BEL-ABBES INFO

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Chronique du jeudi: LE PATRIMOINE A SON MOIS, COMME LA FEMME SA JOURNÉE ET LE SILENCE SA MINUTE.

ByDjillali C.

Déc 10, 2015

En 1985, mon DG de l’époque m’a un jour, demandé de l’accompagner pour  une visite de locaux que le Wali a bien voulu mettre à la disposition de l’entreprise pour héberger son service social. En cours de route, il ne cessait de vanter l’espace que nous allions occuper et qu’il fallait veiller à fournir des prestations à la hauteur de moyens mis à notre disposition. Arrivés à destination, je découvre abasourdi que les lieux en question, n’étaient autres que le Château Batiste alias Napoléon sis au Ronsard.

Je me souviens que ce jour, je fus frappé par la plaque en marbre qui trônait sur un côté de la porte d’entrée et qui disait à peu près ceci : «ici, dans la chambre du premier étage, Napoléon III passa sa nuit du  ….» En fait de visite, il me semblait que je déambulais dans les ruines de Mossoul ou Damas après les bombardements des alliés. Tout était en ruines et les seuls murs qui tenaient encore, menaçaient de suivre pour compléter l’hécatombe.
À la fin de la visite, le DG qui me semblait fort dépité, me disait d’un ton ferme : «Non, il n’est pas question qu’on prenne cet édifice!» alors que je cogitais sur son attitude lésine et pinailleuse, du fait des lourds et couteux travaux que nous devrions entreprendre, il fit bon d’ajouter: «C’est un patrimoine national à préserver. Ce serait un crime que d’en faire une administration. Je vais voir le Wali pour ça.» Je ne sus ce qu’il fit avec le Wali, mais quelques temps après, je fus sidéré de voir les Douanes s’installer fièrement et en faire de la cour du château, un dépôt pour les voitures saisies pour avoir servi à la contrebande.

Bien avant cet évènement, dans les années 70, alors qu’on lézardait à la place Carnot, un weekend de vacances après la semaine de labeur à l’Université d’Oran, mon ami levait la tête et me dit d’un air fort surpris : «Eh, mais où est passée la fresque?»   «Mais quelle fresque?» dis-je.  Il répond d’un air choqué : «Mais celle sur le fronton du théâtre?» Je levais les yeux et je découvre avec stupéfaction, qu’effectivement la belle fresque de mosaïque avait disparu. Nous apprîmes bien plus tard, mon ami et moi, que son sort, ainsi que celui de sa jumelle sur le fronton du palais de justice d’en face, avaient été scellés par  décision du Mouhafedh du Parti unique, pour leur «immoralité» et «non-conformité avec nos constances nationales »

À entendre cela, John Ruskin (1819-1900) devait non seulement se retourner mais carrément se débattre dans sa tombe, lui qui avait déclaré d’un ton solennel : «La conservation des monuments du passé n’est pas une simple question de convenance ou de sentiment. Nous n’avons pas le droit d’y toucher. Ils ne nous appartiennent pas.»

Depuis ces moments, j’ai alors compris que si dans le haut niveau, on ne gère pas un patrimoine, on capitalise; dans le caniveau, on ignore, alors on «rurbanise».  J’ai compris aussi qu’il ne suffit pas de partager un patrimoine commun, encore faut-il vivre dans le même monde.
Quand on déambule aujourd’hui dans les rues de Paris, on se plaît à compter les pavés qui ornent les artères de la ville, alors que celle qui se veut sa réplique, le Petit Paris, languit et pleure ses beaux atours que jadis, lui conféraient notamment les pavés de la Route de Mascara et ceux de l’avenue  Théodore Héritier, pour ne citer que celles-là.

Pour échapper du labyrinthe, Dédale eut recours à la cire pour fabriquer des ailes dont il équipa son fils Icare. Des artistes ont voulu immortaliser cet épisode à Sidi-Bel-Abbès par une très belle statue qui trônait majestueusement à la place du Petit-Vichy. Cette place tenait son nom du fait qu’elle abritait la représentation du Gouvernement de Vichy au niveau de la Colonie Française. Même Le Maréchal Pétain trouvait normal que si Paris abritait son gouvernement à Vichy, le Petit Paris devait en toute logique, abriter le Petit-Vichy, au niveau de l’ex-DAT. Si Sidi-Bel-Abbès constitue le symbole de la colonisation, la place du Petit Vichy aura été le fief colonial du Fascisme Mondial pour avoir abrité la représentation du Gouvernement de Pétain en Afrique du Nord. Tout comme le « Camp de Baudens » est le symbole des « camps de concentration » que le colonisateur a érigé en Algérie.
Mais des ignares obscurantistes qui purent accéder au pouvoir local, crurent bon, non seulement de subtiliser la majestueuse statue  de la chute d’Icare, mais carrément détruire le monument de la mythique place de la patte d’oie, pour la remplacer par une hideuse monstruosité. Comment dans ce cas, attendre que la patrimoine soit la mémoire de l’Histoire d’un Peuple, d’une Nation?

