Je crois être parmi les premiers lecteurs qui se sont précipités pour acheter l’ouvrage de Jonathan Lyons “The House of Wisdom” dans lequel il rendait compte de la manière dont les arabes et les musulmans avaient transformé la civilisation occidentale. Et je n’ai pas été déçu du voyage car j’y ai trouvé
l’objectivité d’un chercheur et le courage d’un homme déterminé à faire entendre à l’Occident l’ampleur de sa dette envers le monde musulman. Et à ramer à contre-courant. L’essor culturel musulman, bien antérieur au réveil de l’Europe médiévale, avait contribué à diffuser vers ces terres incultes des
traités philosophiques traduits des grecs anciens, mais également des traités de médecine, d’astronomie, de géographie, et Rabelais recommandait à Gargantuel d’apprendre l’arabe, la langue scientifique de l’époque.
Le soleil d’Allah avait prodigieusement brillé sur les contrées occidentales et aidé à en dissiper les brumes qui enveloppaient ce continent, le condamnant à être en marge de la civilisation et du bien-être. Ce que l’ouvrage de Lyons montre, c’est la grande réticence de l’Occident de se montrer créditeur, de reconnaître cette dette civilisationnelle; de nier cet apport et de construire une cosmologie anti-musulmane que l’on retrouve à ce jour. La violence est datée et elle vient d’un camp! On aurait tort de penser que les critiques cinglantes à l’égard du monde arabo-musulman soient récentes. La construction d’un discours islamophobe remonte aux premières croisades et son examen permet de retrouver une continuité historique troublante car les éléments du
discours (comme on dit maintenant) ont peu ou prou évolué. Ils se déploient avec régularité et avec des altérations minimes et ils esquissent toujours des lignes de tension et de confrontation faisant de la présence islamique une réalité peu légitime dans l’espace-monde.
L’opposition au rival musulman dont on jalousait les sciences et civilisation , ainsi que les immenses territoires, passait symboliquement par le fait de le dépeindre comme ataviquement antinomique avec l’essence occidentale et chrétienne. Et rétif à la modernité.
Ainsi, le monde arabo-musulman, ne sera pas admiré comme celui qui aurait transposé une version du paradis dans les terres odorantes d’Andalousie, et accouché de merveilles architecturales qui me feront toujours passer par Séville, mais le tableau du barbare que l’on veut présenter à l’Europe chrétienne. Le musulman, le Maure prendra les traits de la bestialité, et il faudra le contenir ou l’éradiquer pour ne pas se soumettre à ses
appétits insatiables et à sa fringale sexuelle supposée. Dès le départ, la figure du musulman et de sa culture entraient dans le plan d’une ÉLIMINATION du champ perceptuel et du champ conceptuel. Son modèle était rivalité insupportable pour l’Occident. Donc le bon musulman se devait d’être un musulman mort. Cette formule sera appliquée plus tard aux indiens d’Amérique et donnera chez nous; ” Un bon bougnoule est un bougnoule mort” de triste mémoire. Le peuple juif, tout “peuple génocidaire” du Christ devait
être épargné au titre de peuple témoin de la matrice judéo-chrétienne. Hitler se fera plus sanctionner pour cette transgression que pour le fait d’avoir exterminé 6 millions d’individus d’origine sémite.
Les lignes de forces du discours islamophobe de l’époque peuvent schématiquement être représentées sous formes d’oppositions binaires:
La chrétienneté était: Paix et Amour
L’islam sera: Haine et violence.
La religion du Christ représentera la Vérité et celle du Prophète Mohammed (SAWS) sera dépeinte comme celle du mensonge et le Messager comme l’anté-christ.
L’industrialisation de la peur (concept repris avec bonheur par tous)
présentera la religion musulmane comme misogyne pour lui aliéner la sympathie de la moitié de l’humanité alors que la polygamie était censée attester de l’extrême licence sexuelle des musulmans.
La plus grande obsession sera cependant celle qui consiste à nier l’apport du monde arabo-musulman aux domaines de l’urbanisme, de la planification urbaine, aux sciences appliquées et au renouveau philosophique.
