Ah ! Pour les Algériens de France, le passeport biométrique se mérite. Tant espéré, il est un sésame qui réclame des sacrifices. C’est bien normal, n’est pas Algérien qui veut ! Pour en faire la demande et l’obtenir au bout de plusieurs semaines, laissez tomber la couette et vivez une ou plusieurs nuits pas comme les autres. La preuve par l’exemple…
Dès potron minet, que dis-je, en pleine nuit nous voici dans les frimas de ce début d’hiver tapant des pieds le macadam luisant d’humidité, les uns derrière les autres, en file indienne pour attendre l’ouverture à 9 h du matin du Consulat d’Algérie de Nanterre.
Ainsi, petites chaises et tabourets permettant une attente moins fatigante, couvertures et coiffes en tous genres, les voici mes compatriotes tout emmitouflés. Affrontant les caprices du temps, courageux, la plupart de mes concitoyens Algériens qui attendent comme des oiseaux de nuit tenaces sont là pour déposer le dossier de demande du passeport biométrique. D’autres, mêlés aux premiers, viennent aussi dès le point du jour pour espérer faire des démarches différentes mais tout aussi exténuantes. Drôles de nuits de veille…
En ce mois de novembre 2015 et pour la saison, la température diurne est somme toute clémente mais le mercure nocturne lui ne pardonne pas. Nos articulations peinent à se réchauffer malgré le rapprochement des corps, le petit noir dans des gobelets en carton que certains rapportent et les jambes qui trépignent. Sous les réverbères blafards, l’air humide, le temps froid, longue sera l’attente du jour qui n’arrivera que dans plusieurs heures. La grille du Consulat, elle ne s’ouvrira qu’au matin clair. Alors dans cette brume saisissante de froid, il faut prendre son mal en patience. Et heureusement qu’il ne pleut pas…
Oui mais laissons tomber la météo ! Tous ceux qui attendent sur le trottoir si tôt le matin pour faire leurs démarches administratives au sein de leur Consulat « préféré » en profitent pour exprimer à leurs concitoyens de proximité et compagnons d’infortune un ressentiment aigre, acide et s’ils le pouvaient vengeur. Ainsi, tout au long de la chaine d’attente, avec les voisins de trottoir il se forme des petits groupes qui discutent. C’est en général un homme qui mène les débats dans chacun des petits forums. Les sujets de cette nuit d’attente tournent invariablement autour de la situation en Algérie, de la désorganisation, du mépris et du manque d’égards voire de la violence de l’accueil des administrés par les personnels du Consulat. Dans cette acrimonie générale et sans retenue, chacun y va de son analyse, de ses remèdes et de ses critiques. Il faut dire que dans cette situation nocturne où l’attente si inconfortable fait souffrir les corps, les citoyens Algériens se sentent dévalorisés, démonétisés quand bien même la plupart pensent au contraire que ce sont les personnels de l’administration consulaire qui sont défaillants. Ils pensent même que ces personnels sont « défectueux » et incapables de concevoir une ergonomie intelligente et efficace. Ils sont sûrs qu’il y a une autre méthode pour résoudre dans la dignité tous ces ratés de l’administration consulaire. Une administration si bien rémunérée dit-on.
Mais revenons à la chaine d’attente et au froid qui pique. D’abord, pour tous ces citoyens, jeunes valides mais aussi femmes enceintes avec ou sans enfants, vieillards, handicapés et autres personnes malades, ne pourrait-on concevoir un espace plus respectueux de la dignité de chacun ? N’est-il pas envisageable d’aménager des espaces voire un simple préau à l’intérieur du Consulat côtés jardin et parking afin de faire éviter les intempéries et le spectacle affligeant de ceux qui attendent dehors l’heure d’ouverture. Un parking pour les véhicules de ces messieurs dames du Consulat méritent-ils mieux que leurs compatriotes qui attendent dehors dans ces conditions si dégradantes ?
Et ce n’est pas tout. Pour que le voisinage, autrement dit pour les Français bon teint, et tous ceux qui passent en voitures n’aient à regarder ce cirque, ne vaut-il pas mieux dissimuler avec tact la foule des citoyens dignes que l’on transforme par cet abandon à l’extérieur du Consulat en bœufs qu’ils ne sont pas ?
Je me demande d’ailleurs si la foule devenue spectacle nocturne et matinal si désolant en forme de queue de dragon qui s’étire loin, loin sur le trottoir le long des pavillons ne finira pas en plaintes multiples et justifiées venant des occupant des maisons tranquilles alentours.
À tout le moins, les habitants du pourtour consulaire ont toutes les nuits de quoi se gausser ou nous plaindre d’être si maltraités.
Combien d’Algériens de toutes conditions, de cadres, de médecins, d’étudiants talentueux, de chefs d’entreprise et j’en passe sont exposés à des regards faussement indifférents mais qui n’en pensent pas moins. À leurs yeux nous sommes le peuple gnou alors que dans les Consulats des pays des Impalas et springboks les choses semblent tellement mieux organisées pour leurs compatriotes.
Alors les suggestions ne manquent pas. Tenez par exemple, pourquoi le Consul ne peut-il prévoir un veilleur de nuit laissant pénétrer les prétendants aux formalités consulaires dans l’enceinte consulaire aménagée avec sièges et pourquoi pas une buvette payante ? Pour les usagers ce serait sans doute d’un meilleur goût. Une enceinte où même une femme seule se sentirait en sécurité.
