C’était au niveau du rectorat de l’université Djillali Liabes que s’est tenue ce jour 13 du mois de novembre, un séminaire portant le thème “AZZA Abdelkader et la poésie populaire” devant une assistance composée de nombreuses personalités et invités de marques . Une conférence très riche animée par un trio de professeurs dont la notoriété n’est point discutable et comme cerise sur le gâteau au thème de ce séminaire, l’artiste et Goual M. Sedjari Abbes faisait partie du décor avec son costume d’antan pour donner libre cours aux invités avec ses kacidates bien maitrisées de Mostefa Ben Brahim .
En effet , c’était la nièce Mme Amina Bekat AZZA (photo ci contre) qui était programmée sur les affiches pour présenter Si Abdelkader (son oncle).Mme Amina est née à Toulouse, en France, elle est titulaire d’un doctorat en littérature française (Paris III, Sorbonne Nouvelle, 1985). Elle est Maître de conférences en littérature française, francophone et en littérature comparée à l’Université de Blida, Soumaa, Algérie, on dit qu’elle est “l’une des spécialistes les plus éminentes de la littérature africaine. Chercheuse, elle s’est illustrée notamment par la publication de sa thèse de doctorat intitulée «Regards sur les littératures d’Afrique».
Le duo M. El Hadj Meliani et M. Dellai devait enchainer en présentant le travail des universitaires sur la littérature populaire. Notons ici qu’en 2006, M. Dellai a déjà eu à présenter un thème largement suivi par les médias concernant les œuvres littéraires de AZZA avec son coéquipier Rabah Sbaa lors d’une table ronde et que nous publions en bas.
Le troisième conférencier Mme Nadjet Khadda née Belkaid que nous avons rencontré en marge du séminaire pour un entretien (appuyer sur la flèche d’en bas pour écouter son intervention),compléta en mettant l’accent sur “l’importance de la littérature populaire pour le champ culturel Algérien” thème de sa présentation.
Originaire de Nedroma,on dit qu’elle est une spécialiste de la vie et de l’oeuvre de Mohammed Dib, a présidé le jury du Prix littéraire Mohamed Dib et enseigné aux universités de Tlemcen et de Montpellier (France).
En fin de séminaire,ce fut au tour de M. Sedjari Abbes, Artiste qui se veut Goual à l’occasion, de réciter les très belles “kacidates” avec sa voix proche du “cheikh el Madani” et dont nous avons repris quelques morceaux ci-dessous. Une collation en l’honneur des invités donnée par les organisateurs clôtura cette intéressante rencontre .
Centenaire de sa naissance
Abdelkader Azza Hommage à un maître du malhoun
Récemment, la célébration du centenaire de sa naissance (le 5 décembre 2005) a été une occasion propice pour revisiter l’œuvre et l’itinéraire du fils de Hadj Kaddour H’laïmi. Et c’est tout naturellement au lycée ex-Laperrine, qui porte depuis le 19 avril 1968 le nom de Azza Abdelkader, qu’une table ronde a été organisée, en présence des membres de sa famille, d’anciens compagnons, d’universitaires et d’anciens élèves du lycée Azza.
Incontestablement, c’est le regard porté par deux universitaires, Rabah Sbâa et Amine Dellaï en l’occurrence, sur le travail (inachevé) qu’a entamé Azza au début des années 1940, qui a le plus focalisé l’attention des participants à cette table ronde. « Il faut reconnaître qu’un certain nombre de balises, essentiel pour comprendre la nature et l’essence même de la poésie populaire bédouine (chi’r malhoun), est le fruit de recherches entreprises par feu Azza », dira d’emblée Rabah Sbâa, enseignant universitaire, sociologue de formation. En 1963, Azza reçoit le titre de docteur ès lettres en soutenant une thèse à la Sorbonne sur le poète populaire de la verte tribu, intitulée Mestfa Ben Brahim, Barde de l’Oranie et chantre des Beni Ameur. Une référence en la matière, s’accordent à dire bon nombre d’universitaires qui se consacrent à « décortiquer » notre patrimoine culturel. Mais Azza avait déjà édité en 1931 Le pacte du sang, œuvre littéraire puiser du patrimoine classique arabe qui, selon plusieurs intervenants, consacra sa parfaite maîtrise des « principaux leviers de la littérature arabe classique ». « Le travail qu’a fait Azza Abdelkader sur le malhoun rend celui-ci éligible pour faire partie du patrimoine immatériel universel, tel que défini par les critères posés par l’Unesco », considère Sbâa, qui n’a pas tari d’éloges envers celui qu’il nomme « le f’hel (homme brave) du