Ainsi, Plétarque, soigné par un médecin italien formé par des savants arabes, refusera que l’on évoquât l’apport de la science médicale arabe dans une fameuse apostrophe: ” Les arabes sont et resteront des barbares qui n’apportent rien.” Ce déni est révélateur et symptomatique d’une islamophophie et d’un racisme anti-arabe bien ancrés et qui traversent bien les
siècles. Les discours de mobilisation mis en scène au cours de la première croisade font des vieux os et seront réactualisés par un Bush Junior, intronisé chef des croisés.
Le discours anti arabo-musulman gagnera en vigueur avec la montée en
puissance de l’Europe qui se projettera sur tous les continents. Colonialisme et impérialisme serviront de vecteurs pour inculquer aux peuples soumis la haine de soi, et l’euro-centrisme qui fait graviter le monde autour de l’axe de gravité occidental et la perception de leur culture façonnera une perception d’infériorité. Manifestation de l’aliénation culturelle qui fait de l’autochtone un colon encore plus impitoyable et un prédateur sans limites. Et la haine de soi, par investissement ou projection un piège fatal dont les premières victimes seront toujours les victimes de proximité.
La continuité historique de ce discours anti-Islam passera bientôt par un distinguo ou plutôt une opposition entre EUX et NOUS. Le binôme du clash de civilisation remis au goût du jour. Le fameux tango des propagandistes de la guerre de civilisations qui pousse à tomber dans le piège de l’ennemi, à penser dans le cadre conceptuel de ses représentations. A rester dans son orbite par incapacité conceptuelle pour se libérer de sa prégnance et agenda. Ne manque plus dans le tableau que la figure “bénie” pour eux du “Terroriste” global qui menace l’Occident civilisé et aide à occuper Dar El Islam avec la complicité de ses propres enfants, égarés de la dialectique et peu instruits du fait historique.
Oui l’Occident n’a jamais accepté le fait islamique et son humanisme et il est avare de compliments pour l’apport de cette civilisation et même la rédaction de l’encyclopédie d’Alembert, sur laquelle on s’extasie allait évacuer pernicieusement tous les apports attestés de la science arabe. pour l’anecdote, l’invention de l’algèbre sera porté au crédit de la France par une falsification intellectuelle colossale. Le refoulé occidental fait qu’il ne s’accommode pas du fait religieux et civilisationnel du DÎN EL HANIF et de toute l’armature
culturelle et scientifique qui a accompagné son essor. L’Occident, considère l’Islam comme un intrus civilisationnel dans un occident censé s’être abreuvé aux seules sources grecques et romaines. Mon ami Adil sait, qu’au moment où il me téléphonait, j’étais en contemplation religieuse devant un tableau peint à Damas vers 1500. Les notables damascènes de cette ville lumière recevaient une délégation de haut rang de la Sérénissime. La noblesse des traits, la richesse des habits et le rituel des cadeaux me renvoient l’image d’une ville dévastée et entrant dans le projet millénaire de l’élimination de la présence de l’Islam.
Les éléments du discours depuis la première croisade sont toujours présents et opératoires. La seule nouveauté, c’est que les idiots utiles se mobilisent pour porter la fitna dans Dar El Islam et faire la Harka du projet d’élimination du fait religieux musulman et sa culture. (” Celui qui tue un musulman …etc…)
Ma colère est encore plus grande envers mes frères aveuglés, complices naturels d’un piège qui nous est tendu depuis très longtemps.
En Grande Bretagne, l’Islam des Lumières, loin du Londonistan des barbouzes et des criminels en herbe, voleurs à la sauvette, cherchant la tewba,a attiré 100.000 britanniques qui se sont convertis. Majoritairement des femmes qui ont trouvé dans le message dignité, spiritualité et communauté de pensée face à une pensée unique et la dépersonnalisation du dieu marché!.
Boukhara, Samarcande,Cordoue, Sévilla, Palerme, Qom, Istambul sont
filles de Médine et de la Mecque. Avicennes, Avveroes, Al mutanabi,Al
Ma3arri, Ibn al-Muqaffa3, Al -jahiz attendent de nous que l’on aille butiner leur trésor pour en faire notre miel!
La foule trahit le peuple!