Etre pigiste, correspondant de presse, journaliste local… est-ce une sinécure ? La réalité semble être toute autre ! On pense souvent que c’est des gens qui, grâce à l’organe de presse qu’il représente, arrivent à se frayer un chemin dans la notoriété, ou du moins, tisser des relations.
En fait, on réalise que c’est juste des hommes comme nous tous, avec leurs qualités et leurs défauts, qui ont « choisi » ce métier -souvent accessoire – par amour soit de l’écriture, soit juste par militantisme.
Pour en savoir plus, et depuis longtemps déjà, j’avais l’idée de vouloir aller à la rencontre de nos amis de la presse écrite. Ceux qu’on appelle communément, les « pigistes » avec lesquels je me suis promis de discuter de leur « métier » de ce qu’ils ressentent vis-à-vis de la presse électronique. Ceci m’a emmené à aller à leur rendre visite, à la maison de la presse.
Cela fait de nombreuses années que je n’y ai pas mis les pieds. J’ai été légèrement surpris de constater un changement. Positif. La Maison de la presse, je l’ai connue délabrée, sans hygiène, lugubre. Je la retrouve retapée, propre et légèrement rafistolée. Ce n’est pas le top, mais c’est déjà mieux. A vrai dire, quand vous constatez qu’il n’y a aucun micro et donc pas de connexion internet, dans aucun bureau, il y a de quoi avoir une idée sur l’importance que revêt la Presse !
Premier rencontré M. DELLI Mohammed du Quotidien d’Oran, qui nous reçoit chaleureusement dans son bureau dont l’état le pousse à nous parler des conditions de travail, pas tout à fait au point.
A la question de savoir qu’est-ce qui l’a amené à « écrire » il met au devant deux raisons fondamentales : « Passion de l’écriture et militantisme, même si on ne crache pas sur l’argent pourtant dérisoire. » Belle réplique !
Les autres amis qui suivent ont été rencontrés plus tard. Il est difficile de convenir d’un agenda avec eux, leur emploi du temps n’étant pas figé.
Pour M. RIAD d’El Watan c’est plutôt par « conviction » qu’on choisit ce « métier » Il le précise à travers une argumentation académique :
« Tout d’abord, il est utile de préciser ce qu’est un pigiste. Il s’agit avant tout d’un journaliste qui travaille à la pige, c’est-à-dire qu’il est rémunéré à l’article. Il travaille généralement pour plusieurs journaux. C’est le plus souvent un journaliste débutant, qui n’est pas salarié d’un organe de presse particulier, contrairement à un journaliste professionnel.
Dans les pays développés, les lois régissant le métier de journaliste mettent clairement en évidence les spécificités de chaque intervenant dans le secteur de la presse (classification, spécialisation, rémunération), que ce soit dans la presse écrite, audiovisuelle, radiophonique ou électronique.
En Algérie, l’anarchie caractérisant l’exercice du métier de journaliste a accentué les amalgames et ouvert la porte à des interprétations souvent erronées et malveillantes.
Si ces derniers temps le projet de révision du code de l’information est évoqué avec insistance par les pouvoirs publics c’est tout simplement parce que ces derniers se sont rendus compte (tardivement) que ces amalgames et autres incohérences dans le monde des médias ont sécrété des situations ingérables : Il n’y a qu’à voir le contenu des journaux et les « performances » de nos radios et télévisions.
Et, justement, nous nous sommes retrouvés dans une situation où toute personne se réclame « journaliste », « pigiste », « correspondant » …..
Pour ma part, je considère que si on opte pour le métier de journaliste c’est surtout par conviction. »
L’on constate à travers cette pertinente réplique de RIAD que le métier n’est pas une sinécure. Coincés entre l’incompréhension des « fournisseurs d’informations » et les prérequis de l’employeur, les correspondants doivent trouver leur chemin tous seuls ; un chemin qui soit sûr et sans risques majeurs. Ce qui n’est pas évidemment chose aisée.
