En pays demba (1ère partie.)

Djameldine Benchenouf nous  a fait parvenir un lien pointant sur son dernier ouvrage publié en ligne sur le site monbestseller. Nous vous proposons son prologue très accrocheur pour le commun des lecteurs.db

Une œuvre qu’il dédie à son père bien sur et ses proches (Nouara et Djamila Boupacha).

Prologue

J’ai commencé à rédiger ces lignes comme on entre dans une rivière sombre et glacée. Avec de l’appréhension, le froid à l’âme. Et je suis encore moins sur de moi depuis que je me suis jeté à l’eau.

Je ne sais pas, je ne sais plus, si j’écris une confession ou si je (..) une sorte d’exorcisme, pour chasser les présences inquiétantes qui obscurcissent ma conscience. Je ne sais pas vraiment si j’écris pour moi-même ou pour d’autres. Je croyais avoir déjà tout ordonné dans ma tête, avant de m’installer face à mon clavier. Mais je me surprends à tâtonner au milieu d’une nuit peuplée d’ombres, qui se sont engouffrées en moi. Je trébuche à chaque pensée. Je ne sais plus pourquoi je veux noircir ces feuilles de ces mots et de ces émotions qui me possèdent, depuis l’irruption de Kelma dans la vie tranquille qui était la mienne. Je ne sais plus.

Peut-être n’ai-je voulu m’épancher, tenter de saisir ces pensées  fiévreuses qui me torturent que pour pouvoir les libérer enfin. Pour m’arracher à cette peur qui m’habite désormais, depuis que les premiers mots que j’ai entendus de la bouche de Kelma m’ont happé.

L’écriture a toujours été pour moi un sentier qui serpente au milieu de ma propre confusion. Lorsque mes doigts se mettent à pianoter sur le clavier, dans une frénésie qui échappe peu à peu à mon contrôle, je me surprends à débusquer des évidences dont je ne soupçonnais pas l’existence avant de les exprimer.
Au gré des mots qui sourdent, des fulgurances fusent, qui illuminent par intermittence le puits sombre et froid où mes pensées se cognent aux parois.
J’ai le sentiment que je lis les confidences d’un autre que moi-même, en même temps que je les rédige. Comme si je me penchais  au-dessus de ma propre épaule. Des lueurs fugaces m’éblouissent, des ombres d’angoisse roulent au ras de mes orages. De mes rages.
Puis, au détour d’un bonheur de mots, des clairières inondées de lumière bruissent de murmures étonnés. De vives étincelles jaillissent des pénombres insidieuses.
Je crois qu’écrire est un périple qui ramène à soi, pour peupler les déserts ambigus.

Le chemin que j’ai emprunté, en titubant, depuis ce jour où les terribles paroles de Kelma hantent mes pensées, fut une piste  de montagne escarpée, semée d’ornières, dont le bord effrité surplombe des cauchemars égarés.
Des bourrasques échevelées ont soufflé sur ma torpeur, tandis qu’au cœur du noir humus, de la pourriture d’une graine éclatée, s’est exprimée la verte vie. Un tendre et pale brin qu’une caresse blesserait à mort bascule le caillou qui est en travers de son chemin vers la lumière; il roule le rocher immense, pour  accomplir son destin.
C’est à cette source vive qui est en toute aube que j’ai étanché ma soif.

Kelma m’a précipité dans la froidure des secrets inviolés, dans des tourments hantés,où des racines livides fouillent les profondeurs. Comme ce brin qui soulève les montagnes, j’ai forcé mon chemin.

Oh! Quête amère !
Errances sur des sentiers éprouvants.
Je me suis blessé sur des tessons d’angoisse.
Je me suis désaltéré de fruits vénéneux.
J’ai ouvert la porte du malheur. Je n’ai fait que l’ouvrir, le malheur était partout. Je ne le voyais pas pourtant, parce qu’il m’enveloppait. J’ai poussé des portes vermoulues. J’ai buté sur des simulacres.
Je sais maintenant que l’être qui m’est le plus cher, ma seule famille, mon père, était au cœur de l’indicible, tapi à l’ombre du mal. Je le sais désormais, même si je ne parviens pas à m’en imprégner. Encore moins à accepter qu’il n’a été mu que par des instincts de domination, pour garder le pouvoir.
Je souffre de le découvrir tel qu’il fut, nu sous l’implacable lumière, dépouillé du masque débonnaire qui travestissait son âme noire. Comment cet homme subtil, ce père aimant, a-t-il pu se vautrer ainsi dans une telle fange sanglante, pour des raisons  si abjectes ?
Mais  j’ai été au fond du Gouffre où reposent les noirs secrets. Qui attendaient d’être brandis à la face des hommes.

De Djameledine BENCHENOUF

 Djamaledine Benchenouf. Journaliste algérien, résidant en France depuis une dizaine d’années.

NB : Des erreurs dans le texte peuvent être présentes en raison de son extraction automatique