Les châteaux Saint Augustin, Batiste et Perrin ; la Gare de l’État, la place du Petit Vichy, la statue de la chute d’Icare, les Pavés, tout a disparu. C’est probablement ce qui a poussé la conscience des citoyens à réagir d’abord de manière confuse pour enfin converger vers une structure organisée et associative.
Cependant, il n’est guère reluisant de constater que nos amis de l’association se trouvent piégés dans le constat formel et le  fait accompli, la réaction n’intervenant qu’après dégâts irréversibles. C’est le cas notamment du jardin public, du lac de Sidi-M’Hammed Benali et tout récemment de l’école d’Agriculture dont les dernières « destructions » font l’actualité.

La situation devient de plus en plus grave et les derniers registres de l’Etat-civil de la Ville et son Pedigree sont en train de   disparaître totalement. Il devient urgent de proposer un plan d’action, le débattre en assemblée générale, le valider et le mettre en œuvre avec les moyens appropriés et en utilisant tous les moyens que la Loi permet.

Persister à réagir sporadiquement sur la base de constat, à titre individuel notamment sur les réseaux sociaux, équivaudrait tout juste à faire valoir des pleurnicheries et jérémiades passagères qui ne feraient que faire sourire jaune les tenants du pouvoir et attirer l’apitoiement des jeunes filles, en mal de sentiments. Si c’est le choix retenu, alors je préfère sincèrement demander à ses jeunes filles d’observer une minute de silence chaque 8 mars, journée de la femme, à la mémoire du Patrimoine, au lieu de lui consacrer un mois inutile…..

djillali@bel-abbes.info

4 thoughts on “Chronique du jeudi: LE PATRIMOINE A SON MOIS, COMME LA FEMME SA JOURNÉE ET LE SILENCE SA MINUTE.”
  1. Salam.
    Dans une société comme la notre ou la différence entre mémoire et Histoire n’existe presque pas ! Un débat sur le patrimoine local nous prouve encore une fois que le passé est un phénomène encore vivant et donc présent mais surtout passionnel. C’est pourquoi les questions de sa place et son devenir doivent être posés de manière objectives et surtout avec une distance critique qu’importe les risques que cela comporte.

    C’est vrai ,comme le souligne si bien, Si ABDEDAIM que la politique de Napoléon III ,était l’enjeu même de sa visite et qu’il ne faut surtout pas se dérober de l’enjeu initial. Et c’est vrai aussi,SI DJILLALI ; que ce patrimoine -qu’on le veuille ou pas –.est la mémoire de notre ville .
    Cependant, il y’a des lois de la république (loi 98-04) avec 106 art qui sont censées assurer la protection du patrimoine .

    Personnellement, j’ai tout simplement voulu mettre les bœufs AVANT la charrue pour dire que les biens culturels (notamment les monuments historiques) doivent présenter un intérêt d’un point de vue de l’Histoire (en plus de l’archéologie,Architecture,Art..).Voilà pourquoi,le MENSONGE de la plaque de marbre avec l’intention de nuire est si IMPORTANT.

    Bon ! C’est vrai qu’on a passé beaucoup de temps (plus d’un demi-siècle) à réfléchir sur : Comment passer de la période de la préservation de l’héritage historique coloré d’une instrumentalisation idéologique à une période d’adaptation et d’INNOVATION ? Cela a conduit aujourd’hui, certains a une politique de détournement de sens et d’autres à vouloir tout simplement « oublier » la période dite coloniale.

    Votre DG de l’époque Si Djilali (ou plutôt Mr le Wali) a quand même trouvé une solution « provisoire » ! Et c’est à « nous » maintenant de chercher une solution durable.Nos voisins tunisiens,ont tranché avec : Le patrimoine immobilier = plus de 100 ans ! Ils n’ont donc pas chercher le thématique compliqué mais tout simplement le chronologique.Mais,c’est vrai que l’Histoire nous dit (encore une fois) que la Tunisie n’est pas l’Algérie !