Pour notre ami Kacem (BOUSMAHA) de Liberté, la réponse est tout aussi claire :
« Au début, ce fut par vocation. Ce fut en 1986, lorsque je collaborais avec l’hebdomadaire « l’Unité » l’organe central de l’UNJA et puis bien sur, le cout de la vie qui va crescendo oblige, en plus des frais de déplacement, téléphone…etc nécessaires pour l’accomplissement des différentes missions, c’est normal de demander une rémunération »
Aborder les contraintes qu’ils rencontrent dans l’exercice de ce métier (avec l’organe que vous représentez, avec les autorités, la Société de manière générale ne semble pas les gêner pour autant :
Pour DELLI, la situation est particulière :
« Il est vrai qu’il y a des contraintes dues à ma « double casquette » Si j’arrive à gérer le problème de conscience généré par la gestion de l’information obtenue grâce à mon statut d’élu, il m’est très difficile de gérer les manipulations de cette même information divulguées sciemment pour me porter préjudice. En effet, je me retrouve souvent dans la position du bouc émissaire : la responsabilité de toute information qui paraît dans la presse me retombe dessus. En tout les cas, je n’en fais pas état, dans la mesure où j’ai toujours eu la conscience tranquille. » Cette tirade est spécifique à M. DELLI qui (avantage ?) cumule la fonction d’élu municipal avec le métier de « correspondant de presse »
« D’ailleurs, c’est un peu cette situation qui m’a contraint à arrêter pendant une année. Quand j’ai pu reprendre, cela ne m’a posé aucun problème avec mon employeur, bien au contraire. »
Pour RIAD :
« Elles sont nombreuses et découlent généralement d’une certaine incompréhension du rôle dévolu au journaliste au sein de son environnement immédiat et des impératifs du métier d’informer l’opinion publique. La relation avec les représentants de l’autorité publique diffère d’une personne à une autre. Le plus souvent elle est conflictuelle pour la simple raison que beaucoup de responsables cherchent à dissimuler leurs défaillances ne s’abstenant de faire des déclarations aux journalistes.
Comme l’explique si bien un ami, vieux routier de la presse : « Il faut savoir tirer le meilleur d’une source (responsable) qui a conscience de la nécessité de faire véhiculer une information juste et crédible. Pour ceux qui ne veulent pas (ou sont incapables) de faire de même, mieux vaut ne pas les déranger, cela évitera de noircir inutilement des pages de journaux ».
Dans la gestion des contraintes vécues, c’est la position la plus juste qui est recherchée entre d’une part la probité, l’éthique et la neutralité et d’autre part la commercialité.
BOUSMAHA rallie l’ensemble en focalisant sur les relations avec environnement plutôt qu’au sein des organes de presse :
« Avec les autorités, la Société de manière générale, elles sont nombreuses. Cependant, avec la rédaction et pour ce qui est de mon cas, je ne pense pas qu’il y ait des contraintes à part l’obligation d’être constamment à « La page » c’est-à-dire évité au maximum les ratages »
Ce n’est pas tabou non plus de leur demander s’il leur arrive de voir leur papier rejeté par l’organe central :
DELLI :
« Non ! Mais cela dépend aussi des personnes. Certains passent par ce qu’on appelle les « re-writers » leurs papiers sont réécrits par des professionnels, seule l’information reste.
« Je n’ai jamais vécu de censure, ni de rejet »
RIAD :
C’est plus simple de dire « censure » au lieu de « rejet ». On ne rejette pas des papiers commandés. Personnellement, je ne me rappelle pas avoir fait l’objet de censure.
Cependant, il est tout à fait normal qu’on « zappe » un papier ou qu’on me demande de le retravailler, selon l’importance du sujet et de l’opportunité de le publier ou non.
Car il faut savoir que la confection d’un journal, obéissant à un minimum de professionnalisme, est une tache ardue et des plus complexes.
Les arbitrages qui s’opèrent en fin de journée, avant l’heure fatidique du bouclage, nécessitent beaucoup de sang froid et une finesse hors du commun pour choisir les papiers qui seront publiés le lendemain. En réalité, c’est au journaliste professionnel de convaincre, au quotidien, de l’opportunité de placer un sujet tout en respectant les normes d’écriture journalistique et les chartes rédactionnelles dont devraient disposer les titres de presse. »
Même si nos amis avouent qu’ils n’y a jamais eu de censure –c’est déjà un exploit – ils ne renient pas cependant -notamment RIAD – qu’il est possible que pour une raison ou une autre, il arrive que des « papiers » soient « différés » ou plus grave « zappés » pour par exemple l’habituelle « abondance de la matière ». Mais il est vrai aussi que quand on a la chance de travailler dans un organe crédible, forcément la concurrence est rude au vu de la profusion d’ »intelligence » Ce qui peut être une forme de « censure » non déclarée.
