HISTOIRE DE SIDI-BEL-ABBES : LE FACE À FACE : KOUBBA – REDOUTE

HISTOIRE DE SIDI-BEL-ABBES : LE FACE À FACE : KOUBBA – REDOUTE

Dans la deuxième moitié du XIXème siècle (320 p)

        Ce lundi est la date officielle de la sortie du premier livre sur l’histoire de la ville de Sidi-Bel-Abbès. Cette appellation de Sidi-Bel-Abbès est à double consonance. D’abord arabe, qui l’attache délibérément à un passé mystique du (XIIème) douzième siècle et qui la surveille de  loin. Mais aussi, au passé colonial récent du (XIXème) dix-neuvième siècle encore trouble. Dans l’espace comme dans le temps, la Koubba du marabout Sidi-Bel-Abbès fait face à la redoute de l’armée conquérante qui lui a substitué son nom en 1843. L’Oued Mekerra serpente le terrain entre ces deux structures architecturales : La Redoute, la Garnison comme la Koubba et le Marabout sont aussi les représentants de textes historiques et de chroniques fondatrices qui s’opposent.

            Après presque un siècle de son arrivée. Le colonisateur fabrique la légende de Sidi-Bel-Abbès et la raconte aux colonisés en 1927, il est certain que cela donne à réfléchir. Un saint peut en cacher un autre. Et une légende peut devenir un mythe. Ce livre propose aux lecteurs à repenser cette liaison « Koubba-Redoute ». La redoute est une « place forte ». Elle se donne des ailes et devient vite une Garnison des Spahis et des légionnaires. On démolie cette redoute en 1849, pour faire place à la fondation d’une ville planifiée. Cette fois, c’est la « ville nouvelle » qui reprend le nom de la redoute Sidi-Bel-Abbès avec un double trait d’union qui semble lui coller à jamais.

            Le livre est subdivisé en huit grands chapitres. Le premier, s’ouvre sur le soufisme et sa forme mystico-ascétique de l’islam. L’objectif principal, est d’aider le lecteur à mieux comprendre les processus de la propagation des confréries religieuses de l’Orient vers le Maghreb central depuis le XIIème siècle pour arriver à discerner qu’est ce que : Sidi-Bel-Abbès ? Notamment avec la Quadiriyya d’Abdelkader Djilani mort à Baghdad en Irak et la Chadiliya d’Abou-Hacene Sidi-Belahcen Chadli mort au Caire-Egypte en 1258. Les confréries Rahmaniya,Jazouliya,Derkaouiya,Hebriya,Tijaniya…ne viendront qu’après. Notons bien que Sidi-Boumediene El-Ghouti, né à Cantillana près de Séville en Andalousie est incontestablement le pôle du soufisme au Maghreb. C’est lui qui va introduire la tarîqa Quadiriyya. Il a vécu 31 ans à Béjaia entre 1166 et 1197 (31 longues années). On se demande d’ailleurs pourquoi « ces » historiens du palais le présentent comme un Soufi Marocain !  

            Cependant, ce n’est qu’à partir du XVIème siècle que les choses commencent à se compliquer. Il y a eu d’abord l’émergence des premières puissances Européennes modernes avec les Hollandais, les Espagnols et les Portugais qui ont considérablement influencé le phénomène du Maraboutisme. En 1534, le Sultan Souleymane le Magnifique est le premier de l’histoire à construire un dôme (Koubba) sur le mausolée de Sidi-Abdelkader Djilani.

Au Maghreb, la dynastie Saâdienne ( 1549-1660) dans la région du Sous près d’Agadir. Une brève paix retrouvée leur permet de concentrer leurs efforts contre les possessions portugaises de Sebta, Gibraltar, Tanger, Essaouira, Anfa, Safi, Mazagan, Kenitra jusqu’au Mogador (Agadir). Avec l’apport de l’idéologie du Chérifisme, ils reprennent une grande partie des territoires occupés, ce qui leur confrère une plus grande popularité et les pousse à contester aux Wattassides leurs Trône grâce aux confréries notamment la Jazouliyya qui est une véritable machine de guerre. À partir du XVIème siècle, ils règnent sur l’ensemble du Maroc. Le Septième Sultan Saâdien Abou Faris III, construit une première mosquée Sidi-Bel-Abbès Sebti avec un dôme (Koubba) et une bibliothèque en 1605 annonçant par l’occasion le début de la légende.   

