«LE PARADOXE ALGÉRIEN!»

Il est peut-être judicieux de revenir sur l’actualité football à travers la Coupe du Monde et les prestations des Verts qui certainement nous inspirera sur le développement de notre problématique.
Il se trouve que concéder une défaite par la plus petite des marges face à une des meilleures équipes d’Europe du moment, est considéré par les grands professionnels de la presse nationale comme une «débâcle.» Quand je vois que le tenant du titre, l’Espagne se fait et éliminer au premier tour, à l’issue de son second match et que la démission de Del Bosque est refusée par sa Fédération; quand le Coach de l’Angleterre également éliminée est maintenu à son poste jusqu’à 2018 et enfin quand la grande Italie se voit balayer par un Costa Rica, je me demande comment expliquer cette « mégalomanie » de nos journalistes et le degré de leur professionnalisme. La liberté de presse et l’ouverture du champ médiatique a généré la création de nombreux journaux, où il est difficile de discerner entre les professionnels et les autres. Quand on constate qu’un « journaliste » déclare sur un plateau de télé s’adressant à Belamri, joueur de la JSK : « Entre toi et Cadamuro, il n’y a pas photo, tu es vraiment très loin ! » il y a de quoi se poser des questions sur le « professionnalisme.» Si la victoire de l’Algérie face à la Corée a amené Mourinho à reconsidérer son constat initial, se mettant d’un coup à encenser les Fennecs, les supporters voient déjà leur équipe en ….finale !

En fait, ce comportement trouve sa genèse dans le vécu de chaque Algérien.
Celui-ci a vécu en deux temps : Le premier concerne la première génération qui, élevée dans une politique socialiste bercée par un patriotisme chauvin générant une surdimension de l’ego. Malgré l’absence de liberté, l’Algérianité demeurait un critère sacré. Dès les années 80, rien n’a changé et les évènements connus par le Pays loin de remettre les choses en place, ne firent qu’accentuer la fracture sociale avec la rente en sus de la prétention. Finalement, en plus de la fibre patriotique et de la culture de la rente, s’adjoint les effets du terrorisme qui induiront une génération imprégnée d’une forte dose d’agressivité.
Au bout, un Peuple qui ignore tout de la vertu travail et une gouvernance minée par la corruption, le dilettantisme, le népotisme, le trafic d’influence etc…
L’Algérien se trouve donc aujourd’hui vivre dans les plus incompréhensibles des paradoxes: Marqué d’une part par le chômage, mais bénéficiant d’un part de la rente à travers l’ANSEG, l’ANGEM et autres DAIP, CTA etc… La cherté de la vie et l’impossibilité de s’assurer un repas équilibré du à l’inaccessibilité des prix de produits de première nécessité et notamment les viandes (rouges ou blanches) expliquent mal cet engouement au niveau des étals des marchés et la propension aux voyages, y compris pour supporter l’équipe nationale aux confins du monde.
Les libertés individuelles acquises, n’ont pas à ce jour permis au citoyen de recouvrer totalement sa dignité. Quand le témoin au niveau de la justice est toujours traité comme un criminel, quand un magistrat se complaît à insulter des accusés, quand un policier rudoie un citoyen, lui manquant de respect, cela relève de la formation et de l’éducation. On constate que le citoyen se démobilise de la contribution à la justice en préférant s’abstenir que de dénoncer ou témoigner pour éviter d’avoir à faire à la justice, sachant qu’il sera traité au même titre que l’accusé. Dans les Pays qui se respectent, le témoin bénéficie d’une large protection y compris dans l’identification des criminels, alors que chez nous, la confrontation directe met en danger permanent le témoin paisible. Ceci n’est qu’un exemple ; les paradoxes s’accumulent à tous les niveaux.

Le patriotisme est excellent pour un Peuple. C’est même un critère fondamental dans sa survie. Mais une telle qualité ne doit pas se limiter à arborer les couleurs nationales et déambuler dans la rue à chaque victoire de l’équipe nationale, à danser spontanément dans un studio de télé, comme il ne doit pas être trahi comme a osé le faire Guendouz au niveau du plateau de Dubai Sport lors de l’analyse du match Algérie Corée du Sud. Alors que les autres intervenants (un Egyptien et un Qatari) ne manquaient pas de mettre en valeur la bonne prestation des Verts, notre Mahmoud national, se torturait les méninges pour minimiser la victoire et trouver toutes les faiblesses inimaginables de l’équipe. Finalement, l’animatrice a préféré l’éconduire poliment au milieu de l’émission, pour continuer le débat uniquement avec ses deux autres invités. Aigri, oui on peut le comprendre, mais pas au point de renier sa Patrie. Cet exemple met en exergue le soupçon dans la sincérité de cet acte de patriotisme qui frise le chauvinisme parfois.
Ceci peut nous emmener à déduire que souvent cela pourrait refléter un besoin d’identification, comme on le note avec insistance dans le comportement de nos compatriotes émigrés de la seconde génération. Rejetés totalement par la société d’accueil dans des ghettos urbains, des espèces de favelas, les jeunes Beurs dont beaucoup n’ont jamais eu l’occasion de voir l’Algérie, manifestent ouvertement leur appartenance à une nation qu’ils n’ont pas. Ce sentiment peut également être retrouvé en Algérie même: Coincés entre un présent lourd d’embuches, sans perspectives et des lendemains incertains, les jeunes trouvent dans l’excès de patriotisme à travers les résultats de football (seule réjouissance ?) un moyen de s’affirmer devant les autres nations.
Le Patriotisme doit se refléter chez le Peuple, à travers le travail pour développer son Pays, à travers le respect de son environnement, à travers le payement de ses impôts, le respect de la Loi.
Le patriotisme doit se refléter chez les Gouvernants par l’abnégation, le dévouement, le respect des valeurs, des droits de l’homme, de la liberté d’expression, le respect de l’alternance, le développement du Pays et l’abrogation de la rente. Il doit s’exprimer par la fourniture des loisirs et de la culture, à améliorer le cadre de vie du citoyen, la santé et l’éducation.
Quand tout cela sera réuni, le Peuple pourra alors défiler à loisir avec l’emblème national dans les rues, car l’équipe nationale aura les moyens d’aller en finale de la Coupe du Monde.

En attendant, les paradoxes continuent. Alors que le Peuple vit dans la joie du football, Ramadan sera là Samedi ou dimanche. Ce mois sacré censé être celui de la piété et de la générosité, sera finalement celui de la cupidité et de l’égoïsme. Les commerçants ont déjà commencé à doubler les prix sans oublier de pointer à la première ligne de la prière des Taraouih, le Peuple ne s’empêchera pas de rafler les étals chaque jour durant tout le mois quitte à s’endetter, et ne se préoccupera nullement du voisin, ni du voyageur itinérant. Les poubelles se rempliront trois fois plus, les nantis se disputerons les fameux « couffins du ramadhan » alors que les pauvres préfèrent crever de faim, pour conserver un tant soit peu leur dignité. C’est dans leurs gènes. Alors que le citoyen se plaint de ne pouvoir manger à sa faim, cela n’a pas empêché le parc roulant national de décupler. 69 morts et 1629 blessés en une semaine soit 9,8 morts et 237 blessés par jour !

Saha Ramdankoum, chers Lecteurs !

djillali@bel-abbes.info.