Dans une conférence organisée le 3 septembre 2014 à la cour d’appel d’Alger, le ministre de la justice garde des sceaux, M. Tayeb Louh, s’est adressé à la presse nationale et par ricochet à l’opinion publique. Il a fait des promesses et des constats: En guise de promesse il s’est engagé à reformer la justice. Tache ardue et difficile de son propre aveu : « il faut mener des batailles et des batailles» avait-il déclaré. Il a indiqué que la réforme préconisée sera menée conformément aux recommandations de la commission nationale de réforme de la justice, redonnant ainsi vie, quatorze années après, au rapport de ladite commission que présidait le défunt Mohand Issaâd et à laquelle monsieur Louh
appartenait, étant à l’époque président du syndicat des magistrats. A propos du parquet il a indiqué que celui-ci connaîtra une réforme profonde “lui permettant de contribuer à l’élaboration d’une politique pénale nationale dans le strict respect de la loi et de la procédure garantissant l’exercice des libertés individuelles et collectives, ainsi que les droits fondamentaux du citoyen. Cela, à travers le renforcement des pouvoirs hiérarchiques de l’autorité judiciaire sur la Police judiciaire”. Et d’ajouter « À cet égard, seront prévus des mécanismes et moyens modernes permettant au parquet d’assumer pleinement ses missions de direction de l’action publique en s’impliquant davantage et en prenant l’initiative dans le déclenchement et la conduite de l’enquête préliminaire. Ainsi en sera-t-il par exemple des cas de violation du respect de la propriété intellectuelle ».
En guise de constat il a invoqué l’accumulation des dossiers non traités au niveau de la cour suprême. Il a avancé le chiffre de 257000 affaires en souffrance. A ce propos il a affirmé que «la réflexion est engagée pour trouver des solutions novatrices au problème préoccupant du volume des affaires pendantes à la Cour suprême devenue, de ce fait, un troisième degré de juridiction». Et que «la réflexion portera aussi sur la possibilité de soulever, à l’occasion d’un pourvoi en cassation, des questions liées à la constitutionnalité des lois».
Le large public à qui s’est adressé le ministre de la justice, par presse interposée, n’est pas sensé comprendre le jargon juridique, repris par les journalistes sans effort de vulgarisation, ce qui rend le discours difficilement compréhensible et donc inaudible. Que signifie en effet une POLITIQUE PÉNALE et qu’est ce qui la différencie, par exemple, d’une POLITIQUE CRIMINELLE ? Que signifie PARQUET et que signifie le terme ÉLABORATION d’une politique pénale ? Est-ce vrai que le parquet élabore une politique pénale ou se contente-t-il de l’appliquer, l’élaboration étant la prérogative d’autres instances ? Quel est le sens de l’affirmation que la cour suprême devient DE FAIT UNE JURIDICTION DE TROISIÈME DEGRÉ ? Est-ce la vérité ou un simple écart de langage ? Que signifie le fait de pouvoir soulever une question de constitutionnalité à l’occasion d’un pourvoi en cassation, ce que l’on nomme ailleurs la question préjudicielle de constitutionnalité (le QPC) et qui constituerait, si par bonheur, il est introduit dans le système législatif et judiciaire algérien, une véritable révolution, un pas de géant vers la démocratie, un renforcement inédit du pouvoir judiciaire, un chamboulement de
comportement et de mentalité présupposant un amendement de la constitution sur la saisine du conseil constitutionnel qui est
actuellement l’apanage de quelques rares institutions. Difficile à croire.
