Et voilà, je redeviens le forçat…
Alors là , rien avoir avec la tendresse et surtout pas la douceur ; c’est le matin, toujours le matin avant les premiers rayons de chaleur , c’est toujours des engelures aux mains , assez de rage emmagasinée pour la journée , des stigmates dans le regard et pour la cerise un silence de plomb ; y a rien à faire. Ce matin comme les autres circule dans la ville et je le longe affreusement grelottant , non pas de grippe , ni malade , peut être embarrassé de ne plus savoir compter jusqu’à 10 euros, monnaie généralement sur toutes les lèvres depuis la promesse de ne pas recevoir toute la misère humaine , sentence dite par un socialiste , déconcertant …moi je suis actuellement un SDF de métier , rémunéré grâce à la sainte Manche , et à mes yeux de » chien battu ; eh oui , je n’aurais pas cru à cette courbe à vingt ans , la France rêvait mais ne voyait pas que sous ses pieds la vermine creusait , creusait un gouffre de faillite en tous genres ; moi je prenais la dolce vita à la légère , je ne voyais que les caricatures de Plantu qui expliquait , que les scandales du Canard enchaîné aux pots de vin et autres commerce de traite blanche , on peignait les cœurs en rose , on réclamait d’être à poil est plus libre que de protéger le beauté du corps de la rouillure ; et les cathodiques très voraces s’en donnaient à cœur de joie pour nous asséner la gloutonnerie via spot où les ogres des buildings derrière le sourire blanc agglutinaient tous les pouvoirs d’achat , oui le pouvoir de ceux d’en bas…Tout compte fait me voilà à errer , patauger parmi les chats crevés ou les chiens galeux , me disputant une place pour survivre; bien sûr , je suis lettré , j’ai lu ce matin que même l’euro perd sa place , lui même finira par me rejoindre mais lui, il suffit de dépouiller des malheureux pour qu’il retrouve sa superbe …Je ne comprends pas nos gouvernants vont ailleurs faire des guerres , donnent des leçon aux autres , jugent le génocide des autres et ne reconnaissent pas les leurs . Notre devise fraternité justice égalité n’est plus tellement chantée ; on se retourne contre les étrangers sur les lèvres de nos politiques. Bizarre que c’est avec ce Nicolas que tout fout le camp. Avec lui y a pas à dire, on se sent ou colonisé ou SDF. C’est Mamadou, le camerounais qui me l’a dit un matin tôt au passage du camions des éboueurs :
– Mon frère, y a plus à bouffer pour nous, même leur poubelle est recyclée! Y disent y a trop de bouches de métèques à nourrir !
– Hé, çà rigole plus, y veulent même plus des français d’en bas. Ils disent qu’ils sont des bras cassés et des assistés. La race des chômeurs on n’en veut plus , disent-ils ; ils sont foutus dans les égouts de Paris et surtout pas les basanés et les moins blanc !
– Mon frère, y a dans ce camion à faire manger le monde !.S’exclame Mamadou.
– Ce camion rempli les restes des monarques du fric, maintenant ils ne laissent même pas des miettes aux pauvres !
– Hé mon gars, y a aussi des français comme moi, t’en fais, nous sommes tous leurs nègres! Sauf exception qu’ils aiment les nègres intellectuels de service pour qu’ils écrivent ce qui ne va pas au bled en noircissant toujours le tableau et glorifiant les bienfaits de la colonisation . Quant aux autres sans porte parole pour énumérer toutes les humiliations d’être un gars émigré de l’ancienne ou la nouvelle génération quand on s’appelle Ali ou Mohamed .
Mamadou me quitte au pas de course avec un gros rire qui en dit long…
Mamadou, le copain de rue, souvent m’apprend que la vie quand elle vous malmène, c’est qu’au fond elle vous aide à résister à votre misère …mieux que rien!
Pauvre Mamadou, il est coincé. Il ne peut plus revenir au pays, et il vit mal en France. Que faire des gens comme lui …Ils sont brûlés des deux bouts ….Et moi le SDF français ai-je encore une opinion, ma carte électorale sert-elle à faire entendre ma voix ?
C’est bon, les gars ! Maintenant je m’enroule dans mon carton, et je fais le mort.
A demain, pour un nouveau matin…