L’Islam, le marqueur à l’épreuve des attentats de Paris

Depuis les attentats de St Denis et de Paris, radios et télés font rouler les tambours. C’est normal. Les émissions spéciales appuient sur l’émotion et les experts habitués des plateaux rentrent dans la mêlée. Commentateurs et analystes rendent leurs vérités. Mais au-delà des discours émotionnels, certes légitimes, ils devraient aussi faire œuvre de pédagogie en reprenant l’Histoire et éviter certains concepts. Il y va de l’apaisement du malaise des musulmans de France. Surtout dans la cacophonie actuelle.

La charge émotionnelle suscitée par les attentats du 13 novembre à Paris ne doit pas empêcher de réfléchir. La France multiple de 2015 a ce devoir.

D’abord resituer dans le discours la place des Français dits musulmans au sein de leur société. Alors que l’Histoire de France, depuis des siècles, est jalonnée par les attouchements avec l’Orient et l’Afrique du Nord, qui sont ces musulmans de la République française? L’ennemi de l’intérieur? Une cinquième colonne?

Pour répondre, il vaut mieux reprendre le fil de l’Histoire de la France avec le monde islamique et réévaluer certains concepts abusivement utilisés par la classe politique française notamment. Profitant d’une émotion évidente mais surexposée dans les médias, des formules distillées ici et là sont dévastatrices, accentuent la peur panique liée à l’actualité terrifiante. Face au crime islamiste, l’opinion française, chauffée à blanc, n’a pas besoin de sous-entendus.

En ces circonstances, les Français ont besoin d’explications non de propos lénifiants sur ce qu’est la France avec son art de vivre et sa démocratie. Dire seulement que les terroristes veulent détruire les valeurs de la France semble un peu court. Après l’inquiétude, la raison, les raisons…

L’Histoire d’abord et quelques concepts aussi. De la campagne d’Egypte menée par le général Bonaparte en 1798 en passant par la colonisation à la présence aujourd’hui en nombre sur la terre de France de musulmans devenus citoyens Français, il n’est jamais clairement expliqué sur les chaînes de radios et de TV que la politique française a eu ses propres égarements auxquels les musulmans de France sont… étrangers.

Au sein de la société française, ces citoyens là, à l’Islam voyant ou non, ont un marqueur qui en toutes circonstances les différencie des autres nationaux. Dans l’opinion, ces musulmans sont dans un cul de basse-fosse. Ils ont beau donné à la République française des gages de fidélité, d’engagement patriotique ou mourir pour elle depuis 14-18 jusqu’aux harkis et plus, rien n’y fait.

Normalement, les élites politiques françaises devraient, si elles en ont la culture et la volonté, expliquer urbi et orbi sur les plateaux de médias aux heures de grande écoute que la «race blanche» par exemple, depuis le procès de Nuremberg au moins, est un concept éculé, une ânerie. Expliquer que c’est même plus grave quand on y associe une religion! La «race blanche» n’existe pas et la religion n’a pas de couleur de peau! Ne plus utiliser non plus le concept wagon à bestiaux : la France est «judéo-chrétienne». Une farce si elle n’était une contre-vérité. Pendant, plus de mille ans, la France intolérante et contraignante n’a pas été autre chose que catholique. L’affaire Calas et celle du chevalier de la Barre en ont été une illustration parmi d’autres bien plus sinistres.

Protestants, cathares, vaudois et juifs en savent quelque chose et n’affirment leur croyance que depuis deux siècles. Que de massacres depuis Clovis jusqu’à la Révolution française au nom du Dieu catholique! Heureusement cela n’est plus le cas sous le ciel de République… Plus le cas? C’est vrai. Mais un petit ostracisme au paradis français pourrit l’ambiance, surtout quand des fous islamistes frappent. Ainsi, malgré la civilisation et l’élévation du droit français, on peut encore dire «pas tout à fait» puisqu’aux yeux de la communauté française, les Français musulmans sont un peu à part. Liberté de conscience ou pas!

Les reproches à l’encontre des Français d’origine musulmane sont courants et les amalgames possibles. Alors, versons dans l’irrationnel. Si les Français de culture chrétienne sont frileux devant le bénitier et moins friands d’hostie, est-ce la faute des musulmans Français qui, eux, pratiquent ou pas leur religion? Est-ce les sacristies vides qui font prier les musulmans dans la rue? Tout cela est pathétique.

Qui sait ce que vont devenir les musulmans de France dans deux ou trois générations? Qui peut dire qu’ils ne seront pas, encore et encore, nourris aux valeurs de la République?

