Tout récemment est paru, sur un journal électronique local, un article relatif à Albert Camus, que le présentateur du site a titré «  Albert Camus revient au lycée Azza Abdelkader » et laisse l’auteur présenter son texte qui était clairement étalé. Néanmoins, nous avons relevé certains détails qui appellent quelques remarques : 1° A aucun moment il n’est dit que Camus a été désigné pour enseigner au lycée Laperrine. 2° Les explications données sur les motivations de son départ précipité, si elles traduisent un effort de compréhension, ne laissent pas moins transparaître ce qui peut s’apparenter à  des supputations. 3° Les échanges de commentaires, quant à eux, s’éloignent dangereusement du sujet et prennent, pour certains, une forme de règlement de comptes faisant que le journal qui offre gracieusement ses colonnes à toutes formes d’expression court le risque de devenir le plus grand commun diviseur alors que l’on constate chez la majorité des commentateurs que tel n’est pas son but. Pour le premier point, je rappelle qu’à l’époque coloniale, les lycées étaient dirigés par des proviseurs et les collèges par des principaux. Or dans le texte, il est fait mention d’une lettre datant du 5 octobre 1937  écrite par le principal du collège. Ne s’agit-il pas du collège Leclerc ? Si en 1937, le lycée Laperrine a d’abord été un collège, ce point est donc à évacuer. Pour le deuxième point, l’auteur de l’article pense que la présence d’une communauté d’extrême droite dans notre ville a fait changer d’avis Camus qui décida de retourner à la capitale  où il savait très bien  que l’écrasante majorité de cette frange politique était importante. L’argument avancé est donc à piocher davantage. L’auteur souligne, à juste titre d’ailleurs, l’appartenance du futur Prix Nobel de littérature, à « la gauche ». En effet, c’est en 1935 que son professeur, Jean Grenier (1898-1971), agrégé de philosophie à 24 ans, lui conseilla d’adhérer au Parti Communiste Algérien. Par lettre datée du 8 juin de la même année, Camus l’informa qu’il s’en était retiré c’est-à-dire qu’il n’y a milité que quelques mois. Toutefois, il garda sa carte de membre du P.C.A jusqu’en 1937 où elle lui fut retirée suite à des incidents survenus entre le P.C.A et le P.P.A de Messali Hadj. La même année (1937), il est journaliste à Alger Républicain où il gravit tous les échelons finissant éditorialiste et chargé de la rubrique culturelle. Au mois de mai, il signe un manifeste, avec des intellectuels algériens, en faveur du « projet Blum-Violette » qui octroie la nationalité française à…20 000 Musulmans sur quelques millions. Il rédige son roman inédit « La Mort Heureuse » après avoir publié, le 10 mai 1937,  « L’Envers et l’Endroit ». Dans sa biographie au début de « Théâtre, Récits, Nouvelles », on peut lire « Camus refuse un poste au Collège de Sidi-Bel-Abbès par crainte de la routine et de l’enlisement ». (Page 31). Ce livre, de 2 089 pages, est publié sous le numéro 61 de la prestigieuse Collection de la Pléiade (Editions Gallimard) le 29/7/2005 avec préface de Jean Grenier et introduction critique et biographie par Roger Quilliot. Afin de donner un complément susceptible d’apporter un autre éclairage sur Camus, il apparaît utile de rappeler que le 4 septembre 1960, alors que s’ouvrait le procès du Réseau Francis Jeanson dit « Réseau des porteurs de valises » des françaises et français qui  avaient pris fait et cause pour notre pays, 121 Intellectuels lançaient à la face du monde et surtout de la France, un Manifeste-sur l’insoumission à la guerre d’Algérie- qui allait provoquer une déflagration sans précédent dans la société française. Parmi eux Jean Paul Sartre, Simone De Beauvoir, Simone Signoret, Daniel Guérin, André Breton, François Maspero, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, André Mandouze, Françoise Sagan, Pierre Vidal – Naquet,  Jean-François Revel, Alain Robbe-Grillet etc. Sur les 121 signataires, deux  célébrités ne figuraient pas : Camus et Aragon qui avaient refusé de signer. Pour Aragon, on peut l’admettre mais pour Camus que certains qualifiaient « d’Algérien », son comportement ne pouvait être que l’émanation spontanée  d’une profonde conviction arrêtée de vieille date. C’était son droit. Ahmed Taleb El Ibrahimi, alors détenu en prison en France lui adressa une lettre dans laquelle il lui dit en substance : « Dans le manifeste que viennent de signer 121 Intellectuels français, une voix manquait et non des moindres : la vôtre Albert Camus. Vous qui parlez de votre mère en termes très émouvants, sachez que des milliers de mères algériennes sont violées ». (Je cite de tête, le texte original peut-être différent). Après l’Indépendance, Monsieur Ahmed Taleb édita un livre intitulé « Lettres de prison ». Un bandeau en papier rouge cernait le livre. Dessus était écrit : « Camus ! Ceux qui vous connaissent vous reconnaissent plus d’esprit que de cœur. ». Donc le titre de l’article  s’apparente à une regrettable récupération et la venue d’Albert Camus, un non-événement en soi, n’ajoutera rien à l’image de notre ville. En tous cas elle restera  nettement en deçà de la lettre adressée par Trostky  pour soutenir les cheminots communistes de notre ville qui ont organisé une grève qui fit date dans les annales non seulement  bel-abbesiennes mais même algériennes et maghrébines.