Science, société et catastrophisme

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Une dépêche de l’AFP, de ce samedi 15 octobre 2022, rapporte un événement cosmologique qui s’est produit dimanche dernier. Elle invite à s’arrêter sur les relations des phénomènes étudiés par les scientifiques portés à la connaissance de tous.

Pour nous, hommes ordinaires, l’intérêt de l’événement rapporté ne porte pas seulement sur ce qu’il représente pour les scientifiques qui l’ont observé, mais aussi pour ceux qui le rapportent.

Cette dépêche est le type même de dépêche qui ne retient de la « science » pour le « grand public » que son aspect spectaculaire. Son contenu informationnel et sa pertinence ne semblent représenter aucune importance pour ceux à qui elle s’adresse.

On se demande d’ailleurs si l’agence de presse en question dispose d’une « démarche qualité », si elle entreprend des études d’impact de ce genre de dépêche.

Examinons d’abord les faits en question.

Des astronomes ont porté leur attention dimanche 09 octobre à « un flash de lumière » le plus brillant jamais observé, émis à une distance de 2,4 milliards d’années-lumière de la Terre.

Les astrophysiciens estiment que ces éruptions sont provoquées par la mort d’étoiles géantes, de plus de 30 fois la taille du Soleil. L’étoile explose et devient une supernova, avant de s’effondrer sur elle-même et de former un trou noir. De la matière forme alors un disque autour du trou noir, y est absorbée et rejetée sous forme d’énergie voyageant à 99,99% de la vitesse de la lumière.

« Quelque chose d’aussi brillant, aussi proche, c’est vraiment un événement que l’on ne voit qu’une fois par siècle », commente Brendan O’Connor l’astrophysicien du télescope de l’observatoire Gemini Sud, au Chili, qui s’est confié à un représentant de l’AFP.

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La dépêche n’est évidemment destinée au public scientifique. Mais alors quel peut être son intérêt pour ceux qui n’en font pas partie ? Ceux qui n’ont pas de formation scientifique ?

A ce sujet les questions sont nombreuses :

1.- Qu’est-ce qu’une année-lumière ?

2.- Que représente 2.4 milliards d’années-lumière ?

3.- Est-ce que cette distance garantit que l’événement soit sans danger pour la Terre ? La dépêche apporte deux éléments qui justifient cette question

            3.1. « Les éruptions de rayons gamma en général libèrent en l’espace de quelques secondes la même quantité d’énergie que notre Soleil a produit ou produira au cours de sa vie entière. » Diable !

            3.2.- « Le flash a libéré des photons portant 18 téraélectronvolts d’énergie (un 18 suivi de 12 zéros) – un record – et a eu un impact sur les communications à ondes longues dans l’atmosphère terrestre. »

La plupart des gens ordinaires ne savent pas très bien de quoi il est question (18 téraélectronvolts d’énergie (un 18 suivi de 12 zéros), mais les records auxquels font allusion les scientifiques inquiètent d’autant plus que cela a eu un impact sur les communications sur Terre.

C’est donc que 2.4 Mds d’années-lumière ce n’est si loin que cela…

Cet article de presse n’apporte en fait aucune information utile pour le commun.

Il ne dit pas formellement qu’il y a un danger mais ne rassure pas complètement non plus.

4.- Autre question : pourquoi observer ce phénomène à partir d’un observatoire au Chili ? S’agit-il d’un observatoire chilien ?…

Réponses. La plupart des gens ne sont pas censés savoir :

1.- Une année-lumière représente (non pas un temps) mais la distance parcourue par la lumière en une année.

2.- L’importance de cette question apparaît immédiatement quand on considère la vitesse de propagation de la lumière dans le vide : 299 792,458 km par seconde, arrondie à 300 000 km par seconde.

3.- Cela signifie qu’une année-lumière équivaut à une distance de : 9,461×1012 km, soit 9 500 milliards de kilomètres.

4.- Pour en revenir à notre sujet le « flash de lumière » observé dimanche 09 octobre se situe à cette distance multipliée par 2.4 Mds de km, soit 22 800 Mds de kilomètres.

Pour que l’on se rende compte concrètement de ce que ces chiffres représentent, il serait utile de les comparer à des données relativement plus familières.

5.- Le soleil qui nous éclaire tous les jours est situé à 150 millions de km, soit -si on retient l’unité de mesure ci-dessus- à 8 minutes-lumière. La Lune est à environ une seconde-lumière.

En d’autres termes, pour le sens commun, ce que la dépêche nous raconte sous la rubrique du record un peu inquiétant se situe à l’autre bout de l’univers. Ma boulangère aurait dire que ça fait « beaucoup »…

On devrait dire se situait.

En effet, le plus intéressant est de noter, ce que personne ne fait dans la dépêche que l’événement qui semble exciter les foules de scientifiques s’est produit il y a 2.4 Mds d’années.

En d’autres termes, on nous parle d’un événement qui n’existe plus depuis très longtemps.

