Lundi de l’Histoire: L’Algérie et Pablo Picasso à Marseille

À  Marseille et partout en France les musées étaient en grande majorité fermés ce samedi 1er novembre 2014. En ce jour de week-end férié, difficile de savoir où passer cette journée ensoleillé. Sinon, il faudrait différer la visite pour la journée suivante juste pour revisiter une deuxième fois le musée d’art contemporain de Marseille.
Marseille qui est une ville cosmopolite et presque « Algérienne »,beaucoup d’artistes peintres ont fait le lien « antérieurement »avec l’Algérie. Paradoxalement ! C’est donc la ville Française de Marseille qui nous offre cette semaine « un lundi de l’Histoire». Disant plutôt « une histoire de l’art » puisque cette ville est propriétaire d’une partie de notre Histoire .Une Histoire bien particulière pas celle du vieux port et sa canebière ni celle de la gare saint-Charles et sa cour Belsunce mais une Histoire qui fait un « lien » fort et très particulier avec cette dernière exposition du musée d’art contemporain de Marseille -13002.
(Expositions -Visages Picasso, en Juin 2014, de 10h à 18h (Entrée 10€) Bizarrement ! En Algérie les expositions sont gratuites !

Lors de ma visite en juin dernier. Le tableau de Picasso m’a vraiment passionné. J’ai voulu tous simplement partager cette passion avec mes amis une deuxième fois en particulier dans ces premières journées de Novembre et pour ainsi dire la partager aussi avec nos lecteurs.
L’exposition avait pour thème : Les tableaux de «l’antiportrait» aussi beaux que drôles et où Picasso avait « auparavant » déjà posé trois drôles d’interrogations !
1-Faut-il peindre ce qu’il y a « sur » un visage ?
2-Faut-il peindre ce qu’il y a « dans » un visage ?
3-Faut-il peindre ce qui se « cache derrière » un visage ?
Les trois questions illustrent la remise en cause fondamentale du «genre-portrait», par la modernité représentée par l’art et par conséquent «l’Histoire de l’art ». Le visage doit dire autre chose que la ressemblance à son modèle. Et ce qu’il avait à dire en cette guerre d’Algérie (une des plus violentes de l’Histoire du XXe siècle) est justement notre thème de ce lundi. Depuis le début inquiétant au mois de novembre 1954 jusqu’ à l’approche du cessez le feu et la proclamation de l’indépendance algérienne au mois de juillet 1962.Pour les artistes, ce qu’il fallait dire n’avait pas grand-chose de rassurant. Mais, il fallait le dire avec l’art et la manière.L’Histoire de l’art le confirme, elle le révèle aussi, dans une gamme particulièrement étendue de l’art du XXe siècle, l’immense désarroi de l’homme et de l’artiste face à lui-même et à ses semblables.

C’est donc, un lundi ouvert à celles et ceux qui refusent d’oublier que les victimes ont droit à une pensée dans cette première semaine de novembre. La mémoire est un devoir et que le cri du cœur de notre ami Djillali C dans sa dernière chronique du jeudi « Si Novembre m’était conté » ne peut être forcément une douleur.

C’est en 1957 que M’hamed Issiakhem peignait une toile intitulée «Djamila ». En 1961, Pablo Picasso dessina aussi une Djamila. Alors ! Picasso connaissait –il Issiakhem ? Un visage et une femme combattante. La première se nommait « Bouhired » et la seconde « Boupacha», mais au regard des deux œuvres, elles transcendaient les modèles qui les avaient inspirés pour devenir des symboles puissants du combat du peuple algérien pour son indépendance. Notant qu’une centaine de tableaux et dessins atteste une partie de l’Histoire de l’art avec la guerre d’Algérie. Ils sont «gardés » dans plusieurs musées du monde (quelques uns sont connus mondialement). Des musées mais aussi des collectionneurs privés constituent cette Histoire exceptionnelle.
Parmi ces tableaux, il faut noter ceux peints ou dessinés par des peintres prestigieux tels Picasso, Matta et Masson: « Djamila Boupacha» de Picasso, Fusillade, de «Goya » de Vasco Gasquet, «Algérie, 1960 » de M. Issiakhem, «Hommage à Maurice Audin » de M. Khadda,« Mendiant à la mitraillette » de J. D. Maisonseul, «Nord du Sahara » d’Erro, «Prisonnier pour la liberté » de C.Peverelli, « Parloire de la prison » d’André Masson, «La question » de Mata, « Transport de blessés dans le maquis » de Taslitzky, « Opposition des masses à Alger » de Crémonini. Tous ces peintres célèbres ont œuvré à marquer l’Histoire de révolution Algérienne.

