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Lettre de Rashad Ramzy SENHADRI à son père ..

ByDjillali C.

Mar 20, 2014

Hafid SENHADRI, natif de Sidi-Bel-Abbès, fut assassiné le 14 Mars 1993, soit deux jours avant l’autre géant Bel-Abbésien, Djillali LIABES. En souvenir de cet horrible drame, le fils de Hafid, commet une émouvante lettre à son Père, qu’il n’a pas eu la chance de connaître. Rappelons que SENHADRI, la trentaine à peine engrangée,  était Directeur de cabinet au Ministère du Travail, et surtout Porte-parole de CNSA qui venait à peine d’être crée. Il fut assassiné quelques jours après son passage au journal de 20heures, où courageusement,  il appelle à l’arrêt du processus électoral.

A toi papa,

A celui que je n’ai pas connu, à celui à qui je n’ai pas parlé, celui  que je n’ai jamais serré dans mes bras. Celui que je n’ai pas appelé PAPA. Le 14 mars 1993, il y a 21 ans, des assassins intégristes islamistes ont tiré sur toi en sortant de la maison et tu es parti dans un monde loin de moi 4 jours après. J’avais à peine 6 mois. Ma mère me raconte que de beaux souvenirs de toi, et moi aussi je garde de jolis mots de toi en lisant la lettre que tu m’avais écrite le jour de ma naissance.
Tu m’avais dit que je suis un beau bébé et que je suis né en Algérie, que je suis le plus chanceux des enfants du monde car le pays n’a pas disparu et il n’est pas tombé dans les mains des lâches. Mais qu’il est encore là ! Il m’attendait. J’ai senti ta joie quand tu m’avais dit que tu as eu une larme car tu te demandais si tu allais vivre assez longtemps pour me voir ou non. Combien ma peine est grande quand tu écris que tu t’étais définitivement familiarisé avec l’idée de mourir d’une mort violente. Tu m’avais dit que je suis le frère de tous les enfants dont les pères sont assassinés par cette sauvagerie barbare.
Oui je suis le plus chanceux, le plus heureux et fier car je suis le fils de Hafid SENHADRI, membre fondateur du CNSA (Comité national pour la sauvegarde de l’Algérie) et membre du CCN (Conseil Consultatif national).
L’homme qui a dit non à l’Afghanisation de l’Algérie, l’homme qui a affronté tous les dangers pour sauvegarder le pays, pour me laisser une terre glorieuse. Tu dérangeais parce que tu étais un homme d’action ouvert sur le monde, la modernisation et le progrès. Je souffre énormément de ton absence et du fait de ne pas t’avoir connu. J’aurais aimé que tu sois avec moi, à mes côtés pour me guider, me rassurer car la relation entre père et son fils me manque énormément. Hélas les terroristes en ont voulu autrement. Ils m’ont privé de tous ces moments, de toute cette affection, mais je ne leur pardonnerai jamais d’avoir fait de moi un enfant orphelin alors que tu voulais vivre longtemps avec nous. Ils ont précipité les choses pour que tu nous quittes si vite.

Je n’oublierai jamais ce qu’ils m’ont fait subir après cette rupture. Je ne pardonnerai jamais à ceux qui ont pardonné à ma place à tes assassins. Ton combat pour préserver ta mémoire continue. Je suis le chemin que tu m’avais tracé. Je cherche toujours vérité et justice. Là où tu es, sois fier de moi.

Dors en paix PAPA car Rashad, le beau bébé que tu as laissé, est devenu un homme aujourd’hui. Et une personne de la génération que tu rêvais de voir un jour, dans une Algérie que tu portais dans ton coeur. Je prends bien soin de ma mère et de ma sœur. Il est vrai que je ne suis pas seul comme tu me l’avais dit. Je suis bien entouré, et plus je vois tous ces gens qui me soutiennent et qui partagent la même douleur et le même chagrin, plus je me dis que j’aime la vie. Gloire à nos martyrs qui ont payé de leur vie notre liberté.

Rachad SENHADRI (In Adjoued Mémoires)