. Ainsi, c’est elle qui avait la prédisposition certaine et aptitude pour devenir la première directrice de la future école IBN-KHALDOUN, une école flamboyante avec vingt deux classes qui sera inaugurée un peu plus tard au même quartier El-GRABA en Octobre 1950.
Voir le remarquable ouvrage de: NICOLAS Mireille (sa fille): De ma terrasse d’Ibn-Khaldoun, lettres d’Algérie 1961-1964. Paris.
L’école « SOLDI » est inaugurée dans l’urgence au mois d’Octobre 1948. C’est la commune qui a pris cette initiative accélérée avec un flagrant retard ! Mais pourquoi cette initiative hâtive ? Sûrement pour hâter le pas aux réformistes nationalistes qui ont gagné leur pari un an auparavant suite à l’inauguration de la medersa le 20 Octobre 1947 et puis les enfants indigènes n’étaient pas exigeants. Avec cette école SOLDI , deux classes puis cinq l’année suivante ! Une question s’impose. Quelles étaient les différentes couches sociales recueillies par cette école de SOLDI à partir de 1948. Quelles étaient donc les premières « Familles » qui ont accepté ce modernisme saisissant. Et puis pourquoi ce « NOM » ? Il est tout à fait clair que le mot soldi rime avec l’argent. Cette appellation banale ne rime point avec le féminin ! Les Historiens ont certes relevé que l’enseignement dans les medersas des « BADISITES » était gratuit pour les filles ! Peut-on dire que cette dénomination « locale » est une « propagande » programmée ?
En tout les cas, SOLDI était bel est bien la première école pour filles « indigènes » instituée dans un quartier «arabe» à SIDI-BEL-ABBES. Pourtant, rares étaient les instituteurs Français qui s’en étaient approchés. Il faut reconnaître un fait essentiel ; Il n’était pas facile pour une famille Française d’accepter de vivre dans le quartier EL-GRABA dans un moment de conflit. C’est véritablement un « maillon » assez important dans l’Histoire de la GRABA.
Pourtant, l’administration coloniale a depuis le début refusé les droits élémentaires aux autochtones. D’abord en 1873 en refusant la concession des lots à bâtir, l’octroi du terrain de la mosquée et autres. Elle baptisa le quartier et sa place mythique en 1922 après l’ouverture de la cinquième porte au nom de Thomas BUGEAUD .Mais les «indigènes » eux préféraient le thé au café comme on dit. La dénomination TAHTAHA perdure encore. Elle persiste et re signe le nom de la première école pour filles par école BUGEAUD ; mais eux l’avait déjà dénommée autrement par école « SOLDI ». Ainsi, l’administration coloniale s’est retrouvée devant le fait accompli. Elle choisira plus tard en 1950 le nom d’IBN-KHALDOUN.
La Commune de plein exercice (CPE) de SIDI-BEL-ABBES, à la fin du XIX° siècle disposait déjà de plusieurs écoles primaires pour les européens. Cette commune avait même fait un gros emprunt pour construire deux autres écoles pour la ville européenne et puis une troisième école mixte pour les juifs naturalisés Français. Au fait, y avait-il des Midrashim au quartier GRABA ?
Une première école dite indigène « AVICENNES » au quartier GRABA va tirer son origine en 1927 non du budget communale comme prévu par Tonton JULES mais par voie de détournement. Notons que cette école indigène de garçons a été réduite à néant au mois d’Octobre de l’année 2013. L’Anthropologue Algérienne Fanny COLONNA (Instituteurs Algériens -1975), décédée le 18 Novembre 2014 que j’ai eu l’honneur de rencontrer en France disait si bien : « A SIDI-BEL-ABBES, il y avait une école indigène pour 38000 habitants. C’était ce qu’on pouvait appeler l’instruction au compte gouttes». Ainsi, cette histoire de politique scolaire pour les indigènes, était aussi vraie en textes qu’en thermes de graphes sur des pages office-Excel. La courbe va continuer encore et encore avec l’école TURGOT et l’école MOLIERE dans ce quartier mythique de la GRABA .Mais attention ! Il ne s’agit là que des «garçons » !
En effet ! En plus de la séparation des populations scolarisées et l’allocation budgétaire défavorable aux autochtones. Il faudra ajouter aussi les caractéristiques sociologiques de la population musulmane avec ces inégalités ayant une base ethnico-religieuse produit du système colonial mais dont l’origine aussi était la société indigène algérienne elle-même et son fonctionnement à cette époque.
Les filles « indigènes » algérienne furent tardivement scolarisées y compris dans les grands centres urbains mais surtout en petit nombre. Il faut dire aussi que la population indigène algérienne à cette époque n’était pas favorable à une scolarisation massive des filles. Il s’agissait donc aussi d’inégalités selon le sexe.
Il convient également de souligner que d’un autre coté. L’on a assisté en Algérie à un gros effort tenté par les Oulémas pour augmenter le nombre des écoles libres. Souvenons-nous de la visite d’IBN BADIS à SIDI BEL ABBES en 1937 et l’inauguration de la medersa dix ans après. Il ne s’agit pas d’anciennes écoles coraniques (Kouttab), mais des médersas, Mcid, et parfois Zaouïa… dans lesquelles on s’efforce de donner un enseignement rénové mais surtout nationaliste. Ces établissements ont fait l’objet d’une surveillance particulière.
Toutefois, l’enseignement relevant de l’administration française était le seul qui permettait l’accès au marché du travail. Les notables indigènes et la petite bourgeoisie urbaine y ont rapidement compris cette donne politico-économique. Ils y ont donc orienté leurs enfants de sexe masculin. Parmi eux les commerçants du quartier et autres professions libérales et anciens combattants de Dar el Askri notamment.