            Le deuxième chapitre, aborde le personnage d’Abou-Abbas Sebti. On peut comprendre que les deux Sidi Abd-El-Kader Al-Jilani et Sidi Abou-Abbas Sebti sont des soufis dévots et pieux issus du peuple et adeptes de la pauvreté et du retrait de la société. Cependant, ils ne sont devenus « SAINTS » que quatre et cinq siècles après. L’historiographe du palais Saâdien, Abou-Yacoub AL-TADILI avait écrit un livre  retraçant un regard sur les hommes du soufisme dont Abou-Abbas Sebti. On retiendra de lui que c’était un personnage contesté. L’histoire populaire, le présente comme un saint, mais rarement comme un pôle du soufisme. Il fut autant aimé que critiqué. Mais, il est utile d’insister que sa biographie a été écrite plusieurs siècles après sa mort. À Marrakech, Tourisme oblige, il est devenu un mythe. D’une façon générale, les ouvrages concernant les Saints musulmans ne sont pas très appréciés par les historiens. Mais, au Maroc c’est différent. N’oublions pas que le royaume du Maroc fait du chérifisme une idéologie d’état. Pour les Historiens Espagnoles, il n’y a pas qu’un seul Morabito Santôn Cidi-BelAbbas Ceitil. Certes, le marabout est natif de Sebta avant qu’elle ne devienne portugaise en 1415. Selon eux, il existe au moins quatre personnages qu’on peut présenter comme étant Sidi-Bel-Abbès.  

            Le troisième chapitre est consacré aux sources primaires de l’histoire de la ville de Sidi-Bel-Abbès. Ne dit-on pas que l’histoire est tributaire de ses sources ! Le quatrième chapitre est consacré à Sidi-Bel-Abbès El-Bouzidi. Une critique exogène et endogène sur le prétendu Marrabout domine pratiquement tout le passage. Cette légende a été composée par Léon ADOUE, d’abord par le titre, ensuite quand il le dit lui-même dans son ouvrage et notamment dans le titre. Il écrit : « …j’ai dû, avec les meilleurs éléments de chacune, composer une légende que j’appellerai électrique ou moyenne, c’est elle que je vais raconter» (Adoue, 1927, chap. III, p 27). En effet, cette légende est fabriquée de toute pièce par l’historien Léon Adoué.

            Le cinquième chapitre aborde les théories et les thèses par des enquêtes toponymiques. On peut affirmer que l’appellation Sidi-Bel-Abbès a été pensée suite à la décision de créer une ville dans l’endroit exact désignée par les géographes et les géomètres du corps de l’Armée d’Afrique  et son chef le général Lamoricière. Il s’agit bel et bien de la théorie de la place centrale. Concernant les thèses, il s’agit de trois thèses, d’abord celle de la thèse légendaire de Sidi-Bel-Abbès Sebti qui n’est pas plausible. Ensuite celle de Sidi-Bel-Abbès El-Bouzidi inventé par Léon Adoue. Ce nom composé de Sidi-Bel-Abbes-El-Bouzidi, qui n’est pas un personnage historique. Cette thèse n’est pas seulement une légende. C’est un Mythe. Vient ensuite, la thèse Sidi-El-Bouzidi qui remonte à Muhammad Ben Al-Habib Al-Bouzidi, disciple du cheikh Derkaoui en 1884. Enfin, la thèse mystique de la Koubba qui semble être une thèse locale. Cette thèse vient un peu en retard. Elle essaye de nous renvoyer directement à l’authentique pensée mystique du soufisme de la Chadiliya et ses nombreux disciples.

            Le sixième chapitre nous explique les gîtes d’étapes et la place forte et leur importance dans la stratégie coloniale de passer d’une garnison (redoute) à une ville. Le septième chapitre est consacré totalement à la redoute nommée au début « LA REDOUTE  SIDI-BEN-ABBAS » vu son importance dans le titre.Il étaitabsolument nécessaire de dissiper peu à peu l’ambigüité qui se définit de manière nette en un lien indissociable entre deux temps dans le même espace. Un huitième chapitre pour conclure cette étude a été consacréà ladémolition et fondation d’une nouvelle ville. Le nom de Biscuit-ville est attribué à tord à Sidi-Bel-Abbès. N’oublions pas que le ministère de la guerre avait décrété une décision le 21 aout 1846 crée Sidi-Bel-Abbès pour en faire un chef lieu de subdivision. Ainsi, son nom existait déjà. Le gouvernement général prenant en considération la position centrale de la redoute, accepte la création de la ville de Sidi-Bel-Abbès. Le 10 novembre 1847, le projet Prudhon est approuvé, et le projet devient réalité le 5 janvier 1849. Cette ville s’est claquemurée dans ses fortifications avec ses quatre grandes portes et laisse « les habitants musulmans» exclus et confinés au quartier El-Graba dit Bugeaud. Cependant, vers la fin de ce sombre XIXème siècle. Une cinquième porte « sans nom » s’ouvre en face de ces « ultra-muros ». Elle constitue une porte de sortie pour les Européens, mais une porte d’entrée pour les habitants musulmans.

Ce livre est préfacé par l’éminente Professeure Américaine Susan Slymovics-Univ-U.C.L.A- Los Angeles California –U.S.A

            Par Al-Mecherfi.

            Karim OULDENNEBIA –  Lundi 20 juin  2022