SOUBRESAUTS

” Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres(George Orwell)

Une interpellation courtoise d’un lecteur-contributeur ne peut me laisser indifférent. Je ne peux par contre, y répondre, que si je répondais aux questions d’un lectorat plus vaste. Et mêmes aux questions qui ne sont pas posées.

L’humiliation de Rachid Boudjedra me fait bien sur épouser toutes les colères contre le pourrissement qui endosse le masque du divertissement. Une humiliation planifiée, scénarisée, sure de son fait et mettant les rieurs et les faux dévots de son
côté,n’emprunte qu’un seul chemin. Celui qui mène en une longue ascension de l’émancipation , de l’indépendance à la vilenie, à la médiocrité, et au plafond de verre des possibilités humaines.

La “Candid Camera” à la sauce algérienne est un prisme déformant qui nous parle de nos travers, mais je  pense que l’attentat médiatique contre Boudjedra ne suffit pas à oindre ce dernier de toutes les marques de la sainteté laïque que le statut d’intellectuel, et de surcroît Moudjahid mis en avant, lui garantissent comme une rente, ou un avertissement de ne pas s’en prendre aux vaches sacrées.

Les indignations tardives et sélectives et les récurrences de ce “nous” qui prétend parler au nom de tous, enlèvent du sens au débat. Prendre la défense des seuls intellectuels, et eux seuls, c’est entrer dans un discours qui conditionne l’impuissance.

L’interpellation courroucée de notre ami me servira de prétexte pour exposer ma vision, et pour dissiper, je l’espère quelques nuages. Spengler pensait que toutes les cultures meurent seules, sans rien léguer aux autres de leurs acquis, si seulement, on pouvait trouver un exemple où une culture moins avancée ait succédé à une autre plus florissante.

Bingo! En Algérie, on y est, et il se trouvera même des nostalgiques de la Une, télévision d’état monolithique, qui cultivent la nostalgie du noir et blanc , des feuilletons de Mustapha Badie, et des élucubrations de l’Inspecteur Tahar et de la fabrication des légendes qui donnent un sens immortel à l’éphémère vérité.

La croyance religieuse aux vertus du progrès était partie intégrante de notre souffle et de nos pensées quotidiennes, candides qui croyaient que la connaissance des causes et des effets libérait l’Homme.

Depuis, tout concoure à nous jeter dans un espace intermédiaire, où, dépossédés de notre parole,nous subissons les assauts d’un “nous” thaumaturge qui s’abrite et prospère sous la bannière des “sachants” . La parole confisquée, paralysée par le “nous” nous a rendus aphasiques et “graphophobes”.

Nos faibles forces d’individus ne peuvent se mesurer aux forces qui campent le champ social, et ne sont pas de taille pour lutter contre les postures et la disqualification par la distance l’argent, et la délégitimation de l’intellectuel, pièce de monnaie dévaluée ou/et instrumentalisée.

Notre histoire récente condamnée à ne briller que dans le souvenir des hommes qui ont fait l’offrande de leur vie, pour être trahis à titre posthume, balbutie et nous rend impuissants à franchir l’abîme de l’Histoire. Le peuple orgueilleux s’est réfugié dans le silence et les élites continuent de tourner autour d’elles-memes comme des planètes autour du soleil, certaines encore mues par inertie comme des astres morts et ignorant leur trépas.

L’espérance est obstinée et il importe peu que nos noms soient frappés d’oubli. Le message est toujours plus important que le messager.