Que d’encre a coulé sur les vraies circonstances du décès (ou assassinat) du révolutionnaire et chef militaire Abane Ramdane et à ce jour, malgré des dizaines de mémoires rédigés par des anciens compagnons d’armes de cette figure emblématique de la révolution Algérienne , la réalité reste encore énigmatique . La version officielle signale que Abane Ramadane ,l’un des principaux artisans du Congrès de la Soummam, le 20 août 1956, est tombé au champ d’honneur un 27 décembre 1957 alors que des milliers de récits parlent d’un règlement de compte entre les chefs militaire.En voici une compilation tirée de plusieurs écrits.
M Abdelhamid Mehri ancien Secrétaire général du parti FLN des années 90 ,déclarait lors de la commémoration du cinquantenaire de la mort de Abane Ramdane en 2007 que «Le groupe qui avait déclenché la Révolution voyait d’un mauvais œil l’arrivée de Abane Ramdane comme étant un nouvelle force au sein du commandement de la Révolution qui risquerait, selon ce même groupe, de la dévier et de la compromettre …D’un autre côté, Abane Ramdane avait une vision toute autre. Il prônait l’association de tous les Algériens en les unissant autour de la Révolution … Abane m’avait dit en mai 1955 avoir pris attache avec Ferhat Abbas, les indépendants et l’Association des Ulémas musulmans algériens et qu’il était optimiste quant à leur adhésion à la Révolution …Abane a été accusé de dévier la Révolution à maintes reprises notamment lors de la réunion du CCE tenue à Tunis, vers la fin de l’été 1957 et à laquelle nous avons assisté en l’absence de Abane. Nous y avons été informés de l’existence d’un dossier qui condamnait Abane», explique Mehri «Après une journée de débat, de nombreux frères ont refusé de cautionner cette condamnation à blanc à l’encontre de Abane sans consulter le contenu de ce dossier qui a finalement été retiré». Cependant, M. Mehri n’a soufflé mot sur les véritables commanditaires de l’assassinat de l’architecte de la Révolution algérienne.
L’ancien Premier ministre M. Belaïd Abdesslam cité par le journal « Le jeune indépendant du 18 aout 2004 » que « Abane Ramdane dérangeait beaucoup de monde, c’est pour cela qu’il a été assassiné.»Il ajouta qu’ « Abane, vu sa personnalité et sa persévérance, commençait à s’imposer comme le leader de la révolution, ce qui n’a pas été du goût de certains». Et lors d’une conférence organisée au forum du quotidien El Moudjahid, commémorant la journée du 20 août, M. Belaid termina en jetant un pavé dans la marre : «si Krim Belkacem et Ouamrane n’avaient pas donné leur accord, Abane n’aurait jamais été assassiné».
M. Rachid Boudjedra, auteur de plusieurs ouvrages et ancien combattant , consacre quelques lignes de son œuvre « Les figuiers de Barbarie » sur les destins de révolutionnaires.Selon l’auteur, le colonel Amirouche a commis des crimes contre ses propres troupes et des massacres contre la population. Il a aussi assassiné des intellectuels.Il évoque l’implication du révolutionnaire kabyle, Krim Belkacem dans cet assassinat.Il a accusé Krim Belkacem, non seulement d’être complice dans l’assassinat de Abane, mais d’être celui qui a donné l’ordre pour sa liquidation. Il a comparé cet assassinat à celui de Ben M’hidi, par extension sans proportion gardée, il fait le parallèle entre Krim et le général Bigeard !?
« Car l’ordre est venu de Belkacem. Bousouf n’a été qu’un second couteau. C’est terrible ! Belkacem, au moment de l’exécution d’Abane était dans la pièce à coté, et Bentobal raconte que Krim aurait pleuré. Si au moins Abane avait été jugé dans un tribunal révolutionnaire ! Ce sont trois bonhommes qui ont décidé de le tuer. ». Des accusations qui portent atteintes à la mémoire du lion des Idurar, Krim Belkacem. Elles souillent l’image de l’un des six chefs historiques de la révolution algérienne et responsable de la région de Kabylie. »
La famille de Krim monte au créneau et dans une déclaration publique a dénoncé ce qu’elle qualifie d’ignominie. Le romancier est accusé d’ignorer le combat de Krim pour la libération du pays. Le combat de cet homme est reconnu à la fois par ses pairs et au-delà pour gagner la reconnaissance de ses ennemis. dit-on
L’accusation selon laquelle Krim aurait assassiné Abane n’est qu’une tromperie qui sert les règlements de comptes et les mensonges a des fins politiciennes ». Tous les deux révolutionnaires sont issus de la Kabylie : Ait Yahia Moussa pour l’un et LaLarba Nath Irathen pour l’autre ils sont deux génies qui ont combattu ensembles pour la libération du pays.
Ali Kafi ancien président du HCE avait écrit dans son oeuvre publiée sous forme de « Mémoires » : « Amirouche, Krim Belkacem et Ben Tobbal insistaient sur l’existence de liens entre Abane et la France et l’ont accusé d’entretenir à leur
insu des liens avec l’ennemi. On a su alors qu’il était condamné à mort par la révolution…..Mais ce qui se disait lors de la réunion à Tunis est qu’Abane a été exécuté par Mahmoud Cherif et Abd Allah Ben Tobbal …Abane avait des contacts secrets avec l’ennemi qu’il n’avait pas divulgués à ses collègues dans la direction jusqu’à ce qu’ils les aient découverts par leurs efforts et leurs propres moyens. Et c’est là où les soupçons l’ont entourés. Ceci poussa ses collègues à le persuader d’aller avec eux au Maroc sous prétexte de rencontrer le roi Mohammed V. Là il fut jugé et exécuté.
Le président Chadli Bendjedid dans ses mémoires parle : « L’année qui vit le démantèlement de la base a été l’une des plus troubles et des plus agitées, à plus d’un titre. Ainsi, au niveau de la direction du CCE, les divergences entre ses membres allaient en s’aggravant et vont se répercuter négativement sur la combativité de l’ALN. Ces différends éclatèrent au grand jour après l’assassinat d’Abane Ramdane, à la fin de 1957. Au début, nous avons prêté foi à la version donnée par le journal El Moudjahid sur la présumée mort d’Abane au champ d’honneur, mais nous avons vite été désarçonnés en apprenant la vérité amère : ses compagnons d’armes l’avaient entraîné au Maroc pour l’assassiner….Le choc fut terrible dans les rangs des moudjahidine. Amara Bouglez a dénoncé ce lâche assassinat d’un des symboles de la Révolution, malgré ses différends notoires avec Abane, dans une lettre très virulente adressée au CCE et décréta une journée de deuil et de protestation à la Base de l’Est. »
Benyoucef Ben Khedda cité par le quotidien « La tribune du Mercredi 18 Août 1999 » rapporte : « Beaucoup de choses n’ont pas encore été dites sur la période 1954-62; des zones d’ombre subsistent et menacent à chaque fois cette mémoire officielle de s’écrouler. C’est ainsi : les totems finissent toujours par tomber et le temps en est le plus grand ennemi. Mais cette chute n’est pas sans danger si notre histoire n’est pas assumée dans la sérénité et par le débat démocratique. »