LA POUSSÉE DES SALAFISTES EST ALARMANTE

 

Le pouvoir promeut-il la doctrine salafiste pour se prémunir contre toute tentative de soulèvement populaire ? Par l’intermédiaire d’imams exposant des hadiths portant interdiction de la désobéissance (el khouroudj min waliyi el amr) et de reconnaître que les Hadith venant de l’Arabie Saoudite, les prêches du vendredi ne sont plus éducatifs. Cela ressemble plus à un discours pour aliéner et restreindre la réflexion sur le libre arbitre politique. Depuis l’éclatement des révoltes populaires en Afrique du Nord, avec pour conséquences la destitution des tyrans Ben Ali et Moubarak, et plus tard, avec l’appui de l’OTAN, l’assassinat d’El Gueddafi, les lieux de culte à la wilaya de Sidi Bél-Abbès, comme dans d’autres régions du territoire national sont devenus des endroits hypnotiques et d’endoctrinement. La majorité des imams appellent à l’accalmie, mais surtout à l’obéissance du ” prince “. Ces imams, fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses, semblent avoir été contraints d’exécuter à la lettre des instructions venant de haut lieu.

La wilaya de Sidi Bél-Abbès, qui a enregistré un plus grand nombre d’adhésion à l’adepte du salafiste depuis quelques années, voit certaines de ses mosquées se transformer en tribunes appelant à ne pas investir la rue, quel que soit le motif. Au lieu de distinguer entre le religieux et le politique, les imams sont devenus les relais d’un pouvoir qui n’a pas su gagner la confiance de son peuple, à force de promesses non tenues et d’annonces sans effet. Vendredi après vendredi, nous avons analysé le contenu des prêches dans différentes mosquées relevant de la compétence de la wilaya de Sidi Bél-Abbès. Le contenu des prédications est surprenant, à l’exemple le cas de la mosquée Fatima Zohra de la citée Sidi Yacine. Au fil des semaines, les prêcheurs évoquaient plus un chaos pouvant survenir après une émeute. De la manipulation en tout lieu. Bien entendu, les imams se référant à des récits coraniques et à des hadiths de plus de consistance ou l’interprétation très générale.

Des informations faisant état que les imams de la secte salafiste ont étonné les pratiquants. Il ont cité un hadith dans lequel le prophète Mohammed aurait appelé à la patience, si el hakem (comprendre par là les responsables de l’Etat) est un tyran ou un despote. Dans la foulée, ces mêmes imams affirment “Quand un élément des services de sécurité vous frappe, entre de force dans votre maison, tabasse votre femme ou votre mère, il ne faut rien faire. ” Ces hommes de “religion” est-il réaliste en adressant un tel message à des Algériens ? N’a-t-il pas idée de leur tempérament ? Simple question. Dieu et Son Messager, le prophète Mohammed (saws), veulent-ils que les musulmans vivent dans un environnement où règnent autant de maux créés par les les affairistes salafistes ? La décadence, l’injustice entre les tyran salafiste, le gain facile, la marginalisation des compétences sont légion dans les pays arabes, y compris en Algérie et en particulier notre ville. Incontestablement, la réponse est non. Omar Ibn Khatab, second calife après Abu Bakr, répétait souvent que l’Islam a fait sortir les Arabes des ténèbres. Instrumentaliser la religion musulmane a toujours été pratiqué par les dynasties et les régimes arabes. Chez nous, les mosquées sont devenues des locaux d’abrutissement. Reste à se demander dans quelle optique travaillent les instances religieuses officielles.

Religieusement parlant, la Ligue mondiale des ulémas musulmans, même s’elle n’est pas tout à fait crédible pour certaines questions, révèle que des hadiths “pauvres” sont exploités par des régimes pour droguer et endormir les peuples. Le but recherché est de tuer, dans l’œuf, les révoltes populaires naissantes. Il est utile de souligner qu’il existe une filière dans les études consacrées à la religion musulmane. En effet, “la science du hadtih” est un vaste champ universitaire qui classifie les paroles du Prophète (saws) hadiths authentiques (les Sahih d’El Boukhari et de Mouslim, qui sont des textes de référence après le Coran), les hadiths sur lesquels les point de vue des ulémas convergent, et les hadiths dits “dhaâif”, c’est-à-dire non authentiques et non authentifiés et parfois relatés par des gens que le Prophète (saws) a appelé “les menteurs”. Le courant salafiste applique à la lettre les hadiths de nature authentique ou pas, y compris ceux qui n’ont jamais été attribués au Messager de Dieu. Dans ce cadre, il faut noter qu’il y a deux courants de pensée majeurs. L’école de l’interprétation et l’école du hadith. La première voudrait d’abord comprendre, interpréter dans son environnement propre, tandis que la deuxième voudrait aveuglément l’application de la parole prophétique, sans passer par un débat entre ulémas. Raison pour laquelle les salafistes s’intéressent au détail, comme l’interdiction de se raser la barbe ou de porter des pantalons qui dépassent la cheville. Pour eux, tout bidaâ conduit en enfer.

