« Les campagnes électorales sont une excellente occasion de dire n’importe quoi » disait quelqu’un.
Je pensais que dans sa deuxième semaine, la campagne électorale allait atteindre sa vitesse de croisière et nous réserver des pans de programme à même de booster l’électorat. Malheureusement la déception est totale. Outre le désintéressement croissant du citoyen, la platitude publicitaire caractérisée par le vide constaté sur les tableaux d’affichage et des programmes à haute teneur propagandiste semblent dominer les débats. La surenchère dans les promesses les plus surréalistes génèrent les engagements les plus saugrenus, voire des inepties.
Ainsi, hormis la réduction de la durée du service national, tel candidat promet d’allouer une allocation familiale de 10 000 DA par enfant alors que la CNAS frôle l’asphyxie financière; tel autre d’instaurer une indemnité de chômage pour l’ensemble des jeunes, alors que le troisième promet de créer un millions d’emplois. Le plus loquace, c’est que personne ne nous dit d’où viendrait le financement des ces dépenses.
Par ailleurs, le ridicule est frôlé par les candidats dopés par la surenchère. On relèvera cette promesse de celui qui s’engage à créer un syndicat des magistrats, comme si la création d’une organisation syndicale relevait de la prérogative du Président de la République. Un autre promet de réhabiliter les ex-membres du FIS. Si l’on comprend la volonté des candidats de ratisser large dans les franges de l’électorat –celui de l’islamisme étant assez conséquent – ils doivent d’abord mesurer l’impact de leurs projets sur l’avenir de la Nation. En effet, il nous semble que la politique de réconciliation a déjà donné outre meure aux commanditaires et exécutants de la stratégie de terre brûlée, lors de la décennie noire. Reposer le problème équivaudrait à vouloir dire, rétablir le FIS en tant que force politique, le pas est vite franchi.
Celui qui a osé comparer son candidat à un «Dey» ne savait certainement pas que celui-ci à l’air de tout, sauf d’un ange. Les Deys de l’Empire Ottoman, étaient des «Gouverneurs» qui spoliaient, exploitaient et persécutaient les Algériens. C’est le Dey qui a offert les clés de l’Algérie à l’Armée Française. A moins que….
Promettre aux Algériens de re-nationaliser les entreprises privatisées dans le cadre d’un populisme désuet, alors que la Globalisation motive la libre entreprise, veut dire continuer à dépenser en rachetant à un prix plus fort ce qui a été bradé au dinar symbolique. Mais encore une fois, ce candidat ne nous dit pas comment financer ces opérations et comment convaincre de nouveaux propriétaires à vendre dans une économie de marché où le droit international est extrêmement rigoureux. L’affaire de Djezzy en est l’illustration parfaite.
Par ailleurs, il faut signaler également que l’ex-Suisse et néo-Algérien BENOUARI après avoir recouru à l’UE, se retourne vers le Secrétaire Général de l’ONU qu’il vient de saisir par lettre, pour le prier d’intervenir. Qu’il sache que les « casques bleus » sont beaucoup moins dangereux que BHL et consorts.
Il y a même un candidat qui se focalise sur la présence d’un membre du Conseil Constitutionnel à un meeting du représentant d’un autre candidat, remettant sacrément en doute la crédibilité et la neutralité de cette institution.
Ces attitudes sont à l’origine de la défection des citoyens de cette campagne. Il s’agit presque d’un non-évènement. Ainsi, des candidats ont annulé des meetings faute de «Peuple» D’autres utilisent tous les moyens possibles pour ameuter. Les stars du RAI, le transport, le cachet …. Le ridicule a été atteint par ce Directeur de la Santé qui invite les Médecins à une séance de travail sur la politique de santé et qui se retrouvent face au représentant d’un candidat.
