BEL-ABBES INFO

Le premier journal électronique de la wilaya de Sidi Bel-Abbes

Quand on veut identifier Mostéfa Ben Brahim dans la résistance de l’Émir Abdelkader

ByDjillali C.

Déc 3, 2013

«Les pages de l’histoire de région de Sidi Bel Abbès-1843 /1954-(première partie) », est ma dernière lecture au courant du mois de novembre. Mis en vente publique, il est automatiquement livré à la critique avec une vision scientifique critique et non de critique. Aussi, il est indispensable de rappeler à l’auteur que son titre d’historien ne demeure pas une référence en matière de détention de la vérité. De coutume, l’historien tend à rechercher et à critiquer méthodiquement les évènements du passé à travers des sources qui font l’unanimité. Généralement, l’historien met en œuvre la bonne méthode de recherche, aussi de la critique et de l’interprétation des sources en excluant les sentiments. En histoire, la vérité est le mot juste qui égaie et qui blesse parfois. Ainsi, l’histoire de l’homme est faite. Malheureusement, j’ai été surpris de la légèreté avec laquelle l’auteur a décrit le parcours du « poète » Mostéfa Ben Brahim, allant jusqu’à le confondre volontairement avec l’épopée de l’Emir Abdelkader sans apporter les preuves pour crédibiliser son discours.
Un nombre considérable de poètes, ont payé un lourd tribut pour avoir été fidèles à l’aspiration légitime des peuples à savoir, la liberté. Ils ont subi toutes les formes de répression, de la torture à l’emprisonnement jusqu’à l’assassinat. L’exemple le plus frappant au cours du 19è siècle et pendant la colonisation, demeure le poète résistant Mohamed Belkheir qui accompagna cheikh Bouamama avec l’épée et le verbe. Le poète engagé, est une personne de culture forgée à travers les temps. Il épouse les réactions légitimes de son environnement, éduque, dénonce, oriente et se soulève contre l’oppression. Mostéfa Ben Brahim, le poète lyrique, souvent dans les discussions «particulières » de par la faiblesse du niveau d’appréciation, et pour le plaisir des sentiments, on le comptabilise dans les rangs de la cavalerie des Ouled Slimane, fer de lance de l’armée de l’Emir Abdelkader. Le sourire est l’unique réponse. Concernant le Goual, La bibliographie de l’auteur se résume à la thèse du Dr Abdelkader Azza : « Mestfa Ben Brahim, barde de l’Oranais et chantre des Beni- Ameurs » , qui consistait à mettre en valeur l’aspect littéraire et linguistique de la poésie bédouine, en survolant la vie de Mostéfa Ben Brahim tirée en grande partie dans les archives de la police Française. Le Docteur Azza Abdelkader , n’a à aucun moment lié la vie active du Goual à la résistance de l’Emir Abelkader. La prudence reflétait le fond de sa pensée.
Dans le chapitre III, de l’ouvrage de notre historien, intitulé : « بطون بني عامر في داكرة الشعر الملحون », l’auteur relate que le Goual a vécu de 1800 à 1867 , et il était un poète qui a participé à la vie militaire, politique et administrative de l’Algérie. Il continue en affirmant que la tribu des Beni-Ameur dont est issu le poète a combattu avec l’Emir jusqu’à son dernier souffle, pour conclure de suite (P 75) :  » كان الشاعر نفسه ممن حارب في صفوف الامير » . Il a rattaché à travers une analyse strictement personnelle Mostéfa Ben Brahim à la cause de l’Emir Abdelkader pour affirmer que le Goual avait pris les armes dans les rangs de l’Emir. Un homme aussi important et tant « aimé » par la tribu des Béni-Ameur, comme le souligne avec insistance l’auteur, aurait dû être choisi à la tête des Ouled Slimane le jour de la Moubayâa de l’Emir. A l’âge de 30 ans, le poète, maitrisant le coran, et de surcroît ayant acquis beaucoup de notions sur le droit musulman aux côtés de Sidi M’Hamed El Betiwi, aurait pu être désigné Khalifa s’il avait pris position avec l’Emir. Sidi M’Hamed El Betiwi, alors magistrat et professeur de droit , était apprécié et écouté par les Ouled Slimane. Il est dit que ce dernier avait refusé d’intercéder auprès du Soltane du Gharb pour une aide matérielle en faveur de l’Emir. Contrairement au Goual, le magistrat avait opté pour la neutralité.
A la page 76, en évoquant la cité de Boudjebâa, le village natal de M.B.B.Brahim, il précise :
. »ثم مارس بها في عهد الامير عبد القادر وضيفة القضاء » . Ce qui veut dire que le sieur M.B.Brahim a exercé la fonction de Cadi chez la tribu des Ouled Slimane pendant la période de l’Emir Abdelkader, et ce conformément au jugement signé par ses soins en l’an 1846 soit 1263 de l’an de l’Hégire. A cette assertion, je tiens à préciser que notre poète était fonctionnaire de l’administration Turque, vraisemblablement au poste de mufti d’Oran, et qu’il continua à exercer après la prise d’Oran par les Français. Par décret du 24 septembre 1844 du gouverneur général d’Algérie, M.B.Brahim fut remplacé au poste de mufti par Sid Ahmed Benkaid Omar(Echos d’Oran du 18 octobre 1844). De ce qui précède, nous relevons que le poète était absent de la région de Sfisef de 1832 à 1844. En ce qui concerne le jugement on remarque qu’on peut lire sur le sceau (fig 1) : Province d’Oran.