Les 4 écoles du sunnisme ont longtemps favorisé l’ijtihad durant les premières décennies de leur apparition. Le champ de réflexion a été restreint depuis l’avènement d’Ibn Theymia. A l’époque contemporaine, le salafisme a été propagé à coup de pétrodollars par le royaume wahhabite dans les contrées musulmanes. L’un des ulémas du malékisme vivant à Sidi Bél-Abbès nous affirme que les écoles du sunnisme (maléki, hanafi, chaféi) sont plus souples et plus vastes en matière d’interprétation. Le hanbali est plus figé à cause du combat mené par Ahmed Ibn Hanbal contre des hérétiques et des pseudo-philosophes, allusion faite aux muutazila. Pour notre interlocuteur “effectivement, l’apparition du salafisme en Algérie a divisé la société. Auparavant, le peuple était uni. Il suivait les préceptes de l’école malékite. J’ai toujours pensé que des coutumes étranges sont venues non seulement de l’Occident, imitation de mauvaises mœurs, mais aussi de l’Orient dont le salafisme.

La wilaya de Sidi Bél-Abbès reste la cible des salafistes de tout poil. Les chaînes satellitaires arabes, l’Internet, les mosquées, les lieux de commerce et les halkates sous les toits des membres de l’adepte salafiste sont les moyens privilégiés pour déstabiliser le pays. En réaction, une banque de fatwas et des instructions aux imams ont été données pour contrer les prêches des fondamentalistes. Les fatwas émanant des cercles dits salafistes défient actuellement les institutions religieuses de l’Etat. Certaines mosquées se voient embrigadées par des propagandistes wahabites en émettant des fatwas (avis religieux) sur tout évènement ou question d’ordre social, éthique et culturel avec des accents fanatiques qui peuvent nuire à l’intérêt général.

Face à cette situation, le ministère des Affaires religieuses et des wakfs est contraint de créer une institution de la fatwa en Algérie, sous le patronage des pouvoirs publics. Cette initiative à pour objectif que nous voulons que les hommes de religion et du savoir participent à concilier les Algériens avec leurs institutions et préserver celles-ci des effets destructeurs de l’activité parallèle qui gangrène la société et détruit les fondements de l’Etat. Un tel danger est mis en exergue par des officines parallèles qui activent sous le joug de certains noms. C’est pour cette raison que les responsables locaux prônent une guerre sans merci contre ceux qui prononcent des fatwas controversées qui sont des personnes indépendantes des institutions officielles de la fatwa et leurs acolytes appartiennent à des institutions parallèles et n’ont pas d’influence sur les Belabesiens et les Bélabésiennes. Comme première réaction, la Direction des Affaires religieuses pense à recadrer les missions des imams dans les prêches du vendredi. Ces derniers ont été instruits tout précédemment à combattre les fatwas virtuelles émanant de certaines chaînes satellitaires et les adeptes non autorisés.

Le premier magistrat de la wilaya doit également donner l’aval aux services concernés pour enquêter sur les réseaux suspicieux allant contre les prescriptions constitutionnelles de l’Islam. Aussi, est-il indiqué que désormais un travail d’approche sur le respect du rite malékite doit être consacrée par les imams et universitaires spécialisés. Sur ce front, le Haut conseil islamique est l’une des institutions officielles habilitées à émettre les fatwas sans y avoir été invité par le Président. Pourvue de cette prérogative, le HCI reste parfois silencieux sur l’ascension du fondamentalisme religieux, ce qui laisse l’extrémisme gagner d’avantage du terrain. En effet, il faut rappeler que la création d’un poste de Muphti de la République est restée lettre morte depuis au moins une dizaine d’années. Les pays arabes d’obédience sunnite ont depuis longtemps, chargé une personnalité du collège théologique de haut rang comme le muphti officiel de l’Etat. La seule démarche retenue actuellement est celle de créer une banque de fatwas qui d’ailleurs a été lancée récemment sur le site web. Cette initiative est destinée à empêcher les fausses interprétations de la charia et des principes fondamentaux de l’Islam en général.