La réponse de BOUSMAHA, même si elle rejoint les précédentes, reste empreinte de plus de clarté.
« Oui souvent, pour les papiers dits frigo »
Parler des rapports avec les autres journalistes professionnels, et c’est l’unanimité qui clame le qualificatif « amical »
DELLI : Bonnes.
RIAD :
Amicaux et très enrichissants.
Pour BOUSMAHA, la réponse se focalise sur les relations hiérarchiques et occulte les relations plutôt quotidiennes que chacun pourrait avoir avec l’autre :
« Que voulez-vous dire par « Journalistes professionnels » ? En ce qui me concerne, je suis salarié : Chef de bureau régional et en même temps journaliste-correspondant. Quand à mes rapports avec mes confrères d’Alger, elles sont amicales. Je n’ai des comptes à rendre qu’à mon P.D.G et aux rédacteurs en chef. »
Mais ce qui nous taraudait le plus, c’était de savoir quelle était leur point de vue sur la presse électronique :
DELLI
A propos de la presse électronique, notre ami pense qu’elle « est sûrement un plus, même si elle prêche par un manque d’expérience ». « Le grand danger de cette presse, est d’être utilisée à des fins de règlements de compte » et « s’éloigner du rôle pur d’information » l’anonymat pose un « problème d’éthique » Le choix des collaborateurs doit être « très rigoureux »
Quant à la contribution des gens de la presse écrite, Notre ami DELLI se dit disposé en fonction de ce que peut lui permettre son temps.
Monsieur ASSAL présent durant tout l’entretien opine sur tous les avis émis par son collègue en ajoutant que la presse électronique gagnerait à se professionnaliser et à s’inscrire dans le respect de l’éthique. Mais, « je pense qu’il faut encourager l’initiative » dit-il avant d’ajouter « l’amélioration vient avec le temps et la pratique » Il ne faut ni diaboliser, ni généraliser. Le grand gagnant demeure « l’opinion publique » seule à pouvoir arbitrer.
RIAD
« A mon avis, trois sites sont en train de faire un travail de qualité, à savoir DNA et TSA ainsi que la version web d’El Watan. Il est clair que la presse électronique possède un potentiel de développement extraordinaire, à condition d’éviter les dérapages qu’on constate quotidiennement dans la presse « papier » ou dite traditionnelle. Grâce à ces sites, plus de personnes peuvent apporter un regard critique sur l’actualité. A Sidi Bel Abbès, Bel-abbes. Info et la Voix de Sidi Bel Abbès sont deux sites qui, indéniablement, constituent de précieux espaces d’expression. D’autres sites seraient les bienvenus et pourraient enrichir le débat et apporter une plus grande interactivité. Mais il faut réunir les conditions nécessaires à la création d’un site d’information nécessitant du recul et de la neutralité pour ne pas tomber dans le piège de la course à l’information. Parce que, finalement, il s’agit de créer une relation de confiance et de respect avec ses lecteurs. Cette tâche reste avant tout de l’ordre du travail journalistique »
BOUSMAHA :
La différence entre la presse papier et la presse en ligne c’est que l’une est palpable et l’autre non et elle réside aussi au niveau de la quantité d’informations possibles sur chacun des deux supports. Pour la presse papier l’information est moindre comparé au support net. Pour ce qui est de la presse électronique de Sidi bel abbés, elle est à ses débuts et avec un peu plus de professionnalisme, plus tard on entendra parler d’elle.
Pourquoi n’avez-vous jamais songé à y contribuer ?
DELLI :
« Si. J’y ai songé souvent. J’ai même soumis ma proposition qui est restée sans réponse ».
