SYMPHONIE DU MANIPULATEUR

Vous avez tous remarqué la nouvelle mode qui sévit chez nous dernièrement et qui se fait passer pour une liberté d’expression retrouvée.
C’est fou le nombre de cadres politiques de premier plan ou de leaders économiques d’industries stratégiques, qui,une fois éjectés, ou à la retraite dorée ou forcée retrouvent la parole ou la mémoire, qui pour interpeller ‘Rab Dzaîr,qui pour fustiger la mauvaise gouvernance, qui pour dénoncer ‘un état maffieux’ quand on a été son premier ministre et son exécuteur testamentaire.
Et la liste n’est pas exhaustive. On a l’impression d’assister au dernier acte d’une pièce écrite à l’avance et interprétée par plusieurs acteurs désolés d’être devenus des Has Been et qui s’obstinent à occuper la scène.
Tous semblent frappés d’amnésie sélective et ne semblent pas avoir anticipé la seule question qui compte: ” Mais? Messieurs, c’était vous qui étiez à bord du Titanic!” Cette liste vient de s’enrichir avec le coming out de Benachenhou,
chantre de l’économie planifiée sous Boumédienne et du ‘libéralisme rentier’ chez Bouteflika qui se fait avocat et se rue à la défense de son ami et Maître en plaidant la mauvaise influence de la cour des sycophantes,qui ont fait le vide autour de l’appareil d’état en le purgeant de son âme et des citoyens éminents dont la probité et la compétence étaient redoutées. Tous, à l’unisson, nous jouent la symphonie de la liberté d’expression en rendant publics leurs états d’âme et leurs analyses. Les tambours médiatiques relais ne leur manquent pas. Ce n’est pas une symphonie mais le bruit entêtant des Vuvuzela qui ont
pourri la coupe du monde en Afrique du Sud, bourdonnement de guêpes
qui se demandent où piquer.
C’est bizarre! J’ai comme l’impression d’entendre un personnage échappé de la bande dessinée de Slim, ou peut-être même Bouzid lui-même crier: ” FAKOU!” éveillé. El Gatt a dû partir à la chasse d’une belle souris parisienne et on le comprend.

Un ancien Wali, jeune retraité à 58 ans a même retrouvé le souvenir de mon nom et m’est tombé dans les bras avec des effusions qui ont fait retourner les passants de cette rue parisienne explosant de vie.
Vous commencez à me connaître maintenant et vous savez je ne peux survivre longtemps sans ma dose de caféine; aussi ai-je invité notre Houkou à partager un Kawa en souvenir de la vie d’avant. Il m’apprend qu’il a sacrifié aux obligations du Hadj à deux reprises et qu’il ne se laissera pas séduire par la carte des boissons haram.Tout cela avec un soupir dans lequel semble pointer une once de nostalgie. La terrasse du “Collégien” sur le Boul Mich se montrait
particulièrement tentante et ses chaises d’osier tressé nous lançaient des ‘marhaba’ dolents auxquels il était difficile de résister. Au dehors, la vie trépidante s’écoulait avec des flots chamarrés charriant femmes et hommes venus du monde entier, avec une présence asiatique un peu plus forte qu’à l’accoutumée. Ils ont l’arrogance des nouveaux riches et leurs yeux semblent dire: “Nous venons dépenser beaucoup d’argent et Paris is so romantic!
La terrasse d’un café parisien est un formidable poste d’observation et Mahmoud Derwich qui y passait des heures, se réjouissait de ne pas parler français pour pouvoir jouir du spectacle qu’il volait à la rue et ne pas craindre à devoir alimenter une conversation oiseuse.
Alors que deviens tu?
Tu vois bien le temps passe!
Zut, je viens de réaliser que j’avais utilisé la première banalité qui m’était venue à l’esprit et que le parolier de Julien Clerc l’avait sournoisement détournée pour en faire une marque déposée. Etait-il en droit de me demander des droits d’auteur?
Je suis content de te voir. Cela fait combien de temps? 2o, 25 ans
n’est-ce pas?”
Dans ces eaux là.
Je sens qu’il brûle d’envie de me questionner sur tout, sur ma famille, mon travail, mon domicile, mon compte en banque”, mes opinions personnelles. Je suis mauvaise langue n’est-ce pas?
Dans la banalité de ces échanges, dans cet anonymat qui m’avait toujours convenu, mon vieil ami de terminale m’était rendu, sans fard et je m’escrimai à retrouver les traits de cet adolescent semblable à des millions d’autres, avant que les allées du pouvoir ne l’engloutissent et me le recrachent longtemps après, avec une humilité non feinte et un vrai bonheur de retrouvailles. Tout dans son corps pourtant affichait les stigmates de l’exercice du pouvoir et de son crédo: Servir pour se servir!
Soudain, l’animal politique qui sommeille en lui semble reprendre le dessus et les questions-sonde se font de plus en plus précises avec le staccato d’une mitrailleuse rouillée.
” Que pense-tu du Bled?”
” Que pense de X? Sais que Y est…”
“Pourquoi est-tu parti?”
” Machin n’est pas à la hauteur. Sans son parent le général X il n’aurait jamais eu cette ambassade tu sais?”
Pour conclure, comme pour me laisser des regrets:
“Tu sais que j’ai à gérer …..( une localité près de la mer) Tous
sont venus me demander des terrains. Te rappelle-tu M? Il s’est réclamé de ton amitié et je l’ai servi”
Et de terminer avec la phrase que j’attendais,que je pressentais, la phrase leurre:
” Tu sais t’a bien fait de partir:!’
Celle-là il avait dû la servir souvent et pourtant je lui trouve un fonds de sincérité en la traduisant par:
“Vous avez laissé laissé la place libre pour nous. Dieu merci.!”
Décidément, il était urgent de prendre congé. Ma liberté d’expression, je la tiens de n’avoir jamais rien demandé, y compris à des ministres régaliens! Et je suis encore moins persuadé de détenir la vérité; je suis toujours à sa recherche, vous savez, celle qui gonfle dans nos poitrines et dont on peur que la symphonie du manipulateur ne puisse l’effaroucher
Je n’ai rien à vendre ni à acheter. La vie c’est simple comme un café qui enlève les brumes du cerveau.