Kamel Hadri

2 thoughts on “LA POUSSÉE DES SALAFISTES EST ALARMANTE

  1. Mon cher Hadri,
    Réponse et analyse pertinentes! Je reste perplexe sans aucun mot à ajouter à votre réflexion. Je la trouve plus que réelle depuis l’arrivée du ministre Aissa à la tête de ce sensible département. Wallah ! je n’arrive pas à comprendre comment du jour au lendemain ces imams ont changé de cap à 180° et prêchent chaque vendredi la bonne parole pour les “wallii el Amr” (bien sur je n’y vois aucun inconvénient mais ça risque de nous projeter dans les années 90 qui a donné naissance à la bête immonde comme vous le savez). Le prêche d’aujourd’hui, c’était l’amour d’autrui, de l’islam et de la société , la semaine passée, j’étais tellement étonné par le prêche que j’avais dit à un fidèle qui sortait de la mosquée que le ministre Aissa devrait être fier et très content de ce prêche (d’ailleurs ,j’ai oublié le sujet). Alors faut-il insister et ordonner ces “prêches pro pouvoir caractérisés” jusqu’à engendrer l’effet inverse avec tout ce que cela peut entrainer ou laisser ces imams décider d’eux mêmes ce qu’ils veulent lire comme dourouss aux fidèles.

    1. Mon frère Incorruptible

      Je mis en exergue, la majorité des imams, à travers la wilaya de Sidi Bél-Abbès, ont fait preuve d’une grande responsabilité à l’égard de la nation en prodiguant conseils et combattant les idées perverses. La prise de conscience des imams, les a prémuni des dérapages et a guidé leurs efforts pour la sauvegarde de la patrie et la préservation de ses acquis. Egalement je souligne que les générations de l’indépendance doivent assumer leurs droits et devoirs. Ceci, dit, ne peut être concrétisé que par le travail, la bonne conduite, la réconciliation, l’entraide et la persévérance dans les bonnes actions. Il faut dire que l’erreur est incombé au ministère des affaires religieuses pour le recrutement abusif et sans enquête d’habilitation. Il y a, en effet, beaucoup de mosquées qui échappent au contrôle du ministère pour des raisons multiples. Il est à noter que le ministre n’a rien dit à propos des mosquées gérées par des imams qui n’ont rien à voir avec la religion, c’est-à-dire qui n’ont pas de diplômes dans ce domaine et qui sont quand même permanisés par le ministère, et je ne comprends pas pourquoi. Ceux-là aussi doivent être nombreux. J’ajoute que le phénomène d’infiltration des mosquées par les soi-disant imams volontaires wahhabites remonte au début des années 1980, cela se faisait au vu et au su des autorités, pour des raisons que tout le monde connaît maintenant.- Mohamed Aïssa, le ministre des Affaires religieuses donne l’impression de vouloir changer les choses en imposant certaines mesures, mais avoue que sans formation et contrôle, ce sera difficile. Comment sortir notre pratique de l’islam de la crise spirituelle ? A mon avis, il faut de toute urgence changer radicalement les programmes de formation des imams et les programmes des facultés des sciences islamiques, pour donner la priorité à la philosophie et aux sciences humaines. Les matières religieuses et les textes religieux (Coran, Hadiths, et jurisprudence) doivent être enseignés dans leur contexte historique, forcément limité dans l’espace et le temps. Il faut relativiser le contenu de l’enseignement religieux. Je pense aussi qu’il faut intégrer le soufisme dans ces programmes, et même dans les programmes scolaires de l’enseignement général, car le soufisme enseigne l’amour, l’ouverture sur l’autre, l’amour et l’acceptation de la différence, ce qu’on ne retrouve pas dans le discours religieux actuel, qu’ils soit officiel, intégriste ou autre. Cela ouvre un grand chantier de travail de longue haleine et qui nécessite un suivi et un contrôle sans faille.

      En Algérie, nous avons opté pour le rite malékite, pas toujours souple et adaptable à notre époque. Qu’en penses-vous ? Tout à fait. Je pense que le système du fakih (juriste musulman), qu’il soit de rite malékite ou autre, est à revoir à la base, car il ne répond plus aux questions et besoins de l’homme moderne. Ce système ressemble à l’école maternelle ou primaire. Le monde a beaucoup évolué, il est arrivé au stade universitaire, mais les musulmans ne sont pas sortis de l’école primaire depuis plus de 14 siècles. Je pense qu’il est grand temps de faire une nouvelle lecture des écoles de la jurisprudence musulmane, afin de les adapter aux grands principes et idées humanistes qui font l’unanimité du monde moderne. Nous devons aussi enseigner le soufisme autant si ce n’est plus que ce système juridique. Il est déplorable que nos zaouïas et nos facultés de sciences islamiques enseignent la jurisprudence de l’imam Malek et n’enseignent pas le soufisme de l’Emir Abdelkader, de Sidi Boumediène, ou encore du grand Ibn Arabi.Notre société et le monde d’aujourd’hui ont besoin de l’enseignement des grands soufis beaucoup plus qu’ils n’ont besoin d’une jurisprudence qui n’est plus à la page du monde actuel. Je ne dis pas que nous devons jeter à la mer les livres de jurisprudence, mais j’insiste sur la nécessité d’une relecture très profonde de ces textes, à la lumière des nouvelles connaissances, afin de les adapter à nos questions et besoins actuels.

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