RIAD :
« Bien au contraire. J’ai apporté ma modeste contribution une ou deux fois, mais je me suis vite rendu compte que le Bel Abbès info avait fait le choix de la facilité au lieu de favoriser un travail élaboré et fouillé. D’autant plus que de nombreux dérapages et des atteintes flagrantes aux règles d’éthique et de déontologie sur ce site m’ont amené à cesser toute contribution. Je ne pouvais cautionner de tels dérapages d’autant plus que ceux qui avaient la charge de faire fonctionner le site ont laissé faire sans se soucier des répercussions que cela pouvait engendrer. Que dire lorsqu’on est face à des comportements provocateurs, relevant dans la plupart du temps du règlement de compte alors que l’objectif recherché à travers ce site est d’informer et de susciter des débats et non pas des polémiques stériles et sans grand intérêt pour le lecteur.
En plus, le traitement de l’information ne fait en général l’objet ni d’un recoupement ni d’une vérification. C’est de l’amateurisme, tout bonnement. »
Ne pensez-vous pas que votre contribution y amènerait une touche de professionnalisme ?
DELLI :
« Il est certain que la contribution des correspondants peut apporter un plus de professionnalisme, ne serait-ce qu’à travers leur expérience. Il faut souligner aussi que la corporation de Sidi-Bel-Abbès compte parmi elle des professionnels. Il y a au moins quatre correspondants des journaux qui sont des journalistes professionnels. Leur apport donc ne peut qu’être salutaire pour la presse électronique, pour peu que l’éthique soit respectée. »
RIAD :
« Quand on veut se lancer dans un projet il est important d’axer ses efforts sur aspect primordial : la ressource humaine. A mon avis, on ne peut gérer un site si on ne fait pas appel à une équipe de journalistes professionnels.
C’est l’une des conditions pour renforcer l’implication du citoyen dans la production et la gestion du contenu et plus particulièrement de l’information.
Il est clair que le concept de « journalisme citoyen » est devenu un phénomène mondial avec la généralisation d’Internet, mais il ne peut remplacer le journalisme « traditionnel ». Aujourd’hui, tant mieux qu’internet permet te à de simples individus de diffuser des textes et des photos, faut-il encore s’employer à améliorer les contenus et à renforcer le rôle des modérateurs pour gérer efficacement les commentaires et, par la même, hisser le niveau des débats ».
Si l’on vous demande d’y contribuer, que répondriez-vous ?
DELLI :
« Oui, avec plaisir et tout de suite. Je suis près à collaborer si on me le demande, pour peu –je le répète – que les règles soient claires et l’éthique respectée »
RIAD
« Oui, avec plaisir. Mais dans un cadre clair à même de favoriser la presse électronique qui devrait, avant tout, constituer un relai de l’information davantage proche de la réalité ».
On remarquera donc que le grief le plus important relevé au niveau de la presse électronique s’avère être le manque de professionnalisme du à l’absence de ressources humaines. Ceci a mené les journaux électroniques à verser parfois dans les « règlements de compte » selon nos amis de la presse écrite. Mais ces derniers sont unanimes pour reconnaître le côté positif de l’existence de « ces espaces d’expressions » qui demeurent indispensables pour le citoyen et son droit à l’information.
BOUSMAHA :
« Oui, mais pas pour l’instant, car j’ai déjà un engagement avec mon employeur et c’est vraiment contraignant pour moi de travailler simultanément avec deux. »
Même si les circonstances ne nous ont pas permis de rencontrer l’ensemble des éléments de la corporation – ce que nous aurions évidemment bien voulu – et sans prétendre à une quelconque représentativité, des conclusions peuvent être tirées de cette « pause-café »
En effet, il est heureux de relever que la presse électronique est bien accueillie dans le milieu de l’écriture. Mieux, elle est encouragée. L’ensemble des amis souhaitent y contribuer et c’est déjà un grand acquis.
Autre conclusion : L’utilisation de l’espace médiatique est une bonne chose. La profusion de titres également.
Enfin, même si la presse électronique prêche aujourd’hui par un manque d’expérience et de ressources, il n’en demeure pas moins que nos amis sont unanimement confiants dans l’évolution positive des organes existants.
Pour notre part, nous sommes sûrs que l’apport de nos amis apporterait à coup sûr, beaucoup à la presse électronique.