Les Lundis de l’Histoire: La Cinquième Porte de Sidi-Bel-Abbès

Il est tout de même intéressant d’observer un jeu vidéo. Mon fils m’a expliqué les règles du jeu. C’est assez simple. Dans ce jeu de guerre des cités -Wiki-Grepolis (Wiki qui veut dire rapide,) le mur de protection de votre ville augmente considérablement votre défense. Donc, la défense de base augmente en développant les remparts de la ville. Construire très rapidement des remparts est important dans le jeu pour mieux vous défendre contre les autres joueurs. Chaque cité a sa propre défense de base. La défense de base signifie que la population elle-même se défend, même lorsqu’il n’y a aucune unité en ville. Ce système de jeu m’a inspiré pour écrire sur les remparts de la ville de Sidi-Bel-Abbès, notamment les « PORTES ». Ce lundi, est centré sur la dernière (cinquième) porte de la ville. Le but est d’analyser  comment dans un espace de changement social et urbain rapide (comme dans un jeu), les autorités coloniales tentèrent d’endiguer la prolifération de la résistance des autochtones et leur retour « démographique » qui défiait le ségrégationnisme urbain censé les contenir et les enfermer hors des remparts. Mais là, ce n’est plus un jeu vidéo. C’est un vrai défi d’une population locale cantonnée au quartier El-Graba. Le colonisateur a cru piéger les « indigènes ». Mais à malin, malin et demi. Ces «Algériens » très futés, n’ont pas demandé la démolition des REMPARTS, mais juste une ouverture dans le mur. Disant une « cinquième PORTE ». Ainsi, ils ont déchiffré le système de jeu !

I – La cité imaginaire et ses fortifications. Les quatre portes de la ville de Sidi-Bel-Abbès faisaient partie des fortifications. C’était bizarrement, jusqu’à l’époque du début du XX° Siècle, le seul moyen de franchir les remparts entourant la ville. Les portes avaient pour fonction de soi-disant « protéger » le colon dans un rectangle de 42 hectares. Le colonisateur avait peur de ces colonisés. N’est-ce pas paradoxal? Pourtant, ces fameux remparts ne protégèrent les « Colons Européens » de la ville de Sidi-Bel-Abbès et ses alentours qu’une seule fois pendant huit jours. En 1864, Si-Lala, un chef nomade du sud- ouest Algérien organisa une offensive avec 4000 cavaliers contre les centres de colonisation notamment Chanzy et Boukanéfis. Il en découla une situation confuse qui amena les colons des environs à se réfugier à l’intérieur des remparts. On reviendra in Cha-ALLAH en détails avec un spécial lundi, pour évoquer justement le triste destin des Dix-huit (18) indigènes de la région de Sidi-Bel-Abbès déportés «politiques » en Nouvelles Calédonie.foto1 fondation sba

 

 

 

 

 

 

 

 

Notant que les portes étaient des monuments imposants. Beaucoup de portes de villes sont devenues l’emblème de ces villes, et jouent un rôle touristique comme par exemple les sept portes de Marrakech, notamment celle de bab- el-Khemis «protégée » par le Saint patron Sidi-Bel-Abbès SEBTI. Rappelons nous aussi, la porte de Brandebourg à Berlin. Elle faisait partie intégrante du mur de Berlin. Auparavant, elle avait été longtemps négligée. Historiquement, une porte est toujours surveillée. Chez nous, c’est généralement un Marabout. Dans la Mythologie Japonaise par exemple ; C’est deux Chiens-Lions qui protègent la porte du temple. Celui de droite, considéré comme masculin, a la gueule ouverte; celui de gauche, féminin, tient sa bouche fermée ! Dans la mythologie gréco-romaine, le « Héros » est toujours celui qui affronte le « monstre » gardien ! La porte c’est tout un cosmos de l’Entr’ouvert.

Aussi, les besoins de surveillance de « l’entrée » ont créé les métiers de portier, concierge, huissier, Hadjab de palais et …aussi Spahi. Élément du cadre de vie, la porte maintenant s’équipe d’accessoires de fonction de surveillance automatique. Pourtant chez nous beaucoup de « jeunes » rêvent encore du métier d’ « agent sécurité ». Comment guérir le colonisé de son aliénation ?

Frantz Fanon reste encore et toujours à relire.

II – L’édification des quatre portes. En 1847, le général Lamoricière, commandant de la division d’Oran, fut le promoteur des fortifications de Sidi-Bel-Abbès. Le gouverneur général accepte la proposition de la commission pour la création de cette ville en se basant sur les plans qu’avait dessinés le capitaine E.Prudon du génie militaire (mort en 1891). La ville sera entourée de murs de protections. Édifiés par le génie militaire, avec 4 portes orientées sur les quatre points cardinaux de l’horizon, qui permettent l’accès à la ville. La fortification doit consister en un mur bastionné de cinq mètres de hauteur, comprenant onze fronts, avec 16 bastions reliés par des courtines. Autour des murs, un fossé de 14 mètres de large et de 3 mètres de profondeur.