Autre idée, pour absorber l’afflux des demandeurs du passeport bio puisqu’il est vert, n’est-il pas possible de renforcer les équipes d’accueil pour vérifier lors du dépôt les dossiers des demandes puisque c’est le gouvernement qui exige de n’avoir plus que cette pièce pour entrer en Algérie ? Car au fond, pour cette opération qui fait tant souffrir, il ne s’agit que de déposer les pièces requises, prendre la photo règlementaire et payer 60 €. Pourquoi tant de misères ? Après la danse du 12 S voici celle macabre du passeport biométrique.
Mais patientons jusqu’à 8 h 40, heure à laquelle un fonctionnaire du Consulat faisant office de vigile déverrouille la grille d’entrée pour voir comment subitement la foule essayant de garder un semblant de chaîne respectueuse se densifie à l’entrée avant de devenir carrément compacte. Dès les premiers mouvements, tous ceux qui peuvent jouer des coudes n’hésitent plus. La situation avant de déraper comme souvent, devient illisible, incompréhensible pour le commun des demandeurs ossifiés par le froid mais avec les nerfs chauffés à blanc. L’étincelle peut arriver à tout moment !
Enfin nous pénétrons dans l’enceinte du Consulat pour ensuite arriver à l’entrée du bâtiment proprement dit. À cette entrée il y a un sas qui n’est plus là pour la sécurité mais c’est l’ouverture par laquelle nous arrivons enfin dans la moiteur de la température si bienfaisante de la première salle d’accueil. Jusque là, nous sommes pressés mais nous ne perdons rien pour déchanter car nous arrivons à la queue leu leu devant l’agent véhément qui distribue derrière son comptoir d’accueil le ticket numéroté nous permettant d’accéder enfin au service de nos phantasmes : l’étage des passeports. Ce ticket gagnant n’est offert que pour les heureux bénéficiaires venus aux aurores.
Mais très vite par le nombre de ceux qui nous ont précédés, on nous signifie que tous les tickets du jour ont été distribués… Moment de détresse extrême. Non, non, on nous explique qu’il n’y a pas de quoi se mettre martel en tête puisque le voisin de l’agent d’accueil peut nous proposer un RDV. Chouette ! Mais là aussi il faudra faire la queue…dans le désordre. Et le RDV que l’on nous propose, à prendre ou à laisser est pour…le mois de mars !
Comme les autres, j’arrache mon RDV et curieux je décide de monter aux étages voir comment cela se passe. ..
Là haut, une foire d’empoigne où les éclats de voix sont monnaie courante et les incompréhensions entre les uns et les autres assez systématiques. Des fonctionnaires peu didactiques, peu conciliants et pour certains, pas tous, arrogants par pure bêtise. Il n’est pas rare qu’un administré pose une question et qu’on lui réponde sur un ton désolant et abêtissant. Le petit agent du Consulat ne se demande jamais si la personne qui est devant lui est peut-être professeur de médecine ou très talentueux dans son domaine professionnel. Que voulez-vous, depuis toujours, lorsque nous rentrons au Consulat, point de considération.
Il n’y a pas que les regards goguenards du petit matin sur le trottoir que l’on doive endurer, nos agents consulaires nous prennent eux aussi souvent pour des gogos, nous les Algériens de France !
Le Consulat est le seuil de l’Algérie et l’on voit bien que ce pays qui est le notre, pas exclusivement le leur, n’aime pas ses citoyens et encore moins ses élites. Surtout celles de l’étranger. Décidemment la reconnaissance ne vient toujours pas de leurs…représentants.
Finalement, de guerre lasse j’ai accepté le RDV pour déposer l’année prochaine ma demande de passeport new look, observé le psychodrame à tous les étages, entendu les noms d’oiseaux qui fusent et je repars la tête basse, amère mais non sans avoir salué certains de mes compagnons de la nuit. Une nuit qui m’a fait connaitre sous un autre… jour, mes compatriotes valeureux, patients, généreux, nerveux et solidaires. Formidables mes concitoyens, pas les fonctionnaires censés être à leur service.
Au pays de l’irrespect, petites chaises et tabourets ont servi à attendre dans le froid de la nuit ceux qui ne méritent même pas un strapontin dans l’administration d’un pays sous-développé.
Si el Agby
bonjour ,
pour nous autres algeriens de france et français d’algérie les choses étaient simples. Nous pouvions rentrer dans notre pays d’origine avec un carte d’identité algérienne ( El khadra , cout 1 euros , valable 10 ans et obtenue dans la journée au consulat). On nous interdit de rentrer dans notre propre pays d’origine depuis le 1 janvier 2016 avec cette carte d’identité et on nous oblige à presenter un passeport biometrique algérien ( cout 60 euros , valable 10 ans et obtenu au bout d’un mois et demi minimum à condition d’avoir un dossier solide avec 12 s et groupe sanguin svp…). L’administration algérienne nous parle de réciprocité alors qu’on peut rentrer en france uniquement avec notre CIN francaise . Pire , la police algérienne des frontieres nous oblige à présenter notre CIN Française lorsqu’on doit quitter le bled.. je me suis donc résigné à faire un passeport algérien qui ne me servira que pour aller à Oran une fois par an . Je ne vais pas renouveler ma CIN algérienne qui ne me sert plus à rien … Mes enfants ne veulent plus entendre parler de voyage en algérie, surtout s’ils doivent aller faire un visas au consulat ( cout 80 euros et angoisse garantie). Moralité , au lieu de nous rapprocher , l’administration algérienne nous divise.
Salut tt le monde,
C’est un pouvoir de corrrompus et lorsque vous avez affaire a ce pouvoir, il suffit de glisser des sous pour passer avec une feuille de papier vide. Pire ce pouvoir ne fait rien pour ameliorer la vie et le quotidien des Algeriens et on n’est pas classe parmi les derniers pays pour rien