Mon rêve en cette période de congé, c’est un un mois de vacances à New York. Je ne comprendrais pas sa langue, mais qu’importe, je me débrouillerais. Je rencontrerais certainement quelques francs qui m’aideraient. Je verrais et je sentirais son air, et c’est cela qui compte..
Pourquoi New-York plutôt qu’ailleurs ?
Et bien, parce que y aller, c’est comme aller aller à Kaboul. Mais dans le sens inverse. Non seulement de la géographie mais surtout de l’histoire. C’est faire un voyage dans l’espace-temps. Vers le passé ou vers le futur. C’est selon le rêve et les prédispositions de chacun.
Pour un casanier comme moi, qui vit depuis longtemps enchaîné aux murs de sa caverne (la caverne c’est ma ville, c’est mon pays, c’est mon travail répétitif et éreintant, c’est mes habitudes devenues mécaniques) et qui ne voit plus que les ombres que reflète la lumière de son smartphone, de toutes les villes du monde, c’est New-York d’où vient la lumière la plus éblouissante. J’ai ce sentiment que par rapport à Kaboul, je vis dans mon coin le 21 siècle, mais que, par rapport à New-York, je vis le moyen age. C’est pourquoi j’aimerais faire ce saut ne serait-ce qu’un petit mois. Un mois à New-York, c’est moi dans le futur.
Je connais pas mal de choses de cette grandes ville: de ses rues, de ses luxes ostentatoires et de ses misères profondes, de ses richesses absolues et de ses pauvretés extrêmes, de sa culture foisonnante et de ses idées qui envahissent le monde en véritables conquérants. Je connais tout ça, comme toute personne qui s’y intéresse, grâce à sa technologie et parce que la lumière qui émane de New-York et suffisamment forte pour atteindre les coins aussi reculés que le mien, et parce que la belle sait montrer et exporter à merveille se dont elle est fière.
Voyager à New-York c’est aller s’abreuver à la source et voir les marionnettistes à l’œuvre. Ces marionnettistes qui vous donnent la chance de briser vos chaînes et qui vous parlent de la conquête de l’espace et des possibilités de coloniser Mars, de l’homme du future qui n’aura de l’homme que vous êtes que l’apparence, du Genre, du Wokisme, des bienfaits de l’aventure et de la libre entreprise…etc etc etc.
Matériellement, je peux réaliser ce rêve. Il coûte très cher, mais une fois dans la vie pourquoi pas. Et tant pis si la faillite s’en suit. Elle passera. Mais New-York ne voudra pas de moi. New-York comme presque toutes les capitales du monde, à part Kaboul, Damas, Banjul, Nouakchott, Roseau, Port-au-Prince et Porto-Novo. C’est-à-dire des villes qui ne proposent rien d’autre qu’un voyage loin, très loin, dans le passé et ses misères.
New-York ne voudra pas de moi et ce n’est pas de ma faute. Je ne suis ni un islamiste, ni un extrémiste, je n’ai agressé personne et je n’ai pas l’intention de le faire, je ne sais pas piloter un avion et je ne porte jamais un cutter sur moi. J’ai même un diplôme honorable et une carte professionnelle qui ne l’est pas moins, et je n’ai aucune animosité à l’égard de l’autre, quelques soient sa couleur, sa religion, sa race et ses idées.
Mais je suis un Algérien.
Je suis le fils d’un pays qui se trompe parfois, souvent même, sur ses choix relationnels et, à mon sens, sur ses amis. Un pays têtu, trop fier, un brin chicanier, toujours prisonnier d’une histoire, belle c’est vrai, mais c’est un histoire qui l’empêche de voir au-delà des traumatismes passés et qui, par ricochet, m’empêche d’aller danser sous la pluie de New-York, comme le fait un Qatari ou un Émirati qui n’ont aucun avantage sur moi à part ceux de la politique et de la géographie.