La Guyanne  et la nouvelle Calédonie sont  d’autres colonies Françaises. Elles le sont toujours. Quel rapport avec la chronique ?

Le bagne de Cayenne ! Ce bagne où étaient  « affectés » les prisonniers de droit commun condamnés aux travaux forcés, a « abrité » aussi des Algériens, qui étaient assimilés aux premiers, et traités beaucoup moins. La situation en Algérie où la revendication de l’indépendance n’a connu aucun répit depuis la résistance de l’Emir et d’El Mokrani, jusqu’à l’explosion de Novembre.

C’est là,  une situation qui a engendré un grand nombre de “révoltés” individuels en Kabylie dans les Aurès et en Oranie.  

Le bateau qui transportait les condamnés algériens mettait quinze jours pour joindre le Bagne. Un monde hostile les accueille: une forêt vierge où subsistent tous les dangers, des travaux forcés, la discrimination entre les détenus français et algériens. Outre qu’ils soient tous assimilés aux prisonniers de droit commun (la grande majorité coupables de meurtres crapuleux) alors qu’eux  étaient des Combattants de la Liberté, des prisonniers de guerre, statut que la France n’a même pas accordé   à Larbi Ben M’ hidi.

“Nous autres Algériens faisons carême pendant le mois de Ramadan et enterrions nos morts dans nos propres cimetières”, révèle un témoin, parmi ceux qu’on appelle communément « El Caladouni » Dans chaque ville ou village, il y avait quelqu’un qu’on appelait ainsi. C’étaient les rares rescapés de l’enfer. Quand j’étais jeune, je croyais naïvement que c’était son vrai nom patronymique, « El Caladouni » de notre village. La légende  répétait qu’il était ami avec « Papillon » et qu’il s’est évadé en sa compagnie.

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Sète est unesituée dans le département de l’Hérault et la région Languedoc-Roussillon . Ses habitants sont appelés les Sétois. Par sa population, Sète est la 152e commune de France, et la troisième de l’Hérault.

Appelée « l’île singulière » (expression due à Paul Valéry ), Sète est une ville à part, possédant une identité culturelle forte, avec ses traditions, sa cuisine, son jargon. Ville d’artistes comme Paul Valéry,Georges Brassens ,Manitas de Plata ,Jean Vilar,Pièrre Nocca ,les frères Di Rosa, elle oscille inlassablement entre tradition et avant-gardisme.(1)

Mais pourquoi parlerai-je aujourd’hui de Sète, la Commune Française ? Qu’a à voir Sète dans la chronique du jeudi de BAI ? Le manque d’inspiration est-il à ce point traître ?

En fait, c’est le nom que porte une rue de cette ville et le sujet évoqué, que j’ai croisé au fil de mes lectures (2) qui a attiré mon attention

La rue de la «RAMPE DES ARABES»   On l’a appelé d’abord –autre bizarrerie-   la «Montée des Bédouins».   Cette «Rampe des Arabes» est un témoin de l’époque coloniale. Les «Bédouins» en question sont les fantômes des hommes qui ont édifié ce raidillon il y a un siècle et demi. Des hommes prisonniers. Prisonniers de guerre. Incarcérés à la prison du Fort Saint-Louis, située au bout du Môle, ou au fort Saint-Pierre, dont les remparts abritent désormais le Théâtre de la Mer. Des hommes qui étaient condamnés aux travaux forcés. Astreints à casser des cailloux dans les carrières voisines et à les empiler pour construire cette chaussée. Tous ces forçats, ou presque, étaient Algériens. » Les deux forts en été construits exprès pour eux !

« Ces Arabes emprisonnés à Sète faisaient partie de «la masse» des déportés sans importance, des indésirables sans intérêt que «la politique» ordonnait toutefois «d’éloigner d’Algérie» (2)

D’où viennent-ils ?  La révolte en Algérie n’a jamais cessé dis-je. Le 1er Novembre était le couronnement. Pendant la résistance de l’Emir abdelkader,  d’El Mokrani et même bien plus tard, les militants du MNA ont fait partie des déportés aux bagnes. Les premiers furent les prisonniers consécutivement à la   prise de la Smala d’Abd El Kader par le duc d’Aumale, entre 1846 et 1855.   « Ces captifs sont affectés à la construction d’une voie unissant la rade au seul chemin existant pour rallier les plages et le petit port voisin d’Agde. La réalisation de cette voie a été d’une telle utilité que depuis, elle est dénommée «Montée des Bédouins» ou «Rampe des Arabes».

Premières victimes de la première guerre de la France en Algérie, premiers martyrs des premiers combats des Algériens pour l’indépendance, tous ces laissés- pour-compte de l’histoire ont fini «à la fosse commune du temps» qu’évoquait dans ses chansons le poète sétois Georges Brassens, sans penser à leur tragique destin. La «Rampe des Arabes» est désormais leur mémorial.(2)  

 C’est aussi des martyrs. C’est les premiers qui ont lutté et été tués pour que l’Algérie vive libre. Tous ont été traités comme des sous-hommes, moins que des animaux, exploités jusqu’à la mort par des travaux forcés que la force humaine ne peut supporter. C’étaient des esclaves. Beaucoup sont morts parce que leurs corps meurtris par  l’exil et  la malnutrition n’ont pas supporté. Mais beaucoup sont morts aussi pour leur dignité, car ils ont refusé de vivre dans l’esclavage et l’avilissement, ils se sont laissé mourir de chagrin.

Tous comme leurs successeurs, les Chouhadas de novembre, ils sont morts pour que vive l’Algérie. Ils sont morts pour que leurs enfants vivent de la richesse de leur Pays. Ils ne sont pas morts pour que leurs enfants s’immolent par le feu et l’essence. Ils ne sont pas morts pour que leurs petits enfants se suicident en pleine mer cherchant cet exil qu’Eux redoutaient tant. Cet exil qui les a tués……

 Rendons leur hommage. Prions pour leur mémoire. Ne les oublions pas. C’est le moins que l’on puisse faire pour eux !

 

 

(1)     Wikipedia

(2)     El Watan du 18 juillet 2011.