Dans la présente contribution je me propose d’essayer, dans un premier temps, de répondre à ses interrogations et ce, dans un souci
de vulgarisation ainsi que de juger si les promesses faites sont réalisables dans une mandature, puisque trois précédentes ne l’ont pas permis et puisque l’expérience démontre que d’autres engagements, plus solennels, ont été pris mais non réalisés entièrement, en raison justement de la difficulté de l’œuvre réformatrice de la justice – comme c’est reconnu par le ministre Tayeb Louh lui-même. Il est évident que réformer la justice ne peut être ni la volonté ni l’œuvre d’un ministre, aussi sincère et aussi compétent soit-il, mais la volonté de la plus haute autorité et de l’exécutif dans son ensemble. Dans un second temps j’essayerai d’expliquer le chiffre de 275000 dossiers en souffrance au niveau de la cour suprême et quelle sont les causes de ce phénomène de blocage, que j’avais qualifié dans une précédente contribution de sclérose, qui nuit tellement au prestige qui doit être celui de la demoiselle d’El BIAR – (La cour suprême, j’entends, pour l’opposer à la vielle dame du QUAI DES HORLOGES, surnom de la cour de cassation française. Je justifierai plus tard cette opposition à la lumière de la conférence de presse de monsieur le ministre de la justice et je montrerais, par des références, comment cette vieille se maintient toujours en forme, qu’elle vit, qu’elle produit de la norme et de la sécurité juridique et qu’elle inspire plus jeunes qu’elle) – et qui l’empêche de remplir son rôle constitutionnel d’unifier l’interprétation de la loi et de produire de la JURISPRUDENCE au sens stricte. Je tenterais, dans un troisième temps de proposer au débat certaines solutions autres que celles suggérées par le garde des sceaux, après avoir mis le doigt sur les causes du problème.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet et à titre de préambule je voudrais que l’on me permette une petite pédanterie, un hommage et un rappel historique lapidaire, le tout étant imposé par le sujet
La pédanterie : Monsieur le ministre de la justice propose de renforcer l’arsenal législatif pour consolider le rôle du parquet dans l’élaboration de la politique pénale, pour renforcer les libertés fondamentales et résoudre le flux étouffant des dossiers au niveau de la cour suprême. A cela je voudrais répondre, d’expérience, que depuis longtemps on exprime la même volonté. Que cette volonté a été concrétisée par la promulgation de lois organiques et de lois simples régissant les hautes juridictions (cour suprême conseil d’état et tribunal des conflit), que l’ancien code de procédure civile a été abrogé et remplacé par un nouveau présenté comme moderne et révolutionnaire, que le code de procédure pénale a été amendé pour plus de respect de la présomption d’innocence et la protection des libertés. Mais les problèmes sont restés les mêmes malgré la modernité desdites lois et leur adéquation reconnue. J’en veux pour preuve les présentes déclarations de monsieur le ministre, elles mêmes. Pour preuve aussi les déclarations virulentes de Mr Farouk Ksentini président de l’observatoire des droits de l’homme, de monsieur Mohamed Ras-el-Ain ex magistrat et ex président du syndicat nationale de la magistrature, du bâtonnier Sellini ex président de l’union nationale des barreaux, pour ne citer que ces personnes en raison des fonctions qu’ils occupent ou qu’ils ont occupé par le passé. Toutes ces déclarations sont rapportées par la presse et facilement accessibles sur le web. Ceci m’amène à dire, et c’est là ma pédanterie, qu’il est vain de doter une armée de matériel de guerre le plus moderne, le plus sophistiqué si le personnel militaire n’est pas initié au bon usage des armes et qu’il n’est guère étonnant de voir dans ce cas un soldat se tirer une balle dans le pied ou dans la tête d’un camarade. Je citerai ultérieurement, pour illustrer le propos, des arrêts récents émanant de la haute juridiction, assimilables aux coups tirés dans le pied ou dans la tête, qui ne peuvent en aucun cas être justifiés et qui ont été la source d’œuvre jurisprudentielle prétorienne monstrueuse. Priorité donc aux Hommes, science et conscience.
L’hommage : Hommage au Pr Mohand Issad. Sollicité en 1999 pour présider la CNRJ (Commission Nationale de la Réforme de la Justice),
il rend son rapport à la fin de l’année 2000. Le 9 /07/ 2007 il déclare dans un entretien avec le journal el Khabar « Je pense que nous n’avons pas progressé, je pense même que nous avons régressé. Il y a beaucoup de signes annonciateurs d’une régression très inquiétantes». C’était prémonitoire ! Le jeudi 28 /04/ 2011 il meurt amer. Il disait que la reforme de la justice est mise à l’écart faute de volonté politique.
