Une vision altérée de la réalité nous a fait croire que nous étions riches, du haut de nos excédents budgétaires dopés par l’envolée des cours du pétrole et du gaz.
Au cours de cette période euphorique, l’Ego algérien était flatté de devenir prêteur au FMI, après avoir été créditeur ayant frôlé la cessation de paiements et incapable de faire l’économie d’une guerre civile.
Nous avions pris pour de la richesse,ce matelas de réserves financières, ces excroissances architecturales et ses immeubles, vue sur mer qui poussent comme des champignons,ces voitures aux grosses cylindrées, ces hôtels étoilés et ces bâtisses avec rideau obligatoire et fonds de commerce incorporé qui mangent les rues et qui nous préparent insidieusement un ghetto de riches où cohabiteraient les gagnants du système.
À l’heure où les réserves budgétaires fondent comme neige au soleil et qu’il est question à nouveau de recourir à l’emprunt, la facture des importations atteint 75 milliards de dollars et notre insécurité alimentaire est plus chronique que jamais,aggravée par des habitudes de consommation ineptes. Les inquiétudes du jour, représentent l’irruption du réel,car les faits sont têtus et reviennent à la charge.Les mêmes causes reproduisent les mêmes effets.
Le réel ne se satisfait pas d’inflation nationaliste verbeuse, de joutes au parlement,de postures idéologiques, de surenchère patriotique, ni de promesses démagogiques mais il questionne depuis longtemps notre incapacité à proposer un modèle de diversification économique cohérent qui sortira le pays progressivement de son addiction au pétrole et au gaz.
Ceux qui ont recours à la pensée magique espèrent que les cours des hydrocarbures se redresseront pour basculer de nouveau dans l’insouciance, oublieux de l’essoufflement de la demande mondiale,du recours de plus en plus généralisé aux énergies non renouvelables et à l’exploitation du gaz de schiste qui a saturé l’offre.
L’embargo de 1973 a servi de leçon à tous, mais pas suffisamment chez nous.
Les discours sur la crise et les nécessaires décisions d’austérité à prendre, refont surface et il est question de mettre à la diète tout le monde. Tout le monde? Cela reste à voir.
La ligne libérale et « austéritaire » va à l’évidence, tirer argument, de l’inquiétante situation économique pour recycler son éternel discours de vérité des prix, d’arrêt aux subventions des produits de première nécessité, de coupes nécessaires dans la dépense publique et à préparer l’opinion publique à un budget d’austérité.
Le budget d’austérité apparaît comme incontournable mais il ne doit en aucun cas minorer le soutien aux classes populaires les plus défavorisées. Aucun modèle économique ne peut faire l’économie d’un modèle social dont le curseur se doit d’aller dans la direction de la protection des classes les plus affectées par la crise.
Il est temps de parler aux algériens comme à des adultes et de leur révéler que le pays ne peut se tenir éternellement en dehors de la mondialisation. Des négociations avancées avec les organismes internationaux, y compris l’Organisation mondiale du travail et le choix d’une voie de développement néo-libérale sont actées et il faut désormais sortir de l’ambiguïté et mettre au placard tous ces prétendus experts et conseillers qui n’ont même pas fait prévaloir la logique du bon sens: Si les dépenses l’emportent sur les recettes, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche.
Si les recettes relèvent de l’économie rentière, nulle rente de situation n’est éternelle.
Pour avoir écrit, il y plus de trois ans, une rubrique dans ces mêmes colonnes, et du haut de mon incompétence en matière économique,j’espérai que la malédiction de l’or noir toujours indissolublement liée à la crise par un effet yo yo des prix, allait s’estomper et que le retour au bon sens et au réel s’imposaient pour nous sortir de la dépendance au recettes de ce poste et donc à l’économie rentière.
Je reste persuadé plus que jamais, dans ce climat de pessimisme ambiant, que cet électrochoc est bénéfique et même salutaire pour tenir un discours de vérité au citoyen.
Le citoyen est instruit du fait que le modèle rentier est non adapté à la mondialisation et qu’il faut se serrer la ceinture en période de crise. Il sait aussi que son pays a les ressources morales, matérielles et humaines pour relever tous les défis pour peu que tous les obstacles soient identifiés et levés. Il sait qu’un plan national des énergies renouvelables,fruit d’une réflexion démarrée il y a trente ans et qui n’a produit aucun effet peut être soupçonné de n’être qu’une coquille vide.
Corée du Sud et Chine ont eu à affronter des enjeux autrement plus épineux et un transfert des technologies maîtrisé, en fait à leur tour des producteurs de savoirs qui s’inscrivent avec les meilleurs atouts dans la compétition mondiale.
À l’algérien qui s’accoutume à voir le chinois travailler à sa place, il y aussi un discours de vérité à tenir pour éviter
l’illusion d’optique au risque de voir des mirages!
AL-HANIF