Quand les candidats sont otages de la surenchère, outre les promesses et les engagements surréalistes, ils ne sont pas à l’abri de dérives certaines, parfois graves, frôlant souvent l’indécence, voire l’obscène. Tous les moyens deviennent bons. Ainsi, Le Fameux Colonel Benchérif ex-patron de la Gendarmerie Nationale pendant une quinzaine d’années, similaire au cas de Yacef SAADI, pliant sous une sénilité sans doute profonde, ose déclarer que le candidat Président n’obtiendrait pas 10% des suffrages, s’il n’y a pas fraude ; en précisant que même Boumediene n’avait obtenu en réalité que 12% ! Moi, ce qui me chagrine, c’est que tous – sans exception – retrouve la langue, une fois qu’ils aient fini de téter à la vache. Pourquoi, M.Bencherif n’a-t-il jamais dénoncé la fraude, plutôt que d’y participer en faisant bourrer les urnes dans les casernes des Gendarmerie. Je crois qu’il est très mal placé pour venir aujourd’hui, agiter un téléphone portable avec lequel il aurait appelé plusieurs fois le Président qui serait «inconscient!» et …. Appeler à voter BENFLIS qui serait un homme honnête. Il est de son droit le plus élémentaire de soutenir le candidat qu’il veut, mais il n’a pas le droit aujourd’hui de venir se refaire une virginité, lui qui doit avoir beaucoup de choses à se reprocher durant l’Etat policier dont il était l’instrument le plus efficace.
M. BENCHERIF n’est pas le seul rejeton du système qui se met en évidence. Il faut dire que ces Présidentielles ont eu le sacré don de faire parler y compris les membres de la «Muette»
Ainsi, outre les ex-officiers supérieurs qui se sont déclarés candidats avant de se retirer faute de signatures suffisantes, ils se mettent tous à découvrir que le Système qui les a faits, nourri, et rentés pendant 50 ans, est corrompu, sale et affreux.
L’exemple de l’ex-général Mohand YALA met en exergue ses dons d’épistolier en déclarant dans une lettre à J. KERRY le secrétaire d’état Américain : «Les gouvernements algériens successifs n’ont malheureusement pas réussi à créer les conditions d’une gouvernance démocratique pérenne et, aujourd’hui, les institutions de l’Etat sont construites sur la corruption généralisée et le mensonge. Le mensonge d’une démocratie de façade, qui ne respecte pas la volonté des citoyens de choisir librement la forme de leurs institutions et leurs dirigeants par le trucage systématique des élections L’absence de transparence totale dans la gestion des deniers publics, qui sont détournés massivement pour alimenter les corrompus et leurs corrupteurs, est au détriment du développement du pays. La fraude annoncée pour l’élection présidentielle prévue le 17 avril prochain en atteste encore une fois.» Sauf votre respect, Mon Général, ce Système est le même que celui qui vous a permis de gravir un à un les grades de la Hiérarchie Militaire de Capitaine, jusqu’à Général. Les modes de scrutin sont les mêmes et au même titre que votre collègue BENCHERIF, vous vous consacriez sérieusement à émettre des directives à l’intention des bidasses des casernes que vous commandiez, pour bourrer les urnes avec un seul bulletin.
Lui emboîtant le pas, un autre ex-Général, M. BENHADID déclare dans une longue analyse de la situation actuelle du Pays : «Une caste politico-affairiste met l’économie en coupe réglée et se maintient au pouvoir, recourant à des manipulations qui ont culminé pendant la terrible décennie noire des années quatre-vingt-dix, aux cicatrices encore à vif.» (sic)
Enfin trois petites choses qui attirent forcément l’attention :
– D’abord, aucun candidat n’aborde dans sa campagne, l’actualité. Ni les évènements de Ghardaïa qui pourtant sont à l’ordre du jour, suite aux prêches répétitifs d’un « cheikh » qui appellent sur la chaîne religieuse Saoudienne « IKRA » au meurtre des ibadites, en déclarant leur assassinat licite, étant selon lui des «khawaredj». Le plus bizarre, c’est qu’à chaque fois que le serment passe sur cette chaîne, les affrontements reprennent de plus belle. Ni les émeutes, ni la position sur les affaires étrangères et notamment le Sahara Occidental ;
– Ensuite, les programmes des candidats ignorent superbement la politique sportive qu’ils envisagent d’adopter.
– Enfin, rares sont ceux qui soulèvent le problème de l’éventualité de la fraude, ni du refus de l’UE d’envoyer des observateurs, prétextant l’information lui étant parvenue en retard.
– La seule distraction dans cette campagne, reste les « perles » entendues. Ainsi, une représentante d’un candidat nous annonce «notre parti se fixe deux objectifs principal» (je ne sais pas s’il faut mettre un « s » ou pas), alors qu’un autre veut améliorer la «formation universelle» (pour universitaire) et des «formations à « haut » valeur ajoutée»
En tout état de cause, «l’année transparaît à partir de son automne» dit l’adage arabe. La campagne est morose, trop morose. L’issue est donc peu sujette à l’euphorie.
djillali@bel-abbes.info.