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ENIE de Sidi Bel Abbès : Une entreprise sans complexe

ByOuest Info

Nov 9, 2011

Un complexe dont l’activité aujourd’hui se résume à une chaîne de montage de téléviseurs LCD sur la base encore de moyens archaïques, en dépit de l’évolution vertigineuse de la filière.

Effacement total de la dette qui avoisine les 23 milliards de dinars et mobilisation d’un fonds de l’ordre de 17 milliards de dinars pour le programme de la modernisation de ses équipements et de sa relance en général,  l’Entreprise nationale des industries électroniques se remet graduellement et se réveille de son long et profond sommeil imposé, à vrai dire, par la conjoncture, les tergiversations dans les choix économiques parfois et les changements intervenus durant ces deux dernières décennies. L’annonce de ces mesures de redressement a été bien évidemment accueillie avec soulagement par le collectif des travailleurs aujourd’hui ne dépassant guère les 1.300, et avec joie, surtout par une population locale qui vivait au rythme des pulsations de ce grand complexe industriel.

Un complexe dont l’activité aujourd’hui se résume à une chaîne de montage de téléviseurs LCD sur la base encore de moyens archaïques, en dépit de l’évolution vertigineuse de la filière.
En signe d’encouragement, de soutien et d’appui à ces mesures, un programme d’aménagement de l’espace et de revêtement des chaussées fut initié par le wali, comme pour accompagner un élan et motiver  les gestionnaires et les ouvriers  aujourd’hui face à de grands défis pour retrousser les manches, se battre même dans ce monde de l’électronique si singularisé par une rude et déloyale concurrence, et mener à bien cette reprise. Des discussions sont déjà en cours pour la finalisation de contrats de partenariat à l’effet d’acquérir un savoir-faire et de s’imprégner des nouveaux progrès techniques en la matière. Il est projeté même un séminaire national, de concert avec l’université et des chercheurs, sur l’électronique, pour concevoir une approche d’avenir et définir les objectifs à atteindre.
C’est dire toute la dynamique relevée au sein de cette entreprise au demeurant un paramètre fondamental d’évaluation de la situation socio-économique de la région.
Une réhabilitation des repères en perspective à travers la relance des activités de cette entreprise créée en 1976 à la faveur d’une politique d’investissement où le choix a été porté sur l’industrie industrialisante pour métamorphoser un paysage et bouleverser les coutumes et traditions d’une région dont la vocation était essentiellement agricole. C’est l’intégration de l’élément féminin qui fut le fait marquant de l’implantation de ce complexe pour participer à la promotion dans son expression la plus large de cette masse et briser tous les tabous. Ceci sans compter une initiation et une familiarisation avec une technologie de pointe qui est l’électronique.

Vision futuriste
Riche en enseignements et en acquis socio-économiques, tout un parcours fut réalisé par cette entreprise considérée comme le fleuron de l’industrie électronique contribuant de facto à donner des assises à cette wilaya et à lui ouvrir grandement les portes du progrès et de la modernité. La phase de la construction et de l’équipement des différentes unités de fabrication confiées à l’occasion à la GTEI, une firme américaine, a permis déjà d’intensifier une notion de formation où des centaines, voire des milliers de jeunes ont suivi des stages à l’étranger même. Un véritable boom économique a été déclenché au niveau de la cité de la Mekkerra fraîchement promue au rang de chef-lieu de wilaya.
A grands pas, s’est opérée l’avancée de l’entreprise qui devait focaliser l’attention et susciter l’intérêt du plus sceptique avec la mise au point du premier téléviseur couleur 67 cm. Le pari était gagné par le collectif et les dirigeants de l’époque, à leur tête M. Ghrib Mohamed qui s’est confondu dans le décor de ce produit pour donner plus de lumière et de son à cette fabrication algérienne de haute qualité. Un gestionnaire qui s’est tout bonnement inscrit dans une vision futuriste pour asseoir les fondements de la filière  et lui assurer une évolution ou à la limite une parfaite adaptation à la mutation internationale de l’électronique. Un état d’esprit et d’équipe guidé par le souci de développement d’une notion de recherche s’est instauré pour influer sur le moindre acte de gestion.