Djamila 22 ans, arrêtée le 10 février 1960 et accusée d’avoir déposé une bombe, elle subira les supplices de la torture par des paras déchainés. Battue et piétinée. L’affaire Boupacha éclatera au grand jour et prendra une dimension internationale, au cours de son procès qui eut lieu les 26, 27 et 28 juin 1961.L’affaire prend de l’ampleur avec «le comité de défense pour Djamila». Mais comme son procès ne la disculpe pas pour autant, alors Simone et Gisèle Halimi ont eu l’idée (notre photo) de coéditer un plaidoyer chez Gallimard avec, en prime, la toile de Pablo Picasso en couverture.
Pablo Ruiz Picasso s’était intéressé à l’Algérie au tout début de 1954 par toute une série de variations sur les Femmes d’Alger, de Delacroix (Beaucoup a été dit au sujet de ce lien -Notamment de Rachid Boujedra). Picasso a rectifié le cours de l’histoire parait-il en dénonçant la souffrance des femmes algériennes soumises aux pires gémonies coloniales depuis 1830.
Picasso a voulu, témoigner à sa manière son soutien à l’émancipation du peuple algérien colonisé en donnant à ces femmes une image de combattantes. Simplement en revisitant l’œuvre de Delacroix et en achevant « sa » série par une œuvre monumentale qu’était le supplice de Djamila Boupacha en 1962.
Djamila Boupacha comparait à Caen fin juin 1961 au terme duquel elle est condamnée à mort, le 28 juin. Dans ce procès pourtant elle identifie ses tortionnaires mais au terme duquel elle est condamnée à mort. En 1962 elle est amnistiée en application des accords d’Évian mettant fin à la guerre d’Algérie et libérée le 21 avril 1962. (Ordonnance de non lieu le 7 mai 1962).

AL-MECHERFI.

Un commentaire

  1. Salam,
    Nous ne pouvons que remercier le DR El Mecherfi pour son sens épistémologique de rentabiliser mission académique et recherche-action au service de l’Histoire et de la Mémoire qui plus est cette interaction entre l’Art et l’Histoire de Novembre 1954 !
    Et nous ressentons aujourd’hui que si l’Histoire est censée nous appartenir de par nos revendications parfois chauvines,l’Art au contraire est universel et n’a pas de frontières! Et lorsque l’Art expose l’Histoire censée nous appartenir,nous sommes des fois très émus devant “ses” toiles et reliques exposées en musées !!! Je crois avoir ressenti personnellement en septembre 1982 au Musée de Damas ce qu’à ressenti Si El Mecherfi au Musée de Massilia…cette impression de dépouillement de quelque chose qui devrait nous revenir .Je n’ai pu retenir mes larmes lorsque j’ai vu au Musée de l’Armée de Damas les effets personnels de l’Emir Abdelkader et une partie du harnais de son cheval exposés,bien entretenus et bien gardés! Pourtant j’ai senti de façon transcendantale la solitude qu’avait pu vivre l’Emir Abdelkader loin de son pays et de Mascara!!!
    L’Art fixe l’Histoire pour l’éternité tant que ses vecteurs sont conservés et entretenus.Le tableau cubiste et expressionniste “Guernica” de Picasso reste d’actualité sur le “clair-obscur” de la guerre civile d’Espagne et le bombardement de la ville par les nazis alliés de Franco.Un refoulé et non-dit dont l’Espagne aurait bien voulu se passer mais que la célèbrité de Picasso l’ a pérennisé…
    La femme algérienne en avant garde du combat libérateur à l’instar de Jeanne d’Arc reste fixée par ces tableaux célèbres par leur auteur et artiste Picasso et que la presse algérienne sponsorisée occulte préférant la promotion clientéliste des recalés des festivals internationaux et la périphérie…
    Merci Docteur pour ce repérage/éclairage et à la prochaine ouverture d’une filière de l’Histoire de l’Art à l’Université Djillali Liabès!

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