Notons que le tout se réalisa en neuf ans, c’est-à-dire entre 1849-1857 : au nord la porte d’Oran en 1854 avec double passage et double porte dans chaque passage, au sud la porte de Daya, à l’ouest la porte de Tlemcen et enfin celle de Mascara à l’est en 1855. Ainsi que les logements des portiers-consignes du corps de garde de ces deux portes. A chaque porte, son nom inscrit tout en haut et aussi ses Spahis ! Aujourd’hui il ne reste plus rien des fortifications (A part peut-être quelques traces dans les casernes). Il est facile de comprendre pourquoi la société coloniale bel-abésienne souhaitait se débarrasser rapidement de cette ceinture inutile et sans laisser de TRACES après la visite en train du président français Emile LOUBET à Sidi-Bel-Abbès en 1903. Les portes seront détruites définitivement en 1927, pour facilité la circulation des voitures.

III – L’Inauguration d’une porte sans Nom. Il faudra préciser qu’une porte est définie selon, «multiples conceptions» qui en font un objet architectural particulier. L’inauguration « sans nom » est-elle aussi une tradition coloniale ? J’ai bien peur que oui ! Cette Cinquième porte, n’avait pas de nom. À croire que la mairie et M. Léon Bastide ne voulait pas qu’il y ait trop de monde pour le savoir. Pour ce qui est de la route, il faudra attendre encore longtemps.

Toutefois, l’ouverture de cette porte pour l’autochtone représentait le passage entre deux mondes. Le connu et l’interdit. Au début, c’était le Spahi qui symbolisait les conditions du franchissement. Mais, cette porte a aussi, une valeur psychologique : non seulement elle indique le passage, facile d’abord, mais aussi « difficile » par les interdits qui pèsent sur son ouverture. On peut donc, concevoir aussi cette ouverture comme une « Invitation ». Chez nous, franchir une porte, c’est symboliquement se placer sous la « protection du maître » de la maison, protection liée à la pureté des intentions. Certes, mais la traduction symbolique de cet état de pureté se constate encore de nos jours avec l’obligation de se déchausser à l’entrée du salon d’une maison. Cette cinquième porte a été ouverte vers l’année 1888 au niveau du glacis nord. Elle indiquait un passage certes, mais qui était « interdit». Ne dit-on pas que : « La porte est l’ambiguïté, liée à un passage ». C’était, grosso modo, une «double ouverture programmée » sur le quartier nègre créé en 1873, qui prit ensuite le nom de faubourg Bugeaud dans l’année même de l’ouverture de cette porte (Voir –Hist-Quartier Graba-Colloque sba3).Page Garde porte 5lundi Histoire in BAI

 

 

 

 

 

 

 

 

Cependant, on peut remarquer sur cette photo que cette nouvelle porte n’est pas en bois mais en grille de fer. Elle s’ouvre à deux battants. C’est donc un portail ! Oui ; Mais c’est la même chose me direz-vous ! Des bornes sont placées aux quatre cotés pour protéger les murs des roues des charrettes de l’époque. Enfin le minaret de la mosquée se situe à gauche du dôme cela veut dire que la vue est prise en dedans des remparts juste entre l’emplacement actuel de l’école primaire ex-Turgot et la caserne de la gendarmerie. Autres détails, Cette femme au voile traditionnel et le cycliste qui sort de la ville ; sont des faits marquants typiquement Bel-Abbésiens.

On observant bien ; Du point de vue de l’administration coloniale ! Que ce qu’elle a à gagner avec cette nouvelle porte ? Je me pose la question ! Préparer sans doute, une assimilation progressive et agrandir la ville. Toutefois, les Européens auront besoin de cette porte pour l’accomplissement des cérémonies funéraires à quelques dizaines de mètres de la « Puerta-Hierro ». Les fervents catholiques du quartier Bari-Alto et Négrier de la rue calle-Del sol empruntaient cette porte, chaque samedi et dimanche pour arriver aux cimetières chrétien et juif situés proches du quartier El-Graba. D’un autre coté, cette porte avait permis aux autochtones de gagner « l’entrée et la sortie de la ville ». Et puis, l’ouverture d’une porte inhabituelle est toujours accompagnée d’une gamme variée d’impressions et de « sentiments ». Les habitants du quartier El-Graba, auront le « sentiment » d’être des sédentaires. Ils réclameront sans aucun doute, encore et encore plus .Une impression, ça ne s’explique pas, ça se sent ! A partir de là, ils vont « revendiquer » une mosquée.

Conclusion : D’une manière paradoxale ; La population européenne ouvre une porte pour sortir, les autochtones pour y rentrer. Apparemment, paradoxale et étrange cette Histoire de porte. Allez ! Je laisse la porte ouverte et je m’abstiendrais à intervenir dans ce débat.

AL-MECHERFI.

