Je fais semblant!

Je fais semblant.  De ne pas comprendre, de ne rien voir ni prévoir, tout est cool, serein, presque parfait. Les choses avancent comme il faut, mes programmes sont précis, mes échéances sont respectées.  Tout est appliqué à la lettre, ma machine est bien huilée, pas un grain de sable à l’horizon. Pourtant le ciel est nuageux, le silence est assourdissant. Je fais semblant de ne rien entendre.  Mon bureau est vaste, chic et bien climatisé. Je dispose de 2 secrétariats avec des filles et des garçons présentables, adorables même, des toilettes personnelles et d’une chambre de veille. J’ai projeté un vrai parcours de combattant pour que le citoyen arrive à moi : quel horreur! Le citoyen  est laid, mal habillé et  sent mauvais.  Mon salon de cuir se détériorerait rien qu’à le voir arriver, le dos courbé les mains derrière le dos à quémander, à demander. Quelle horreur!  Mon dieu! Ces instructions d’en haut qui nous conseillent de s’approcher de lui, à essayer de le comprendre et à résoudre ses problèmes, moi qui suit nommé par décret présidentiel diplômé de l’ENA, un cadre de la nation un enfant du gouvernement, perdre mon temps et mon savoir-faire à écouter le citoyen alors ça je ne l’accepterais jamais.  Je suis un administrateur! je suis né pour servir la bureaucratie.  Mon plaisir est d’établir la liste des dossiers, de créer des barrières à non plus finir, les S12 , les pièces biométriques, un cadeau du ciel ! J’en raffole… j’irais faire des enquêtes auprès du diable pour m’assurer de votre identité et je ne m’en lasserais jamais ! Quel bonheur de tenir les reines et de ne rien laisser avancer:  Je suis le bureaucrate ! Pas celui qui végète entre quatre murs et qui attend la retraite, mais le vrai rond-de- cuir, qui prend du plaisir à rester assis quand il se lève, c’est sa manière de servir la nation.

Gharib D