lettre mostefa ben brahim

Ce qui veut dire que le document a été bien établi sous l’autorité de l’administration Française. A titre de rappel, les sceaux de l’administration de l’Emir Abdelkader étaient gravés en langue arabe.
A la page 77, l’auteur signale que quelques « études » ont fait ressortir que le Goual a quitté les rangs de la résistance pour accepter la fonction de caïd au sein de l’administration Française. Malheureusement , il ne cite pas les sources qui authentifient les « études ».
L’auteur emporté par la subjectivité, n’a pas cessé et sans aucune mesure de positionner le Goual dans la résistance de l’Emir Abdelkader. Ce dernier, n’a jamais répertorié le Goual dans les rangs de son armée et de son administration. L’auteur, termine le chapitre par une conclusion qui laisse le lecteur averti perplexe : « Sans aucun doute, Il était un des cavaliers des Beni-Ameurs qui ont participé à la résistance de l’Emir Abdelkader. » Une conviction qui repose uniquement sur une analyse personnelle faite sur des poèmes du goual, qui n’ont aucun rapport avec la résistance de l’Emir.
Avec beaucoup humilité et de respect, je rappelle à notre historien que le Goual, dès son retour de la ville d’Oran, il occupa la fonction de cadi jusqu’au jour t où il a été élevé au rang de Caïd par l’administration Française pour rejoindre le bureau arabe dirigé par le lieutenant Lacretelle. La mission du caïd au niveau du bureau Arabe, sous l’autorité militaire se résumait à la perception des impôts, le maintien de la discipline et de ramener l’information utile. Le bureau arabe a été installé juste après la reddition de la tribu des Ouled Slimane, c’est-à-dire au début de l’année 1843. La fonction de Caïd, lui permettait d’offrir à ses enfants une éducation pareille aux enfants des colons. Le passage : ’ Que d’actions illustres mes largesses ont accomplies ! Je suis écouté de tout le monde(…)j’ai légué mes mérites à mes enfants qui vivent heureux et respectés’,du poème intitulé « Ô Meyloud, Ô Meyloud », confirme la distinction du rang social qu’occupait sa famille aux yeux de l’administration Française. Son fils aîné Hachemi(fig2), a eu le privilège d’être admis au collège d’Alger, pour ensuite rejoindre l’école militaire et gagné le grade de lieutenant au niveau du corps des Spahis (fig3).

