En cette période de ramadhan, le pain demeure un aliment incontournable sur la table oranaise. Il est aussi le produit qui fait le plus objet de gaspillage de la part des consommateurs.
Durant le mois de jeûne, le pain prend des couleurs et des formes les plus variées. Les boulangers redoublent d’ingéniosité pour attirer l’attention du client et susciter l’envie voire la frénésie d’acheter de grandes quantités qui finiront le lendemain, jetées dans les poubelles ou déposées dans de sacs en plastique au bas des immeubles et à chaque coin de rue.
Certains jeuneurs n’hésitent pas à faire de longues « expéditions » à la recherche du meilleur pain de la ville, de la plus succulente baguette ou de la plus tendre des galettes traditionnelles.
Marchés populaires, boulangeries ou dans les quartiers, à même le sol, le pain est omniprésent : Metloua, Khobz Eddar, El Kessra, Khoubz Ezzitoune Matloue Maghnia, Khobz Labyed (pain blanc), Khobz Sanoudj, Panini, El Beriouch El Fougass, en plus de la baguette. Le choix est très varié et ne fait que saliver tout jeuneur.
Nombreuses sont les personnes qui rentrent, en fin de journée, chez elles, les bras chargés de pains en genres et tailles différentes. Les membres de la famille n’en consomment rarement un tiers de ces quantités.
Au sujet de cette habitude, » mauvaise » pour certains, nombreux sont les jeuneurs qui reconnaissent d’avoir agi sous « l’effet de la faim » et cédé à la tentation voire à une forme de frénésie d’achat. « Je ne peux m’empêcher d’acheter du pain, à chaque fois où je passe devant une boulangerie ou un revendeur à la sauvette », reconnait Amine.
L’oranais, à l’image de la plupart des Algériens, gaspille de grandes quantités de pain sans se soucier de sa culture, des principes qui régissent la société et des préceptes de l’Islam qui lui interdissent tout forme de gaspillage et de détérioration. « Jeter du pain est une manie qu’on l’on remarque tous les jours. Bizarrement, le phénomène prend une ampleur considérable durant ce mois sacré », déplore Ghaouti, un sexagénaire du quartier de Tirigou.
Dahou, un fonctionnaire dans une société privée à Oran, reconnait que « le pain reste son point faible en ce mois du ramadhan ». « Parfois, je passe chez six ou sept boulangers pour acquérir différentes sortes de pain. La meïda n’est qu’avec une Metloua et un Khobz Ezzitoune », devait-il ajouter, reconnaissant pourtant que la moitié de cette quantité n’est pas consommée.
Pour sa part, le jeune Mohammed, portant un sachet de 8 pains ordinaires, un autre de deux pains Metloua et deux autres de Khoubz Eddar a estimé que « l’achat de cette quantité est normale puisque sa famille compte neuf membres qu’il faille nourrir jusqu’à satiété ».
La vieille Fatima, mère de six enfants, a signalé, pour sa part, qu’elle ne prépare plus du « pain-maison ». « Tout est disponible dans les boulangeries qui panifient toutes sortes de pain, aiguisant les sens de la vue et de l’odorat du jeuneur qui succombe à la tentation et achète le double de ses besoins quotidiens sans se soucier du pain abandonné dans les décharges », déplore-t-elle.
Absence de culture de consommation
Pour plusieurs personnes interrogées par l’APS, c’est l’absence d’une culture de consommation qui est à l’origine de ce gaspillage. Dans ce cadre, Zaki Hariz, président de l’association de protection et orientation du consommateur et son environnement de la wilaya d’Oran et président de la Fédération algérienne des consommateurs, souligne qu’en dépit des campagnes menées avant et au début du mois du ramadhan, notamment par le biais des médias, le phénomène persiste.
« Les campagnes de sensibilisation des familles algériennes sur la nécessité de rationaliser la consommation du pain, denrée alimentaire indispensable dans toutes les meïdas algériennes, restent insuffisantes et sans effet notable sur le comportement du consommateur », reconnait-il.
Selon lui, des statistiques montrent que durant le ramadhan 50 millions de pains sont acquis par les consommateurs dont 20 pourcent sont jetés dans des décharges. « Nous n’avons pas une culture de consommation. Pour éviter ce gaspillage, il suffit de congeler le pain supplémentaire et le consommer le lendemain, sans pour autant le jeter », conseille-t-il.
Zaki Hariz explique le gaspillage de ce produit vital par deux facteurs qui sont le prix et la qualité. Le consommateur achète son pain quotidien entre 8, 50 et 10 dinars l’unité alors que son coût réel est de 12 dinars. Ce prix est subventionné par l’Etat et donc à la portée de tous, d’où ce gaspillage à grande échelle. Quant à la mauvaise qualité du produit, elle affecte négativement sur la consommation. Le pain perd sa fraicheur et son élasticité quelques heures après sa panification et sa cuisson.
« Les gens ont tendance à jeter ce produit et en acquérir d’autres », explique le responsable, qui déplore le manque de professionnalisme des boulangers qui ne maitrisent pas les normes et les techniques de la profession, en l’absence d’écoles spécialisées.
Dans ce contexte, il a rappelé le projet retenu par le ministère du commerce visant à améliorer la qualité du pain en le panifiant avec une farine nutritive. « Ce projet n’a pas abouti en raison de la cherté de cette farine importée », indique-t-il, en soulignant que l’association qu’il représente réitère son appel à une nouvelle réflexion sur ce projet.