Mort de Mohamed Merah, le «tueur présumé» de Toulouse : Sarko reprend la main

Pour le déroulement des faits, la presse dans son ensemble a dû se contenter de la version du récit que la police distillait peu à peu depuis hier matin à des médias qui n’avaient pas refermé leur édition spéciale depuis la veille.

Lyon de notre correspondant

A 13h, l’AFP annonce la mort de Mohamed Merah, tombé sous les balles policières. Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, décrit un scénario digne d’un film de science-fiction : «A la fin, Mohamed Merah a sauté par la fenêtre avec une arme à la main en continuant à tirer. Il a été retrouvé mort au sol.» Tué par des snippers, dont on ne dit pas à quel ordre ils ont obéi ! Avant cette issue funeste, coincé dans la salle de bains (on ne répétera pas que c’est le compte rendu de la police), Merah en était sorti à l’approche des policiers qu’il arrose «à l’arme de guerre». L’échange, extrêmement nourri, dure près de cinq minutes. Durant lesquelles 300 cartouches seront tirées. Si ! Depuis mercredi à 3h10, cerné au premier étage de son appartement dans le quartier toulousain de la Côte pavée, Merah a beaucoup parlé aux négociateurs. De ces discussions, il n’est pas sûr qu’on en sache un jour quelque chose, maintenant qu’est mort le «présumé coupable», comme l’a nommé le ministre, en dépit des règles juridiques de la présomption d’innocence.

On ignorera à jamais la réalité du contact humain qui s’est établi, et ce qu’a pu dire Merah. On sait seulement qu’il devait se rendre, d’abord mercredi après-midi, puis dans la soirée, avant que jeudi matin, les médias disent que Merah ne se rendrait pas. On s’attendait alors au pire. Au lieu de la reddition sans cesse repoussée, la fin brutale de l’homme accusé d’avoir tué sept personnes était programmée. Le suspect est liquidé, on peut reprendre la vie politique normale. Sarkozy a repris la main. Coup sur coup, il déclare quelques minutes après «son» happy-end : «Nos compatriotes musulmans n’ont rien à voir avec les motivations folles d’un terroriste.» Puis il promet des mesures pour lutter contre «l’apologie de l’extrémisme», qui sera réprimée dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Au passage, il annonce sa volonté de contrôler les sites internet, touchant une nouvelle fois, comme aux USA, aux libertés. Il demande au ministre de la Justice «une étude sur la propagation des idées fondamentalistes en prison». Enfin, ultime promesse de candidat, ce qui n’a pas été fait le sera dorénavant : «Toute personne se rendant à l’étranger pour des travaux d’endoctrinement sera punie.» Fermez le ban ! La campagne électorale reprend.

Eva Joly : «Une forme de mise en scène»

La candidate écologiste à la présidentielle, Eva Joly, a dénoncé hier le rôle du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, dans l’assaut contre le tueur Mohamed Merah à Toulouse, y voyant «une violation du code de procédure pénale». «Qu’a fait le ministre sur place en commentant en permanence, heure par heure, ce qui se passait ? Il a créé de la confusion. Quel est son rôle ? Ce n’est pas lui qui dirige les opérations ! C’est une violation du code de procédure pénale !», a lancé l’ancienne juge d’instruction dans une interview à Radio Orient. Selon elle, «ces opérations auraient dû être dirigées par un juge, à l’extrême limite par le Parquet». «J’ai été magistrate pendant plus de vingt ans (…) J’ai eu à faire face à des prises d’otages. Et j’ai appelé le Raid ou le GIGN. Je connais leur pertinence, je sais qu’on peut leur faire confiance, mais c’était moi qui dirigeais les opérations et non pas le ministre», a argumenté Mme Joly.

«Les citoyens peuvent se demander pourquoi est-ce qu’ils n’ont pas choisi d’interpeller Mohamed Merah lorsqu’il sortait de son immeuble et qu’il prenait son scooter ? On aurait peut-être pu le faire avec beaucoup moins de déploiement de moyens. Est-ce qu’il n’y avait pas là une arrière-pensée politique ?», a-t-elle demandé. Si M. Guéant «était resté place Beauveau, on aurait laissé le procureur de Paris, M. Molins, agir ou le juge en charge de l’enquête. Parce que le ministre était là, on peut se dire peut-être qu’il y a eu une forme de mise en scène», estime Mme Joly.

Mohamed Merah, français depuis deux générations

Contactés dans la ville de Relizane, des parents éloignés de Mohamed Merah nous ont affirmé que son père et lui-même sont nés en France et qu’ils n’avaient jamais mis les pieds en Algérie. Les personnes rencontrées ont refusé de commenter la mort du «tueur présumé», se contentant de préciser que c’est son grand-père qui a émigré en France durant la colonisation.

(de Relizane. B. Issac)

Walid Mebarek

El watan