L’accusation gravée en lettres de sang » Omar m’a tuer » et pointant le doigt sur un jardinier marocain semblait désigner le coupable parfait. Depuis, elle a fait florès et resurgit sous la plume de nombreux commentateurs comme formule allusive aux fausses évidences.
Point n’est besoin cependant, dans le cas présent, de convoquer ni graphologues, ni experts scientifiques sur la scène du crime politique, exécuté avec méthode et dans l’allégresse , avec le concours d’un suffrage universel, absent à moitié vu le fort taux d’abstention. Le crime est signé et revendiqué et il se veut soutien républicain qui s’apparente à un tsunami électoral dont la dynamique vise à amplifier la large victoire de Macron à la présidentielle.
Les politologues glosent depuis longtemps sur « la prime présidentielle » qui permet au président élu d’installer au parlement une large majorité lui permettant d’exercer son mandat.
En ce lendemain de premier tour des élections législatives,la scène de crime est jonchée des cadavres politiques qui se comptent dans tous les camps. Ce champ de ruines va de l’extrême droite défaite avec pour seul espoir une victoire en trompe-l’œil de Marine , aux scalps des barons de la droite, jusqu’aux éléphants du PS dont certains s’incrustaient depuis l’ère de la vague rose de Mitterand en 1981.
Ce personnel politique, souvent issu du même milieu et des mêmes écoles a survécu des décennies entières grâce au réseau relationnel organisé de l’entre-soi, la règle du passe-droit pour
éviter les embûches de l’état de droit.
Les troupes Mélanchonistes se sont mêlées à la curée pour s’octroyer la dépouille du PS , de l’ancienne gauche de gouvernement et ses alliés verts pâles; quand dans le même temps ,Macron et son staff organisaient en catimini le transfert idéologique d’anciens ministres dont la tête pourrait être sauvée en vertu d’un accord électoral qui ne leur mettait en face aucun candidat d’En Marche.
Valls, Vallaut-Belgacem s’ils survivent au deuxième tour, seront alors débiteurs et obligés de Macron et fossoyeurs d’un parti dont ils portaient les couleurs et le brassard sous la présidence de Hollande. Et surtout mètre étalon de l’absence de principes.
Hamon, éphémère vainqueur de la primaire socialiste et candidat malheureux à la présidentielle boit le calice jusqu’à la lie en étant éliminé au premier tour, ce qui sonne le glas de tous ses espoirs de refondation du PS. « Hollande et Valls m’ont tuer », serait-il en droit de clamer!
Comme Paris vaut bien une messe, la survie politique vaut bien un reniement!
La tentative désespérée de certains, de survivre à la mort politique démontre tout le cynisme de personnages qui méprisent la règle de la saine alternance démocratique et méprisent le système tout en l’exploitant et en convoitant tous les avantages.
A ce moment là, les paroles du procureur de Palerme, Nino de Mattéo qui compare le fonctionnement des élites politiques à celui de la maffia, résonnent dans ma tête:
« Jamais la Maffia n’aurait pu faire à Palerme et en Sicile et en Italie ce qu’elle a fait si elle n’avait pas pu compter sur l’indifférence d’une bonne partie de la population et l’habitude de soutenir politiquement celui qui peut vous servir. »
Arrivés à un niveau de lucidité, peut-être sclérosant,et à mettre au crédit du privilège de l’âge, nous sommes familiers des lendemains qui déchantent.
Et pour me détacher de l’actualité frivole, mes pensées me mènent malgré moi vers Bagdad la martyre qui n’a pas résisté à la « Tempête du Désert » du croisé Bush, et dans ma tête, Farid El
Atrèche continue de chanter, de façon prémonitoire « sat el rih 3ala Baghdad ». Badgad où l’on avait enseigné, étudié et préservé la pensée grecque et où une Maison de La Sagesse célébrait le savoir. Bagdad, paradis terrestre de l’étude,de la douceur de vivre , de la grâce, devenu enfer sous Daesh.
Pensées qui s’envolent vers cette corniche oranaise, où la couleur ocre des rochers offre un saisissant contraste avec le gris chair d’escargot de l’asphalte et le bleu qui hésite entre le marine et l’indigo selon l’heure du jour.Bleu auquel vient se mêler la touche blanchâtre des vagues, blanc apporté à cette immense toile cosmique par un pinceau céleste nommé Eole.
…Et la mémoire des noms qui continuent de s’accrocher à ces lieux, Sainte Clotilde, Saint Roch, lieux que je me suis accoutumé à appeler de manière générique, La Corniche.
Je rends grâce au Ramadan de me la livrer, presque désertée de ses automobilistes,disponible et magique comme je l’avais connue et aimée. Les trilles du Oud de Farid continuent leurs douces vibrations: Sat el rih 3ala Bagdad!
Autant en emporte le vent! Autant en emporte le temps!