malhoun ». Abondant dans le même sens, Amine Dellaï, chercheur au Crasc d’Oran, s’apesantira, cependant, sur les conditions ayant participé à l’élaboration d’un livre « paru 12 ans après la disparition de Azza ». « La qualité, l’exhaustivité et la présentation de l’ouvrage fait de celui-ci un modèle, une référence. Qu’on le veuille ou non, quand on veut travailler sur le malhoun, Azza demeure incontournable », atteste Dellaï. Pour lui, le malhoun est un patrimoine revendiqué presque exclusivement par les gens de l’Ouest. « Ces gens-là (les Oranais) revendiquent une identité et une culture tribale. La preuve ? L’enracinement, à ce jour, de cette culture du terroir dans leur quotidien. » Relevant au passage que le malhoun est une poésie de très haute facture et de haut vol, Dellaï situe dans le temps le travail qui a permis à Mestfa Ben Brahim de refaire surface dans la mémoire collective. « C’était dans les années 1940. Azza a profité d’une culture orale encore vivace, mais également de précieux indices rassemblés et légués par cheikh Khaldi. Les mémoires vivantes étaient là et elles étaient de qualité, ce qui a grandement aidé l’auteur. L’appui qui viendra de l’institution académique fera le reste. » A cette époque, d’après Amine Dellaï, l’université d’Alger a décidé de créer un prix (doter de 2000 anciens francs) pour toute œuvre traduite de l’arabe populaire au français, par un « indigène », et ce, à l’initiative du professeur Perez. Le premier prix fut décerné à Ahmed Tahar, en 1942, pour le travail qu’il consacra à cheikh Benguittoune, le poète populaire de la plaine de Ghriss (Mascara). Azza Abdelkader y avait postulé, la même année sans succès. Son livre avait pour titre Mestfa Ben Brahim et ses chansons. C’était le titre original de l’œuvre qu’on lui connaît aujourd’hui. Dellaï, encore lui, ne s’arrête pas en si « bon chemin », lorsqu’il considère que « l’œuvre de revalorisation de l’identité nationale par le biais de la poésie populaire a été rendue possible grâce, en partie, aux travaux de Azza ». Même si historiquement, on retient que c’est Bouali Ghaouti qui a été le premier à avoir entamer cette tâche avec le livre intitulé kechf el kinnâ (démasquer) « Azza était un linguiste et faisait de la linguistique comparée. Il a démontré à travers ses travaux que la langue arabe algérienne est une langue à part entière, en phase de construction avec sa propre matrice », renchérit Dellaï, avant de redonner la parole à Sbâa, plutôt préoccupé par la préservation de ce patrimoine, si cher à Azza. Donner de la visibilité à ce patrimoine et lui insuffler une nouvelle vie, telle est l’idée de départ suggérée par Rabah Sbâa et devant aboutir à la création de la Fondation Azza Abdelkader. Projet en gestation à même d’éclairer la génération d’aujourd’hui sur les itinéraires contrastés et parfois controversés de dizaines de Safa (surnom que s’attribuait souvent Mestfa Ben Brahim) qui ont perpétuer tout un mode de vie tout en poésie.
Bio-express
Issu d’une famille aisée, Azza Abdelkader est né un matin d’hiver de l’année1905. Après des études primaires à Sidi Bel Abbès, le jeune Azza se dirige vers la medersa de Tlemcen d’où il sortira, quelques années plus tard, nantie d’un diplôme de fin d’études. A l’âge de 24 ans, il est déjà licencié ès lettres et prend possession de son premier poste de professeur d’arabe au collège de Bel Abbès. En 1929, Azza milite dans diverses formations politiques. L’hostilité de l’occupant ne tarda pas à se manifester. En 1957, Azza dû s’exiler au Maroc où il continuera à militer au sein du FLN et à enseigner. Une fois la souveraineté reconquise, Azza retrouve sa ville natale. Il a alors 47 ans et une solide expérience qu’il met au service des enfants de Sidi Bel Abbès. En tant que proviseur d’un lycée, Azza fut un fervent défenseur de la poésie populaire arabe. Tour à tour, professeur à l’école de journalisme, professeur d’ethnologie à la faculté d’Alger, Azza poursuivit dans l’Algérie libre sa mission d’éducateur. Le 18 avril 1967, dans la maison qui le vit naître, Azza Abdelkader s’éteignit, à l’âge de 62 ans. « Sous un ciel maussade, il pleuvait ce jour-là sur Sidi Bel Abbès jusqu’au cimetière ». Un an après sa mort, son nom a été écrit en lettres d’or sur une plaque de marbre qui désigne le plus ancien lycée de Sidi Bel Abbès.
Abdelkrim M Publié dans El Watan le 02 – 01 – 2006