Aujourd’hui on se rappelle du rapport de la commission qu’il a présidé et on déclare vouloir le dépoussiérer et en faire une référence. Hommage outre-tombe. Serait- ce alors la fin de la «régression très inquiétante» qu’il diagnostiquait ? Septique. Mais espérons. Le rappel historique lapidaire : De tout temps, dans l’Algérie indépendante, on a manifesté la volonté de réformer l’institution judiciaire dans l’espoir d’atteindre l’idéale de justice comme on a manifesté la volonté de réformer l’éducation nationale, l’administration, la santé et tout ce qui
est structurel. C’est compréhensible et c’est tout à fait normal; Chaque nouveau gouvernant espère faire mieux que le précédent et veille à laisser ses empreintes. Mais de tout temps on se plaint de la justice, de la santé, de l’éducation, de l’administration et de tout ce qui est structurel. Et c’est aussi normal; Le peuple évolue, devient exigeant et aspire, toujours, à une meilleure justice, une meilleure éducation, une meilleure administration et un meilleur service de santé. C’est le droit légitime à une vie meilleure. Le tout et d’accorder l’action réformatrice avec les aspirations populaires. Mais y arrive-t-on toujours?
En 1999, installation de la commission de la réforme de la justice et rapport soumis à la présidence de la république une année plu tard. En 2004, c’est tenue à Alger une conférence nationale sur la réforme de la justice à laquelle a participé 1200 personnes : Ministres, hauts magistrats, des présidents d’institutions judiciaires étrangères prestigieuses (De France, d’Espagne et de Belgique). Durant cette conférence le ministre de la justice de l’époque à avancé des justifications des maux d’en souffre la justice. Il serait bon d’y revenir. En septembre 2014 on réitère la même nécessité impérieuse de réformer la justice, ce qui est en soi un constat d’échec.
(A suivre)
MEKIDECHE.A
Mr M.A.
merci de le rappeler personnellement je ne savais pas l’usage du mot technique dans les études de droits.
il faut juste rappeler une chose ici en algerie, On n’a pas encore put définir le mot politique pour l’encadrer dans un champs ou domaine d’activité afin de le détacher des secteurs, champs , et domaines qui ne sont pas les siennes. Jésus lorsque les judéen, judéenne voulaient lui tendre un piège, il a répondu « » »Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. » » ..
Dans la chronologie, le Droit doit apparaitre après la politique. c’est la politique qui génère le droit et non l’inverse. la politique peut se définir comme :
« »Tout litige sur un produit ou sur un service unanimement désiré;;
salutation
c’est résumé dans une seule phrase » la justice est mise à l’écart faute de volonté politique ». même si, sournois comme indicatif (volonté politique). c’est d’ailleurs la cause qui a fait que ce vœu ne soit jamais exhaussé. n’est-ce pas plutôt une obstruction politique ! la justice dépend du politique cela préserve une assurance et personne ne veut que ça change dans la sphère. maintenant à chaque mandat il y’a cette voix qui surgit appelant à la reforme montrant une intention illusionniste, ça n’est qu’une ruse, on n’a même pas essayé pour dire qu’on a échoué. l’autorité charge une commission de spécialistes, cette dernière établie un rapport est le mandat est terminé…et attendant la même chanson, le mandat prochain. cette longue durée n’en est pas une preuve ?
Mr Mekideche
je ne suis pas juriste mais je sais distinguer de ce qui est technique de ce qui est idéologique. Le problème ici est technique comme celui d’un atelier mécanique, faudra placer la machine d’une façon particulière pour augmenter le flux de marchandise. Le problème ici est idéologique pourquoi toujours parler du terme Reforme et négliger le terme Développement. Réformer dans le jargon politique chez nous c’est »faire des concessions » Développer c’est a dire se Dresser. avec une simple licence en mécanique ou en droit on ne pourra pas aborder le coté idéologique.
Le problème de la justice n’est pas technique, mais fondamentale et la question qui se pose
»comment faire pour séparer la justice du politique? » Louh appartient au parti politique FLN que fait il dans la justice même avec un double doctorat en droit suivie par un doctorat en philosophie?
Vous avez entièrement raison Mr Karim, en droit le mot technique et primordiale: on parle de technique juridique, de technique de cassation de technique de rédaction…etc, et de technicien du droit (juge, avocat, notaire huissier). Mais à coté il y’a un dogmatisme nécessaire, celui qui conceptualise et pose la norme juridique. Un technicien du droit influence certainement mais n’élabore la regle et n’organise pas les institutions. Celui qui est légitimé pour cela c’est le politique ( exécutif et législatif). Que l’on ai pas confiance en eux cela est une autre question.