Le lieutenant Brahmi El Hachemi Ben Mostéfa né en 1849 a été nommé chevalier de la légion d’honneur par décret du 08 juillet 1889. Les Spahis, ce corps de cavaliers de l’armée Française a été créé en 1834 en Algérie colonisée avec le recrutement d’éléments exclusivement autochtones. C’est grâce à ces auxiliaires, que la Smala d’Abdelkader a été repérée et détruite par le Duc d’Aumale, fils du roi Philippe. Je préfère ne pas trop m’étaler sur ce personnage que beaucoup de gens essaient de le positionner coûte que coûte dans la phase héroïque de l’Emir Abdelkader, et le comparer au poète résistant Mohamed Belkheir. Le Caïd a fait un choix pour des raisons sociales.  Il a exécuté les directives du bureau arabe en extorquant de l’argent aux membres de sa tribu adoptive gagnée par la pauvreté et la maladie. Aussi, Il surveillait de près les agissements des Ouled Slimane, surtout ceux qui ont accompagné l’Emir au royaume chérifien, et qui ont été autorisés à regagner la tribu , après la reddition de l’Emir. Le Goual n’a jamais fait l’unanimité. Il est mort dans l’anonymat. Les Ouled Slimane n’ont pas exaucé le vœux du Caïd, à savoir la construction de la « Gouba » pour protéger sa sépulture. Le poète était loin de la cause de l’Emir. La preuve est bien indiquée dans le vers 63 Hedda IV du poème ‘ 0 Meyloud ‘ : « Seul LACRETELLE est chef de groupe, placé aux arrières , il tient bien en main ses hommes ». Pas un mot sur l’Emir Abdelkader.
Mohamed Belkheir, n’a pas fait valoir ses intérêts au détriment de la cause. Il vivait avec la troupe armée de Cheikh Bouamama et ce, jusqu’à son exil . A l’exemple de Belkheir, le peuple Algérien a enfanté des poètes aussi vaillants et convaincus. La loyauté, la fidélité, le sacrifice, la soif et la détermination de vaincre, l’amour de la patrie, la fierté de son histoire peuvent être transmises par le verbe qu’il soit populaire ou classique. Ma lecture sur l’Emir Abdelkader, me renseigne que ce dernier ignorait l’existence du Caïd. Moralité Oblige. Le débat est ouvert.

D. Driss REFFAS

 

One thought on “Quand on veut identifier Mostéfa Ben Brahim dans la résistance de l’Émir Abdelkader”
  1. Bonsoir,

    J’ai tendance à vouloir relire, encore et encore, l’entièreté du texte du Dr Reffas. Je le trouve très intéressent. Mes premières lectures étaient « rapides » tout en retenant les aspects importants du thème proposé au débat. Mais l’écrémage du temps Historique m’a obligé à parcourir le texte à la recherche de l’essentiel.

    Le Dr Reffas nous « livre » « l’essentiel » du livre déjà cité par son titre révélateur. Son texte est intéressent justement parce qu’il fait un « choix » sur un thème bien précis (Et non son auteur) : Celui de la personnalité de MOSTAPHA BENBRAHIM.

    A mon avis ce choix très intelligent prouve que le but de Mr Reffas est la critique constructive. D’ailleurs j’approuve sa vision textuelle. En effet ce qui fait la scientificité d’un texte historique n’est « Ni l‘auteur Ni le document mais la méthode (ici Historique)».
    Une lecture rapide et METHODOLOGIQUE, évitant la « subvocalisation », nous force à dire que la personnalité de Mostapha BENBRAHIM et la résistance MILITAIRE font deux ! Sa double personnalité apparait nettement PAR LES TEXTES dans ces poèmes sur l’Ivresse les femmes et……la nostalgie. Il était sous le choc du multiforme de la colonisation. M.B était un homme de POUVOIR mais PAS celui du combat et la résistance plutôt celui de la PAROLE (Il avait une réputation d’un magicien).Son œuvre EST quand a elle un trésor du PATRIMOINE local et national. AZZA AEK a bien compriS ce versant de notre Histoire. Il a récupéré ce trésor mais lui il n’a pas établit une « étude » Historique mais littéraire.

    Mostapha BENBRAHIM était un grand amateur de vin et surtout un grand Don Juan…un artiste ,un « grand » poète, il faut chercher cette « vérité » . Il était peu « soucieux » du combat des Ouleds Slimane mais surtout loin et très loin de l’Emir AEK.
    Merci à toutes et à tous.

Comments are closed.