  2. Aux bons soins de Karim 10.
    Nous nous devons de faire la mise au point qui suit, pour éviter de détourner l’attention du lecteur sur des accessoires qui n’ajoutent , en rien, à la clarté d’un texte se suffisant à lui- même . Une plaque en plus ou en moins , qu’elle corresponde à une réalité , ou qu’elle soit l’imagination débordante d’un apocryphe ne contribue aucunement , peu s’en faut, à la restauration d’un patrimoine qu’il faut impérativement préserver d’un délabrement délibéré , eu égard à l’indifférence d’une Administration , ne se focalisant que sur l’attrait du clinquant et du présent. Permettre au Général- Empereur de  » péter sous des draps de soie brodés par la mère Bastide  » , dans une enceinte ne pouvant être considérée comme  » château » , en quoi l’histoire est enrichie? Le sujet traité sérieusement par son rédacteur ne portait que sur le désintérêt de toutes les autorités quant à la prise en charge d’une responsabilité qui a valeur d’un repaire fondamentalement culturel. Mais si on voulait coute que coute , revenir à l’histoire telle que nous devons l’entendre , il eut fallut disséquer , tout d’abord , la politique du Royaume Arabe de Napoléon III , après la parution des  » Sénatus Consulte de 1863 et de ses conséquences , qui ne sont que les démembrements des terres des tribus , menant tout droit à la politique dit du  » cantonnement  » instaurée sous l’égide du Général Gouverneur Mac- Mahon. C’est de cette politique que le Général- Président est venue s’enquérir de sa bonne exécution , à SIDI- BEL-ABBES ville étant choisie en la circonstance pour exemple à suivre, une citation du Docteur Warnier de sinistre mémoire est à notre point de vue largement significative et j’en termine. CITATION » »avec la propriété individuelle( démembrements des terres des tribus ancestrales) , l’impôt foncier obligera l’Arabe à se cantonner sur des espaces restreints et à vendre le reste À DES NOUVEAUX VENUS ( à savoir le colonat composé d’un ramassis de déclassés français, d’espagnols ou de maltais etc )….au moins quand les arabes auront vendu, contre beaux deniers, les terres dont ils sont aujourd’hui propriétaires , ils ne pourront plus se plaindre de spoliation. C’est là un immense progrès dû à l’initiative personnelle de l’Empereur dont la COLONISATION lui sera éternellement reconnaissante . Fin de citation…….C’ÉTAIT LA PORTÉE DU SÉNATUS- CONSULTE DE 1863 , objet de la visite de revirement politique testé en ce temps à SIDI-BEL-ABBES …..—«  »alors les ors et les lambris , laissez- les aux nostalgiques d’une noblesse en déchéance depuis 1789.
    Un petit pan d’histoire étant nécessaire pour donner plus de lustre aux propos du rédacteur de la chronique qui a voulu mettre en exergue l’indifférence de l’Administration pour ce qui est de la préservation d’un patrimoine en déshérence . N’imputons pas tout à la besace de l’histoire, elle finira par imploser sous le poids d’anecdotes et autres colifichets chers au maraboutisme.
    Pour l’association , espoir pour la sauvegarde du patrimoine architectural, culturel et environnemental (par abréviation E.S.P.A.C.E. )

  3. @Bonjour Djillali.
    Cette plaque en marbre sur laquelle était écrit : «ici, dans la chambre du premier étage, Napoléon III passa sa nuit du ….(18/05/1865)».Je vous le dis tout de suite . Ce n’est pas une histoire vraie ! Encore moins une légende,c’est un mensonge !
    L’ Empereur président a passé la nuit à l’Hôtel de la subdivision militaire, exactement là ou l’on trouve aujourd’hui l’ex – sous préfecture (dar el-wali) à 400 mètre plus loin de la vaste demeure bastide.
    Napoléon III ,lors de sa visite à sba a certes visité en quelques pas le domaine (clos) du colon de la mekerra Jérôme BASTIDE.Mais il a refusé de passer la nuit dans ce haut édifice (je persiste à dire aussi que ce n’est pas un château ! ).
    Encore et encore une histoire de H’mida. Chaque génération a un besoin psychologique de laisser des traces dans l’histoire.
    C’est son doute Léon BASTIDE fils , maire de la ville en 1874 et 1892 (sinon son petit fils) qui a « poser » cette plaque en marbe ! Et c’est toujours lui qui a écrit l’histoire de l’arrondissement de Sidi-Bel-Abbes en 1881.

    Pour dire finalement attention au piège et ne jamais « poser » la question du patrimoine UNIQUEMENT en terme de préservation de l’héritage. il y a une sensibilité à ce sujet. Meme si, le constat est celui de la dégradation de la situation.
    On observant bien l’aspect psycologique et les freins émotionels,ne trouvez vous pas Mr Djilali, que le propriétaire BASTIDE a posé son bien de « main-morte » en posant justement cette plaque de marbe, prévoyait –il ? l’immobilisation de son « chateau » de sorte qu’il ne soit ni donné (donation) ni vendu et que ses revenus au cas ou ( !?) reviennent à ce que de droit !?

    Sacré Hmida ! Ha ce BASTIDE, notable de la seigneurie du moyen age .On peut dire qu’il connaissait très bien la mentalité algérienne.
    Bonne journée ensoleillée.

    1. Bonjour Karim. Toujours heureux de pouvoir bénéficier des lumières de notre Historien.
      Cependant, il faut se féliciter du fait que ta rectification ne fait qu’apporter de l’eau à mon moulin. En effet, si l’on avait jugé utile de nous occuper de notre patrimoine, il y aurait longtemps que cette imposture aurait été découverte et corrigée. Si nos Historiens se sont occupés sérieusement de l’étude et la conservation de notre patrimoine à travers une mobilisation continue, nul n’aurait pu nous faire avaler une telle couleuvre! Combien d’autres mensonges, d’autres couleuvres continuons-nous à avaler sans qu’il y ait quelqu’un qui puisse nous dire « non, ce n’est pas vrai ». Au lieu de cela, nous préférons tous nous taire devant les crimes commis chaque jour au dépens d’un patrimoine qui -qu’on le veuille ou pas – est la mémoire de l’histoire de notre ville.
      Amitiés.

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