Première cellule de recherche avec l’université Djillali-Liabès
Tout en respectant ses engagements avec l’ensemble de ses partenaires étrangers particulièrement dans le domaine de l’approvisionnement de ses unités de fabrication, l’ENIE s’est d’une certaine manière concentrée sur la matérialisation de sa propre autonomie pour engager la réflexion autour de la vulgarisation de cette technologie de pointe. Création d’un centre propre de formation et de perfectionnement, extension de son réseau de maintenance et dynamisation de son bureau d’étude pluridisciplinaire ont été les principales actions entreprises pour accompagner son développement et sa modernisation. Dansce registre, l’ouverture d’un institut électronique au niveau du centre universitaire a été mise à profit pour concevoir une cellule de recherche en micro-électronique comme pour impliquer son environnement et l’engager dans la concrétisation de son œuvre. De nombreux projets de recherche ont été initiés pour attribuer une nouvelle vocation à la région et élever un niveau  de gestion.
Ce regard vers l’extérieur fut quelque part une source d’inspiration et un moyen d’évaluation de ce vaste programme d’investissement. Un investissement sur l’élément humain à l’origine en définitive de la création de toute richesse. Et combien sont-ils ces cadres et agents de maîtrise formés par l’Etat et perfectionnés dans ses outils et espaces aujourd’hui récupérés ailleurs et exploités même pour les besoins de la filière ? Difficile de donner un chiffre certainement au vu de l’importance de ce potentiel. Toujours est-il que l’expérience a été comptabilisée dans les différents ateliers et unités de cette entreprise qui a innové et diversifié ses créneaux d’activité pour être au même diapason d’un monde electronique. La gamme des produits développée dans le visuel, l’audio, les équipements médicaux et autres en est l’illustration.

Première unité des panneaux solaires en 1984 déjà
Œuvrant dans le sens de la diversification de ses activités à travers ces nombreuses études réalisées dans l’espace de l’atelier des semi-conducteurs, l’ENIE s’est aussi cadrée dans l’approche nationale de développement pour tenter efficacement d’apporter son lot de contribution. C’est ainsi qu’elle a pu se projeter dans les énergies renouvelables en développant pour la première fois en Algérie le projet de création d’une unité de panneaux solaires. Des prototypes d’une grande qualité ont été mis au point et en application dans les régions du sud du pays en 1984 apposant définitivement le sceau de la performance. C’est dire toute les ambitions affichées par cette entreprise grâce à la persévérance et à l’idéal de ses cadres dirigeants préoccupés seulement et exclusivement autrefois part la notoriété et la réputation de cet outil industriel.
Du punch et de la cadence, l’ENIE a fait aussi du volet social pour l’amélioration des conditions du travail, une priorité qui s’est traduite par la construction d’imposants équipements collectifs (logements, cantines et autres), par la mobilisation d’une flotte de bus pour le transport des travailleurs et la valorisation de la médecine du travail.
Faut-il rappeler qu’à la faveur d’une rencontre regroupant des spécialistes en la matière, la société de la médecine du travail dont le siège social fut fixé à Sidi Bel-Abbès, était née pour ensuite explorer un domaine vaste et si vierge. Aussi, l’ENIE s’est redéployée pour créer entre autres des unités d’audio et d’antennes respectivement à Telagh et à Ras El-Ma dans la perspective d’offrir des opportunités de développement à ces zones du sud de la wilaya et de promotion à des populations locales vraiment démunies.
Autant d’acquis remportés, de savoir-faire arraché et d’expériences capitalisées par l’ENIE qui s’est vue freinée dans sa foulée par les effets d’une crise économique en 1986 pour revoir sa copie et se résigner à un sort, gérer une conjoncture et observer les règles de l’austérité imposées. Une œuvre au goût d’inachevé sans doute au sein de cette entreprise dont l’enceinte a servi aussi de tribune dans la lutte entre les différentes idéologies.
Elle fut tout simplement cette grande école du syndicalisme et du militantisme. Ce n’est d’ailleurs nullement fortuit si nombreux de ses dirigeants se sont investis après leur retraite dans le combat des droits de l’homme.
Toute une histoire donc de ce joyau de l’industrie électronique venu éclairer et illuminer une image de marque de l’Algérie des réalisations…

La chute
Comme tous les secteurs d’activité, l’ENIE ne pouvait échapper au courant démocratique déclenché au lendemain du 5 octobre pour subir des incidences et des secousses, et affronter tant d’obstacles ayant pour le moins déstabilisé ses structures. Des marches et des grèves pour satisfaire des revendications sociales ou demander le départ de tel ou tel gestionnaire, elle est rentrée de plain-pied dans l’instabilité avec l’ensemble des répercussions sur un rendement des unités de fabrication devenues de montage, approvisionnement en Kit constituait le principal acte de gestion plus que jamais problématique avec l’augmentation de la masse salariale.
Restructuration sur restructuration au milieu également d’une conjoncture sécuritaire et financière éprouvante, les choses n’ont point évolué pour semer un amalgame et un doute surtout et aboutir à la fermeture des unités de Telagh et de Ras El-Ma sans compter  le départ de cadres et des centaines de travailleurs dans le cadre de l’opération d’assainissement. En perte de vitesse alors, l’ENIE n’arrivait pas à tenir le coup dans un marché si marqué par la rude et déloyale concurrence au vu d’une législation  parfois contraignante en dépit de la qualité de ses produits. Des produits écoulés par des intermédiaires dont la majorité n’a pu honorer ses engagements, d’où une accumulation de créances étouffant la gestion de l’entreprise et compliquant davantage les choses. Une telle situation prêtait à équivoque à vrai dire pour susciter des commentaires et des spéculations…
De plus de 4.500 travailleurs, il n’en reste aujourd’hui que 1.300 dont 250 engagés dans le cadre de l’emploi des jeunes avec cette promesse de les titulariser dans un proche avenir. C’est dire toute la saignée relevée au niveau de cette entreprise qui s’est confinée dans l’espace de la contestation sous le regard impuissant du petit ouvrier de la chaine. Un espace pour balayer toute initiative ou tentative de redressement, fortifier tacitement des concurrents et alimenter  une surenchère politique… Des élus de tous bords effectivement se rendaient sur les lieux pour promettre au collectif la régularisation et l’assainissement de la gestion de l’entreprise.