Ils ont donc aussi compris qu’en plus « l’enseignement traditionnel » réformé ou non n’assurait du point de vue de l’emploi que sa propre reproduction ; il n’intéressait par conséquent que quelques familles de « marabout » et les gestionnaires des zaouïas ou alors les fractions pauvres des populations rurales. Toutefois, les Algériens ont finalement choisi les deux en même temps ! Ceci dit près l’école suivait l’école coranique ou vis versa ! Et cela jusqu’à présent ! Enfin pour finir ; Je ne remercierai jamais assez Madame Badra Mokadem et Mireille NICOLAS pour leurs témoignages mais aussi pour leurs soutien réciproque et fructueux à cette première partie de l’Histoire de l’école SOLDI. Tout en souhaitant à Mireille l’accomplissement de son projet sur l’école IBN-KHALDOUN.
A suivre.
AL-MECHERFI.
Un commentaire
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Merci Mr El Mecherfi pour ce Lundi …!! Une aubaine pour rappeler que les « indigènes » avaient déjà leur propre culture et leurs propres écoles, et les colons français et européens sont venus chambouler leur état mental, leur vie sociale, leurs repères, leurs valeurs, leur religion et bafouer leur identité …S/c d’être venu civiliser une « race inférieure »… !!! Quel Toupet… !!! Mais, la réalité est qu’ils étaient colonisés, rejetés, asservis et exploités…!!! Ils ont voulu sectionner les algériens de leur passé et ternir leur conscience nationale, en voulant faire « commencer » l’histoire de l’Algérie en 1830… !!!
Selon certains historiens « la proportion des illettrés en Algérie de 1830 était relativement moins forte qu’en France à la même période. »… !! Selon Marcel Egretaut qui cite M. Rozet (Voyage dans la Régence d’Alger, 1883, « il y avait 100 écoles publiques et particulières dans Alger à l’arrivée des Français. Avant la conquête française, des milliers de madrassas existaient un peu partout dans le pays.. »…!!!
Au départ, les algériens ont pu résister à toutes les tentatives d’«acculturation» commandé par le colonisateur barbare, mais les choix imposés ou parfois consentis par une certaine frange « d’indigènes », d’opter pour certains aspects influa sur les différents courants culturels et politiques, comme par exemple, le prolongement du courant de Mr Justrabo…. !!!
L’école, a été soi-disant obligatoire depuis 1883, mais il faut bien souligner qu’elle était très sélective, idéologiquement très orientée et politiquement bien calculée…!!! Même les quelques éléments autochtones culturels qui ont réussi, ont été marginalisés, dépréciés et condamnés à une certaine « ghettoïsation forcée » à défaut d’une assimilation…!!! Je ne parle pas des lettrés H, bien évidemment… ! Celui qui a eu l’opportunité de jeter un coup d’œil sur les archives, peut découvrir leur nom (même parmi certains notables de la wilaya..)!!! En plus, le colonisateur a usé de toutes les formes de répression, de violence et de force, pour éponger toute potentialité d’expression autochtone libre.
L’enseignement colonial avait deux objectifs essentiels :
1) Former de lettrés arabo-musulmans loyaux à la France et des serviteurs soumis à l’administration -(même en petit nombre)-, qui véhiculeraient les thèses coloniales, d’ailleurs ils existent jusqu’à ce jour, parmi les espèces des manchots, des News H, des Oursons en peluche, des Aras Bleus… etc…. !!!
2) Briser les résistances du peuple algérien.
Rambaud A., a écrit en 1897 dans le Bulletin de l’enseignement des Indigènes : «La première conquête de l’Algérie a été accomplie par les armes et s’est terminée en 1871 par le désarmement de la Kabylie. La seconde conquête a consisté à faire accepter par les indigènes notre administration et notre justice. La troisième conquête se fera par l’école.»….A méditer…. !!!!
Mostefa Lacheraf a dit que « l’acceptation de la langue française par nécessité, s’accompagna par l’assimilation d’autres disciplines… »….C’est pourquoi l’association des Oulamas musulmans ouvrit plusieurs Medersas. Le mouvement dirigé par Cheikh Abdelhamid Ben Badis soutint l’enseignement de l’arabe…. !!
Frantz Fanon a déclaré que : «La passion mise par les auteurs arabes contemporains à rappeler à leurs peuples les grandes pages de l’histoire arabe est une réponse aux mensonges de l’occupant.»
Ne dit-on pas que « L’arbre cache la forêt »…. !!! « En 1954, à la veille du déclenchement de la guerre de libération, le nombre d’élèves scolarisés était estimé à un peu plus de 293.000 sur une population en âge scolaire avoisinant les 2 millions de personnes, alors que le nombre d’étudiants musulmans fréquentant l’université d’Alger, ouverte en 1909, représentait une infime population : un musulman sur plus de 15 000 était étudiant, alors qu’un Européen sur 227 l’était à cette époque selon Aïssa Kadri.
Pour conclure je cite les propos de Mr Ahmed Tewfik El Madani : «Ceux qui, par courte vue, manque d’étude et de connaissance du milieu algérien, pensent qu’il est possible avec le temps de faire de ce peuple musulman foncièrement nationaliste un peuple français dans ses coutumes, ses mœurs, son organisation, sa langue, ceux-là sont des gens qui se bercent de l’illusion de voir midi à quatorze heures.»
Même, s’ils ont réussi un peu plus après l’indépendance, grâce à la connivence des orbitons de HF, je dirai qu’ils se bercent encore d’illusions… !!!
Merci encore une fois Mr El Mecherfi…. !!! Cordiales Salutations…!