Et c’est ainsi que nous autres humains ordinaires découvrons que les astronomes, contrairement à ce que n’on peut naïvement penser, sont en réalité des historiens qui passent le plus clair de leur temps à observer événements qui se sont déroulés il y a des milliards d’années.

Et que le ciel qui inspire les poètes et les amoureux n’existe plus tel qu’ils le contemple. Cela ne les empêchent pas d’écrire leurs poèmes et de roucouler sous les étoiles de la Voie Lactée.

6.- Le Chili n’est pas devenu une grande puissance scientifique (encore que…). Si on observe l’univers à partir de ce pays, c’est surtout à cause des avantages du site des Andes et du désert d’Atacama en haute altitude où le taux d’humidité est très faible, la pollution atmosphérique y compris lumineuse est très faible et donc l’indice de transparence de l’air idéal pour l’observation. Tous les télescopes de la planète y sont représentés.

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 Quelle leçon tirer de tout cela ?

Que la communication scientifique vulgarisée se joue de notre ignorance et l’instrumentalise pour faire de la connaissance un spectacle pour vendre des images et du papier.

Comme en d’autres domaines, les événements de ce genre sont quelques fois exploités pour manipuler, effrayer, orienter… nos émotions, notre jugement sur les hommes et sur le monde.

Les Occidentaux vivent sous les annonces perpétuelles de catastrophes :

– le réchauffement climatique,

– l’« invasion » de Ukraine,

– les pandémies (le SIDA, le COVID…),

– la crise financière internationale,

– le « terrorisme islamiste » (pour le moment mis en veilleuse en attendant de le relancer quand les autres « catastrophes » seront moins médiatiquement et politiquement exploitables),

– les « méchants Chinois » ou

– les abominables Qataris qui exploitent les ouvriers étrangers alors que tout le monde le sait depuis une éternité et alors que les Occidentaux font tout autant…

Il ne reste plus que les petits bonhommes verts.

Le catastrophisme qui fait la fortune de l’industrie cinématographique hollywoodienne.

Le bonheur n’est pas économiquement rentable.

Notre instruction honnête de l’actualité du monde ne les intéresse non plus.

Bien évidemment, il ne s’agit pas de diffuser une connaissance sophistiquée qui exige des années d’étude. Mais de restituer aussi honnêtement que possible la production scientifique du temps, avec ses découvertes, ses certitudes du moment, ses hypothèses, ses incertitudes, ses hésitations…

La vulgarisation scientifique a été longuement étudiée et la plupart de ses perversions circonscrites depuis longtemps.

Baudouin Jurdant a soutenu une thèse sur la question à Strasbourg (octobre 1973). « Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique ». Elle a été éditée en 2009 chez Archives Contemporaines. 197 p.

Bien que datée, son approche conserve l’essentiel de sa pertinence.

Djeha, S. 15 octobre 2022

Post-scriptum.

Depuis quelques jours l’islamophobie, dont la France devient la capitale internationale, ne cesse de pleuvoir sur les médias de ce pays.

Hier, alors que le monde a bien d’autres soucis, y compris en France avec les grèves et l’inflation et le vote du budget, France Inter ouvre son journal sur la « décapitation d’un enseignant » par un islamiste. Cela dure près d’un quart d’heure. Les autres informations sont expédiées à la va-vite.

Le matin et le soir rebelote sur la chaîne voisine du service public Franceinfo en son émission « phare » « les informés ».

Je lui prête l’oreille de temps à autre.

C’est déprimant. Après l’avoir écoutée, j’hésite à ce propos entre : les « sous-informés », les « mal-informés », les « désinformés » ou l’intitulé qui me semble lui colle le mieux : « les désinformateurs ».

Naturellement, l’assassinat de l’enseignant est un acte abominable. Mais ce qui est discutable c’est le coefficient d’indignation qu’utilisent médias et politiques occidentaux pour exprimer leur colère face aux horreurs de ce monde dont ils sont en large partie responsables.

One Reply to “Science, société et catastrophisme”

  1. Salam ! Au delà de la parabole espace/temps et des trous noirs dans le cosmos reste notre sagesse (D’autres diront incapacité) à garder nos repères ancestraux si nous considérons que la civilisation post industrielle et bancaire judéo-chrétienne a montré ses limites et ses contradictions pour ne pas dire déviances ! Déjà le philosophe Herbert Marcuse avait fustigé “L’homme unidimentionnel” paru en 1964, agonisant dans la désinformation médiatique avant le suicide collectif …Cela ne m’a pas empêché , au sortir d’une prière matinale et patrimoniale bien de chez nous , d’apercevoir vers 06.40 mn à la verticale de Sidi Bel Abbès, à très haute altitude avec une vitesse d’aéronef, un OVNI (Objet volant non identifié) filant vers le nord est ,lumineux blanc de couleur…J’ai pensé à une étoile à côté d’une autre étoile mais je me suis aperçu qu’elle était mobile et traça pendant deux minutes puis est sortie de mon champ visuel ! Des coordonnées à exploiter par la DAT et les services de veille !

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