Dès à présent, en cette belle France, les Français ne sont pas en guerre entre eux. Il n’y aura pas de Saint Barthélémy. En France, malgré les 10.000 radicalisés très nuisibles, il y a sans doute plus à craindre électoralement ou autrement de l’extrême droite. Alors, entre ces deux extrêmes, les politiques pourraient-ils encore longtemps faire la leçon aux citoyens français de culture musulmane? Quand bien même, ils auraient à balayer devant leur porte, ce ne sont pas eux pourtant qui s’acoquinent avec les tyrans de l’Arabie Saoudite et du Qatar qui produisent du salafisme. Et cette collusion vénéneuse n’a pas épargné la France tant ce phénomène n’est plus à prendre à la légère.

La France est un pays formidable où les musulmans lui enjoignent le pas. On peut augurer qu’il n’y a pas un enfant qui préfère l’islamisme à la littérature, à la culture, aux arts. La terreur ne prend sur une infime minorité que si des Français dont les parents venus de pays musulmans, restent cantonnés à la périphérie de la République.

La déshérence des jeunes musulmans n’a pas besoin d’être remplacé par une religion dévoyée par des imams dangereux car il n’y a pas de vide de croyance en France. Un pays plein de sa laïcité n’est pas contre la religion. La religion y est un discours certes respectable mais ne doit pas parler plus fort que la pensée. La laïcité se soucie de la religion au sens de sa protection au même titre qu’elle protège la pensée rationnelle. Si à côté des imams fous, les politiques français élaborent à des fins électoralistes des discours nauséabonds, qu’on ne s’étonne pas alors des constructions de convictions échevelées dites religieuses auprès d’une frange de la jeunesse d’ascendance musulmane. Si ces politiques devaient continuer à faire des «sermons», il n’y a de meilleures «homélies» que celles qui doivent expliquer qu’il y a eu autant de décapitations dans le Coran que dans d’autres livres sacrés. Que dans l’Iliade et l’Odyssée! Que pour aucune de ces traditions, il ne peut y avoir de lectures littéralistes.

Par petits dérapages, contrôlés ou pas, les média-commentateurs n’ont pas besoin de faire croire à la vénénosité du Coran. Un Coran hors contexte historique. Ils devraient au contraire donner la parole à ceux qui produisent du commentaire théologique correct. Certes, les responsables du culte musulman ont fait preuve d’incompétence, d’incurie, voire d’un laisser-aller coupable, mais ils ne sont pas les seuls en faute. La plupart des accapareurs de micros le sont aussi vis-à-vis des Français dont la croyance est l’Islam. Appuient-ils assez sur le distinguo entre musulmans et islamistes? Car décidemment, ces derniers jours, sur le mode de l’émotion, flirtant avec «le choc des civilisations», experts et commentateurs ont majoritairement failli. L’inculture des islamistes n’a pas permis aux thuriféraires des valeurs républicaines de briller. Contre les illuminés islamistes, ils n’ont pu paraitre comme des phares de la France universelle. Celle des Lumières. Celle que nous aimons… Si elle existe encore.

Par Si El Agby

 

One thought on “L’Islam, le marqueur à l’épreuve des attentats de Paris

  1. Mon ami parisien vient de faire paraître une contribution à travers les colonnes de BAI à la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris . Je la trouve remarquable en se sens qu’elle traduit tous les ressentiments qu’on éprouve à l’égard d’une opinion française égarée par des partis pris consubstantiels à un fond culturel catholique qui ne doit pas s’accommoder avec l’esprit d’une république laïque . La Jeanne d’Arc des temps présents , la Marine revendique elle aussi sa part de la république que d’aucuns de ses esprits dits éveillés n’osent remettre en cause franchement et directement lorsqu’il s’agit des citoyens de culture ou de descendance musulmane. En engageant le débat sur une polémique avec le FN, sur la base d’une trame à leur guise , les chroniqueurs patentés , tantôt experts , tantôt spécialistes , ne font que conforter et faire admettre que l’étranger et l’islam sont à l’origine de tout leurs maux . Si El Agby avec une plume qui coule de source à fait appel à l’histoire lointaine et même récente pou recentrer le débat dans une vision sereine des réalités de la France d’aujourd’hui . Les nostalgiques d’un passé conquérant ne peuvent nous imposer leur vision d’un monde apocalyptique à l’image de l’hégémonisme du III ème Reich . Nous ne pourrions aussi nous contenter d’un face à face entre les intégrismes de tous bords , laissant le soin à une Marine Le Pen de répondre à des fanatiques dits musulmans sans fonds religieux authentiques et réfléchis , et particulièrement qu’on assimile ” salafiste ” et ” jihadiste” pour mettre tout sur la même bannière . Si El Agby à su représenter une majorité silencieuse que les professionnels de la politique ne daignent pas sonder ou du moins écouter. En tout cas il a su traduire mes sentiments plus que ne je n’aurais pu le faire avec ce talent qui lui est propre .

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