Il y a 44 ans disparaissait le maître de la chanson bédouie Cheïkh Hamada, toujours d’actualité

Considéré comme le doyen de la chanson bédouine,Cheïkh Hamada, le maître incontesté l’enfant du Bled Touahria est né le 1889, en pleine barbarie coloniale. Il se rebelle à son jeune âge par son refus de se soumettre à la « loi des colons ». Il quitte son village, Bled Touahria, pour se rendre à Mostaganem, où il y travaillera quelque temps en qualité de docker au port. Amateur de l’art, il fréquente le grand café de la ville, lieu de rencontre de tous les artistes de l’époque. Il apprendra beaucoup dans le domaine de la chanson dite bédouine et fera la connaissance des chanteurs et poètes, tels Cheïkhs Mohamed Snouci El-Meddah, le premier à avoir eu la primeur d’enregistrer ses chansons sur disques 78 tours en 1908, ainsi que Cheïkh Menouar El Mesteghalmi et Cheïkh Benhamida. Il se consacrera à l’interprétation grâce à sa belle voix. Cheïkh Hamada qui a honoré l’Oranie, n’était pas doué en poésie. Il se perfectionnera alors dans l’interprétation de chansons. Il s’isole avec ses amis, les fleuristes, dans le lieu dit « carrière », pour ses répétitions. Etonné par son style et ses interprétations, d’autant plus qu’il n’avait jamais été « guendouz » du Cheïkh Dahmane Bouterfa, du Cheïkh Kaddour O/ Lardjem ainsi que du Cheïkh Menouar O/ Yekhlef, Hamada apprendra beaucoup et plus vite. Il sortira de l’anonymat pour accéder au rang de Cheïkh (maître), il animera toutes les fêtes célébrées dans la région ouest du pays et est invité à toutes les noces, si bien que les maisons d’éditions de disques finirent par s’intéresser à lui. En 1962, il enregistre son premier 78 tours en interprétant la qaçida « Ya Aoudi » de Cheïkh Madani. Son nom fera alors le tour du Maghreb, mais aussi de la France au milieu des émigrés. Il collectionnera une grande variété d’oeuvres de poètes qu’il chantera, devenant le premier chantre interprète des oeuvres de Ben Msaïb et Ben Triki et accédera au titre de maître incontesté de la chanson dite bédouine, dépassant largement la célébrité des autres maîtres comme Madani, Adda, Bouras et même El Khaldi qui était plus poète que chanteur. Hamada recevait régulièrement des hôtes prestigieux, les grands maîtres de chaâbi : El Anka, Hadj Kara, Menouar, Fadéla Dziria, Mahieddine Bachtarzi, entre autres. En 1934, Hamada se rend à Paris sur invitation de la maison d’édition « La voix de son maître » pour enregistrer plusieurs disques, mais suite à une panne technique, il sera orienté vers Berlin en Allemagne où, dans le même studio, il fera la connaissance du célèbre Mohamed Abdelwahab. L’éditeur invita Hamada à enregistrer avant Abdelwahab. Ce dernier resta perplexe et médusé à la fin de l’enregistrement, il embrassa Hamada et le félicita pour ses interprétations magistrales du rythme de la chanson bédouine que le grand Abdelwahab trouvait très difficile. Hamada invita Abdelwahab en Algérie. Finalement c’est Youcef Wahbi, le doyen du théâtre arabe, qui se rendra à Mostaganem à la fin des années quarante. Cheïkh Hamada était doué d’une bonne instruction scolaire, il avait pour instituteur de français Brahim Fateh et pour l’arabe Bentagha, un théologien non voyant, à la mosquée de Sidi Bensnouci. Parmi les intimes de Hamada, nous citerons Belgherzali Belkacem, chauffeur de taxi, El-Habib Hachelaf, El Bar Amar, Rahab Tahar, El Khaldi, El Madani Benyoucef et d’autres encore. A son retour des Lieux Saints de l’Islam,Cheïkh Hamada fatigué, rendra l’âme un 9 avril 1968 à l’âge de 79 ans. Des milliers de personnes ont participé à ses obsèques.

Nous célébrons, ce 9 avril , le quarante quatrième anniversaire de la disparition du maître incontesté de l’art bédoui, pour lequel les enregistrements de Hamada restent toujours vivants et se renouvellement avec chaque génération. La belle parole ne meure jamais.

Source LA VO (2011)