Macron rencontre Musk par “surprise” en Louisiane

Aucun des faits et gestes du président français n’est laissé au hasard. Des équipes de professionnels s’occupent de tout orchestrer et même de tout réinterpréter lorsque tout ne se déroule pas tout à fait comme prévu.

La com’ est devenu l’Alpha et l’Omega de la « bonne gouvernance ». Ce n’est pas propre à nos amis gaulois.

Et cela coûte la peau des f… Le parlement français essaie de démêler le rôle des « experts » américains qui s’occupent du président français depuis (au moins) 2006.

Cette affaire sera traitée comme les « casseroles » Sarkozy, bien après qu’il ne sera plus au pouvoir et lorsque cela n’aura plus aucune importance pour l’opinion publique qui aura alors bien d’autres chats (qui n’y sont pour rien) à fouetter.

Ainsi en est-il due périple de E. Macron aux « States », comme on disait dans les années 1950, lorsque l’univers culturel français avait commencé à s’américaniser (bien avant BB, Bebel, Johnny, Schmoll et le reste…).

Après avoir été reçu dans la salle « ovale », E. Macron est allé en Louisiane pour défendre la francophonie.

Est-il besoin de vous parler de son état dans le monde, en Afrique et même en France ? Aussi, je n’en dirai plus rien.

C’est à cette occasion que les spin doctor ont vendu aux Français une « rencontre surprise » impromptue, du genre « J’ai levé la tête, j’ai vu de la lumière et je suis rentré : surprise ! »

Le type même d’abus de confiance des citoyens que se permettent les gouvernants d’aujourd’hui.

Macron rencontre Musk de manière très discrète, ainsi que nous le conte la spécialiste de l’intox publique, je veux parler de l’AFP. Ecoutons-la.

“Surprise

En toute discrétion – M. Macron a rencontré pendant une heure Elon Musk, homme le plus riche du monde, fantasque patron de Tesla, SpaceX et désormais Twitter, réseau social où il a limité la modération et supprimé des milliers d’emplois.

Le président français a tweeté qu’il avait eu « une discussion claire et sincère » avec M. Musk et échangé notamment sur de « futurs projets industriels verts, comme la production de véhicules électriques et de batteries ».

« Conditions d’utilisation transparentes, renforcement significatif de la modération des contenus et protection de la liberté d’expression : Twitter doit faire l’effort de se conformer à la réglementation européenne », a ajouté le président français, qui n’a pas répondu aux questions de la presse sur cette rencontre surprise.

Elon Musk s’est dit en réponse « impatient » au sujet de « projets enthousiasmants en France », sans les détailler davantage.” (AFP, S. 03 décembre 2022)

Dans ce monde d’handicapés majeurs, il faut concéder au président français un minimum de cohérence.

En début d’année, c’est quasiment devenu une tradition présidentielle, (exemple 21 janvier 2021 et le 22 janvier 2018 à Versailles), E. Macron déroule le tapis rouge devant les patrons des transnationales.

Les seuls interlocuteurs qu’il tient pour valables dans son monde où la démocratie n’est plus que du blabla. Un monde où ce sont normalement les élus du peuple qui décident de ce qui les concernent.

On peut se demander qui au juste E. Macron représente : est-ce bien le chef d’Etat que les Français qui l’ont élu et qui n’ont encore rien compris aux tremblements de terre qui font peu à peu s’évaporer les vieux restes de 1789 et (pour ceux qui ont de bonnes lunettes) de ceux que la France a récupérés de l’Ancien Régime.

Il y a quelques mois, Macron a décidé la fin d’une très vieille institution hexagonale qui a fait sans doute se retourner dans sa tombe le prince Maurice de Talleyrand-Périgord (rien à voir le fat et verbeux Chateaubriand) : le 18 avril dernier la France macronienne a signé la disparition du corps diplomatique. La France sera désormais représentée à l’étranger par des hauts fonctionnaires comme les autres. On en voit déjà des énergumènes de ce genre sur les plateaux de TV.

A écouter les anciens diplomates français en poste à Pékin ou à Moscou, à s’enrichir de la rigueur de leurs analyses, de la profondeur de leur culture classique, culturelle et politique, de l’intelligence de leurs conjectures, on peut se demander comme E. Macron s’il était vraiment pertinent de conserver la machine qui a fabriqué ces tambours qui sonnent faux et creux.

Plusieurs siècles de diplomatie française jetés par-dessus bord.

S’il n’y avait que ça…

Mais il ne faut pas nous prendre pour des demeurés.

Il y a des sujets infiniment plus importants à aborder que la démocratie et la liberté sur Twitter qui occupent les gogos.

Les dernières déclarations de E. Musk à propos de l’Ukraine ont fâché beaucoup de monde. Le patron de Tesla tient le bavard de Kiev pour ce qu’il est : un pion mineur sur un échiquier où se prend pour la reine.

La nouvelle donne américaine (IRA, dont j’ai évoqué les termes dans mon dernier billet), c’est bien avec les patrons qu’il fallait la discuter et Macron était mandaté (entre autres) par le patronat français pour en négocier, sans beaucoup d’espoir les nuances avec Washington.

Toutefois, les Français ne peuvent se faire aucune illusion sur les débouchés de ce papotage. Les Américains décident, les Européens communiquent.

Si E. Musk devait discuter de quoi que ce soit à propos de la guerre ou de la paix ou des investissements en Europe, ce n’est sûrement pas avec les politiques européens inaptes et amputés de l’essentiel, qu’il le ferait.

Cette rencontre fait beaucoup de bien aux images des deux hommes : l’un parle à un chef d’Etat comme à un copain et l’autre interpelle l’homme le plus riche du monde. Chacun trouve son compte médiatique dans une rencontre qui n’intéresse que les blablateurs qui polluent l’information quotidienne des « édentés », comme dirait l’homme au scooter qui a précédé Macron à l’Elysée.

Nous autres gens de peu du sud on doit se contenter de ça. Mais on n’est pas obligé de tout gober.

Djeha, S. 03 décembre 2022