5 thoughts on “Les Lundis de l’Histoire: La Cinquième Porte de Sidi-Bel-Abbès

  1. Cher M. El Mecherfi,
    En découvrant le titre de votre publication, je me suis léché les babines espérant enrichir ma connaissance de l’histoire de cette belle ville de SBA.
    En fait d’HISTOIRE, j’ai lu une belle histoire…..
    L’histoire est une science cher Monsieur : relater un événement , parler d’un lieu ou d’un édifice ayant un quelconque passé historique doit être étayé par des témoignages ou des réféences bibiographiques d’historiens reconnus. Votre source d’inspiration : un jeu vidéo, votre imagination fertile faisant le reste !
    Après avoir succintement évoqué cette 5è PORTE, née d’un percement de mur vous nous transportez à Marakech et ses 4 PORTES . De Marakech on s’envole vers Brandebourg ville symbole dans la réunification de l’ Allemagne, sa célèbre PORTE et le tristement célèbre mur !
    Des villes ceintes de murs et ayant des portes, ayant valeur historique il en existe tout près de nous Aumale ( Sour El Ghozlane aujourd’hui ), Fort Nationnal ( Larbaa Nath Irathen aujourd’hui ) pour ne citer que ces deux villes.
    Vous ne manquez pas non plus de nous rappeler la symbolique de la PORTE dans la loi de l’hospitalité ( qui n’a plus cours de nos jours hélas!) et le savoir vivre de l’hôte qui se déchausse devant la PORTE du salon….. ce qui n’a rien d’historique, mais une simple tradition.
    Je suis désolé Monsieur El Mecherfi mais j’ai trouvé complètement décousue cette évocation qualifiée d’historique. Je la trouve encore moins intéressante que votre histoire de la Villa Clairette qui daterait du temps des caravanes, comme si les caravanes n’ont existé que jusqu’à la domination turque !! Or je peux vous certifier avoir vu en 1949 des caravanes, des vraies dans mon village de Kabylie au pied du Djurdjura. Ces caravanes venaient de Sidi Aïssa passant par Sour El Ghozlanes, Bouïra , Tikjda et traversaient le Djurdjura par le col de Tizi N’Kouilal. Les caravaniers apportaient des céréales pour les troquer contre les produits locaux : figues sèches et huie d’olive. De ce fait si des caravanes sillonnaient la Kabylie en 1949 il ne serait guère étonnant que l’une d’elle aie traversé SBA à la même époque et peut être même devant la villa Clairette au moins ….pour vous permettre aujourd’hui d’écrire «  la villa Clairette existait au temps des caravanes ».
    Avec tout mon respect Cher Monsieur El Mecherfi.

  2. On trouvait des portes dans tous les métropoles et bourgades médiévales,une nécéssité de l’époque pour controler les visiteurs, les maladies,la collecte des impots ou comme dispositif de stratification sociale .
    j’ignorais que SBA avait elle- aussi des portes , contrairement a Alger, Oran et Constantine , Tlemcen.
    Votre travail est d’un apport considérable quant a la réécriture et reconsidération de notre passé en dehors des manuels étatique. Continuez mr Mecherfi.

    Amitieusement

  3. bonsoir Al Mecherfi
    Comme beaucoup d’autres j’attends le lundi pour vous lire. Pour m’instruire.Pour connaitre une ville qui a adopté généreusement des milliers des comme moi, qui y vivent depuis longtemps et qui ne la connaissent pas. Je ne connaissais pas l’origine du nom de bab daya. Je passais devant la villa Clairette n’y voyant que ruine. Dare el Assakri était pour moi anonyme. Vos écrits ont provoqué ma curiosité de néophyte. Je cherche et j’apprends chaque jour sur Bel Abbes. Si tel est votre objectif, pour moi il est atteint. Je vous en remercie.

  4. Bonjour Al Mecherfi

    L’histoire de ce lundi est intéressante, surtout lorsque vous décidez de laisser la porte ouverte , tout en refusant de participer au débat. Cela veut dire tout simplement,” avaler et taisez-vous”. c bien dommage pour un historien, de surcroît enseignant.
    Mon ami, Al Macherfi, je pense que vous vous précipitez dans vos approches par rapport à des faits historiques. Vous faites des analyses personnelles ayant l’aspect de faits réels. A titre d’exemple je cite:” Le colonisateur a cru piéger les ‘indigènes’. Mais à malin, malin et demi. Ces ‘Algériens’ très futés, n’ont pas demandé la démolition des remparts, mais juste une ouverture dans le mur.. Disant une ‘cinquième porte’. Ainsi, ils ont déchiffré le système de jeu.”Donc, si je comprends bien, la cinquième porte a été installée à la demande des indigènes. Oui, peut-être que vous avez raison. Enfin, elle demeure mystérieuse cette cinquième porte, autant que le mystère qui enveloppe la villa Clairette.Mon ami Al Macherfi devant, une histoire pareille, et contrairement à vous, je préfère fermer la porte.Merci pour vos éclairages sur l’histoire de notre ville.

    Amicalement.

  5. INSTRUCTIF INTERESSANT il s’agit de notre HISTOIRE à préserver et informer les génerations suivantes . MERCI MR ELMECHERFI

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