Le hasard fait souvent, bien les choses. Et c’est par l’un des plus grands que le journal a eu à mettre sous les dents des lecteurs, l’espace d’une semaine, simultanément, le cas de trois «Miloud.»
Miloud l’indigène a permis à son auteur de tenter une analyse étymologique du prénom. Déformation professionnelle oblige, l’Historien a failli l’emporter sur l’individu social imprégné de sa religion. Ainsi, il ne tombe pas aisément dans la simplicité qui consiste à le réduire à une légère distorsion du « Mouloud » lui-même dérivé de l’anniversaire du Prophète (QSSSL), mais fait appel à l’Histoire et provoque l’hypothèse de son existence dans les temps plus anciens.
Qu’importe l’origine du prénom! L’essentiel étant de découvrir à travers le premier Miloud, la naissance de l’état-civil, dans l’Algérie sous l’ère coloniale. La création des patronymes nous fait oublier la filiation par père qui était largement suffisante dans nos relations sociales de l’époque. Un jour, l’auteur nous racontera peut-être l’origine saugrenue de certains patronymes, attribués par l’administration coloniale, poussant plusieurs familles à changer de noms dès l’indépendance. Le sujet au fond très provocateur de par son originalité, a fait réagir des lecteurs. Dommage qu’ils se soient focalisés surtout sur le premier indigène enregistré à Sidi-Bel-Abbès que sur la naissance de cette nouvelle forme de gestion de la population qui sera à l’origine d’une nouvelle structure sociale, éliminant la notion de « tribu » au profit de «l’agglomération.»
Miloud l’indigène nous rappellera un autre Miloud tout aussi indigène, mais déterré de la fiction. Qui ne se souvient de Miloud, le “gueux” de Lakhdar Hamina dans ses fameuses « chroniques des années de braise.» Aliéné pour ses pairs, harcelé constamment par les enfants du village, Miloud était pourtant un vrai poète. Un troubadour visionnaire au verbe acerbe, mais prémonitoire qui aura attisé les braises, le temps d’un film. La manière de jouer ce rôle par le réalisateur lui-même, fut tellement parfaite, qu’elle suggère qu’il s’agit d’un Miloud qui a réellement existé et que l’auteur a connu. La prestation de Lakhdar Hamina dans la gandoura en haillons de Miloud, l’hère aura été un élément fort déterminant dans l’attribution de la « Palme d’Or » à Cannes.
Autant que le premier Miloud, qui a fait connaitre la naissance de l’état-civil comme acte de gestion administrative de la société indigène, le second a fait connaitre non seulement la naissance d’un cinéma Algérien, mais également que ce cinéma a contribué à activer l’indépendance du Pays. Et c’est Miloud qui l’annonçait souvent dans ses longues tirades inspirées du terroir et tout ce qu’il pouvait recéler de richesses linguistiques orales.
Le troisième Miloud est complètement différent, même si son homonyme, l’indigène voulait s’en rapprocher. Il a l’avantage d’avoir subi ce qu’ont découvert les premiers. Il a subi l’état-civil qui a fait de lui un élément de la société. Mais l’état-civil ne pouvait que cautionner son existence, rien de plus. Il n’était pas capable de lui assurer une vie décente, ni un avenir radieux. Il a donc grandi dans un milieu où il lui était impossible de réussir, notamment dans sa scolarité, gage souvent de succès d’avenir. Il grandit donc dans la rue et ne venez surtout pas lui parler de révolution, ni de guerre, ni de chroniques des années de braise. Il n’en a cure ! Sauf peut-être à l’occasion de la qualification de l’équipe nationale à la coupe du Monde. A force de grandir dans la rue, il est normal que l’on se nourrisse de sa nourriture, la délinquance et ses supports, drogue et crime. Mais Miloud ne recherchait que de l’air pour survivre. Si le second Miloud était un “gueux” de la guerre de libération, troubadour réaliste pourtant vu comme un oiseau de mauvais augure par ses pairs, pourchassé par des enfants dont la plupart ne figuraient pas encore sur le registre de l’état-civil, inauguré par le premier Miloud, le troisième Miloud était tout aussi un hère qui ne voulait pas être pris comme un gueux, alors qu’il ne cherchait qu’un souffle d’air, une bise pour survivre. Ce souffle, il le trouva en Nessma. Cette bise providentielle, elle-même victime des déboires de la société issue de l’état-civil que son père doit maudire. Ce père qui aurait voulu être l’amant de sa fille plutôt que son père. Ah ! Si le premier Miloud n’avait pas existé, peut-être qu’aujourd’hui, personne ne saurait qu’il était le père de Nessma, donc le beau-père du troisième Miloud. Ras-le-bol d’être poussée à la débauche par son propre géniteur pour lui garantir son vin et son joint, elle vit en Miloud, son sauveur. Le beau-père n’accepte pas qu’on lui chipe comme ça son gagne-pitance. Plutôt, son gagne-joint. Le drame !
On sait que l’histoire du troisième Miloud finit en prison gérée grâce à l’état-civil « inventé » par le premier Miloud et faisant fi du “moralement bon” et du “juridiquement condamnable.” On sait que le gueux de Miloud de la Guerre, termine en hère. Alors que lui se sentait dans le nirvana, ses pairs le considéraient perdu pour la cause, il était aliéné.
Ces faits m’ont rappelé l’histoire d’un quatrième Miloud que votre serviteur a connu dans son enfance qui a joué le rôle réel du second Miloud dans sa vie. Il débitait à longueurs de journées, des tirades prémonitoires sur l’évolution de la Société. Sa canne provocatrice à l’intention des passants, il déambulait à grandes enjambées les rues du village en haranguant le Peuple. Dénonçant les divers types de dérives du Peuple dont est responsable selon lui, le colonialisme, mais surtout l’état-civil qui permet aux uns de dénoncer les autres. Ce Miloud, était surnommé «nation dépravée» (Kaoum Khasra) parce que c’était le refrain de chacune de ses tirades.
L’histoire de ce Miloud se termine comme elle a commencé, dans l’anonymat le plus total.
Mais l’Histoire du premier Miloud ne se terminera jamais. Car à chaque fois que vous serez arrêté par un policer, la première chose à faire et de décliner votre état-civil : Nom, prénoms, fils de… et de…
Au fait, et ce Miloud qui a paradé dans l’avenue des Champs-Elysées, le 14 juillet, au nom des deux premiers « Miloud » a-t-il été mandaté par le troisième Miloud qu’il est censé représenter? On a tenté la question, et c’est Nessma qui répond à sa place : «Le 5 juillet est passé et mon Miloud n’a pas été gracié!»
djillali@bel-abbes.info
Bonjour.
Sonatrach, avait aussi son miloud pour faire la publicité de son produit ‘CHELIA’. “Koumkhasra”, c’était Benaouda, natif de Hounet.Sa maladie était lié à la disparition de son fils. Miloud ou Benaouda, l’essentiel est que l’homme dans sa phrase prémonitoire,il qualifiait son environnement immédiat de “KAOUM KHASRA”. Nous vivons dans la cupidité, l’hypocrisie et l’opportunisme aveugle. Avec de pareils ingrédients peut-on espérer construire un environnement synonyme d’un avenir serein et de progrès? Benaouda, descendant de “MILOUD” l’universel ne s’est pas trompé.Nous constatons.