Un nouveau départ
Longue fut l’attente assurément pour provoquer des interrogations et décourager le plus volontaire, même si le transfert d’une partie des structure à une institution stratégique pour le développement du réseau des télécommunications a ravivé un sentiment d’espoir et donné du baume au cœur à toute une population avide de retrouver ses repères et de se réconcilier avec les traditions de cette entreprise. Même les sportifs s’impatientent pour cette reprise et cette relance en souvenir du rôle de l’ENIE dans la prise en charge des besoins de l’équipe fanion, l’USMBA et de la promotion de la discipline. Et l’année 2011 marque un grand tournant dans la vie de cette entreprise après l’annonce de l’effacement de la dette et la mobilisation d’un fonds pour le renouvellement et la modernisation des équipements des différentes unités de fabrication. Le soulagement demeure perceptible et se dégage du visage du directeur général, M. Bekarra Djamel, qui compte être à la hauteur de la confiance et de la mission qui lui est devolue. Une mission qui nécessite un engagement, une implication et une adhésion de tout un environnement. «C’est une excellente opportunité qui s’offre à cette entreprise. Il va falloir innover et envahir le marché, même s’il reste quelques détails à régler pour attribuer plus de liberté d’agir», précise ce dernier qui est déjà dans l’exploration des voies et moyens à mettre en œuvre pour les besoins de la mission et la réhabilitation de la boîte.
Des discussions sont parallèlement en cours pour la concrétisation de contrats de partenariat avec quelques firmes de renommée mondiale dans la perspective de s’informer d’une évolution technologique et d’acquérir un savoir-faire. «Le choix des partenaires obéit à des exigences d’une stratégie de développement qui se veut durable pour résister à tout courant», nous rappelle le premier gestionnaire avant de faire valoir quelques arguments de taille et insister sur les atouts de l’ENIE, notamment son capital expérience et son réseau si large de maintenance. Dans une phase préliminaire, cinq segments d’activité ont été retenus. Il s’agit de la réalisation de téléviseurs LCD et LED, de la confection de caméras de surveillance, du développement de faisceaux de câble et de la promotion des panneaux solaires avec une unité de circuits imprimés multicouches.

Les nouveautés  de l’année 2012
L’année 2012 marquera effectivement un tournant décisif dans la vie de cette entreprise qui  lancera la production de Smart TV. Les discussions en cours actuellement de finalisation avec les Chinois pour un partenariat technologique devraient permettre le développement d’une gamme de téléviseurs intelligents dont l’usage connaîtra une grande évolution dans la mesure où il favorisera l’accès, via ces produits, à des programmes TV, à des contenus WEB et à des applications multimédias personnelles et professionnelles. Les téléviseurs HI-TEC, particulièrement les LCD 3D à grande dimension, entreront en production avec cette perspective de reconquérir l’espace jusqu’à concurrence de 30 à 40 % des parts de marché. Des perspectives faciles à atteindre compte tenu des moyens mobilisés par l’Etat au titre de ce plan de redressement, précise avec conviction le directeur général. La photovoltaïque, Les caméras de surveillance, les cartes électroniques à usage domestique, les afficheurs LED et les écrans tactiles figurent également dans l’agenda de l’exercice 2012.
Pour les afficheurs LED (signalisation routière et supports publicitaires), il y a lieu de relever qu’un projet-pilote est déjà conçu en partenariat avec la wilaya. Intitulé “Sidi-Bel-Abbès, ville électronique”, ce projet consiste en l’installation d’afficheurs LED au niveau des principaux carrefours de la cité avant la généralisation de l’opération à travers l’ensemble des agglomérations. Une manière de tester la fiabilité du produit et de perfectionner davantage sa performance en prévision de l’équipement éventuel de l’autoroute Est-Ouest. La mise au point de produits de pointe mettra fin à la fabrication des téléviseurs à tube cathodique dont le dernier assemblage s’opérera au courant, curieusement, de ce mois de novembre, apposant ainsi le sceau du renouveau et de l’entrée en vigueur d’une nouvelle époque.
A. Bellaha